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23 mars 2022 16:45
Anxiogène. Kan Covid inn arive, li ti bien difisil, me mo pann vreman etone ! Car quelques années auparavant, j’avais écrit un papier sur la mutation des virus avec le changement climatique et la suppression des life corridors. Lorsque le premier confinement a été décrété, je travaillais sur ma dissertation sur le thème de la criminalisation des femmes de couleur depuis l'introduction du Code Napoléon dans le cadre de mon degré en Histoire. Avec le climat anxiogène qui régnait dans le pays, je n’avais pas vraiment la tête à ça mais j’ai quand même pu y arriver. D’ailleurs, un an plus tard, mon texte a été publié dans un livre s’intitulant Women in the making of Mauritian history et contenant des écrits de plusieurs autres Mauriciennes.
Jardin. Ce qui était dur aussi lors du premier confinement, c’est que je ne travaillais plus. J’avais perdu mon travail à Radio One où j’étais en part-time. Il fallait bien s’occuper en attendant la fin de cette période d’isolement. Cela m’a donné l’occasion de passer plus de temps dans mon jardin, à cultiver mes arbres fruitiers, mes légumes et autres. Je suis dans un groupe de permaculture avec des personnes formidables qui m’ont beaucoup donné après que j’ai été écartée de Rezistans ek Alternativ en 2018 pour avoir dénoncé certaines pratiques d’un membre de la hiérarchie. Pendant le confinement, nous avons continué à partager et à oeuvrer.
Maison écolo. J’ai aussi planché sérieusement sur mon projet de construire une maison écologique avec des tôles, de la boue, de la paille, des matériaux recyclés, entre autres. Je vis depuis plusieurs années dans une maison-conteneur. Juste après la levée du premier confinement, mon papa et moi, on s’y est mis, je suis devenue manev mason et la construction est toujours en cours. Même si je ne construis pas une maison en béton et que je fais beaucoup de récup', il faut quand même acheter pas mal de matériaux et ils coûtent hyper cher !
Précarité. La pandémie a effectivement révélé ou confirmé beaucoup de choses négatives qui se passent dans notre petit pays. Par exemple, la précarité de l’emploi. On peut perdre notre travail à tout moment. C’était déjà le cas avant la Covid mais maintenant, c’est bien pire. Beaucoup d’entre nous doivent se soumettre davantage aux diktats des patrons pour ne pas perdre leur travail.
Femmes. Le work from home, qui est parfois une bonne chose, est aussi très stressant quand on doit en plus s’occuper de la maison, des enfants, etc. Les femmes surtout en souffrent car ce sont elles, la plupart du temps, qui doivent gérer tout cela. Et puis, personne ne leur demande si tout va bien, de quoi elles ont besoin… On pourrait réduire leurs heures de travail ou trouver une autre façon d’alléger leur fardeau. C’est triste aussi de voir que même les gens qui travaillent n’arrivent pas à joindre les deux bouts avec toutes les hausses de prix et doivent trase pou gagn enn bouse manse pou zot ek zot fami. Seki ti ena inpe pe vinn mizer ek seki ti mizer pe vinn pli mizer !
Cruauté. Nous avons aussi vu à quel point le gouvernement fait preuve de cruauté à l’égard des personnes dans le besoin. Lors du premier confinement, il n’a pas hésité à mettre des squatters à la rue, dont plusieurs mamans célibataires. Alors que de l’autre côté, chez les plus privilégiés, des constructions avaient poussé comme des champignons durant la même période et on se demande si des permis avaient été émis pour cela. En tout cas, ils n’ont pas été dérangés.
Violence. Nous avons aussi constaté à quel point la violence à l’égard des femmes a été décuplée depuis le début de la pandémie. C’est comme si la femme, en plus de devoir gérer mille choses nouvelles, était devenue le réceptacle de la frustration des hommes !
Relations. Il y a aussi de tellement belles choses qui sont sorties de cette période difficile. D'abord, cette esprit de solidarité extraordinaire qui a gagné presque tous les Mauriciens. Nous nous sommes rendu compte encore plus à quel point il est important de s’entraider entre voisins, amis, parents et aussi d’aider ceux que nous ne connaissons pas mais qui en ont besoin. En étant isolés des autres, nous avons aussi constaté combien les relations humaines et le contact avec le monde extérieur sont importants pour notre bien-être.
Trase. Et puis, face à la situation, nous avons été obligés de trase pour vivre, pour manger, pour travailler, pour apprendre, et nous avons réussi à trouver de nouvelles façons de faire. Par exemple, le retour à la terre est une belle chose qui est sortie de la pandémie. Beaucoup de gens qui ont un morceau de terre se sont mis à planter et certains voudraient même le faire à plus grande échelle. C’est quelque chose que les autorités devraient encourager en offrant des terrains de l’État inexploités. Malheureusement, le gouvernement ne semble s’intéresser qu’aux grands projets agroalimentaires, qu’à faire venir des consultants étrangers qui ne connaissent pas la réalité de notre île au lieu de se tourner vers les experts mauriciens.
Souveraineté. Nous devons tout faire pour aller vers la souveraineté alimentaire. Et cela implique aussi de revoir le Seeds Act qui permet la vente de graines hybrides qui produisent des fruits et légumes dont on ne peut pas utiliser les graines par la suite. On est obligés d’en acheter d’autres. Il faut aussi revenir vers les espèces qui sont là depuis longtemps, qui ont survécu aux changements et sont devenues résiliantes.
Solutions. Il n’y a pas une façon de faire ni une solution pour recréer une meilleure île Maurice. Il y en a plein ! Encore faut-il que nos dirigeants aient la volonté de les chercher et de les trouver. D’abord, il faudrait identifier les problèmes en posant la question aux Mauriciens. On devrait aussi leur demander ce que, eux, ils veulent, comment eux, ils pensent qu’on peut améliorer leur vie. Ça peut prendre un peu de temps mais au moins, on arrivera à répondre un tant soit peu aux besoins de la population.
Zefor. Demann bann dimounn ki zot oule. Rann bann demars pou enn lakaz, enn terin ou ninport ki lot zafer pli fasil. Fer li vinn "human friendly", "life friendly" ! Inform dimounn lor bann fasilite ki gouvernman pe ofer. Bann Morisien bien "willing" pou fer zefor, pou fer kitsoz pou zot mem ek pou ed zot prosin, me nou gagn linpresion ki bann otorite pa anvi fer zefor, zot pa anvi soutenir bann dimounn ki pe trase.
Initiatives. Quand on voit les gens qui se démènent pour s’en sortir ou pour aider leur prochain, on ne peut qu’avoir de l’espoir. Quand on voit toutes ces initiatives personnelles, communautaires ou autres pour améliorer notre vie, notre quartier, notre île, on ne peut qu’avoir de l’espoir. Les Mauriciens sont résiliants, ils sont des traser, ils ont des talents et des ressources multiples, alors valorisons cela et donnons-leur un coup de main pour qu’ils puissent y arriver.
Partage. Offrons-leur aussi des espaces de partage pour qu’ils puissent déverser l’angoisse, le stress, que la pandémie, les hausses de prix et maintenant la guerre provoquent chez tout un chacun.
Après avoir travaillé un moment dans le journalisme ou encore comme médiatrice culturelle au Musée de l’Esclavage, entre autres, je suis maintenant enseignante free-lance. J’enseigne l’anglais en ligne à des Français. Je compte aussi reprendre mes études en Histoire bientôt pour faire un Master car c'est ma passion. En ce moment, je me concentre beaucoup sur la construction de ma maison écologique à Pointe-aux-Sables et sur le jardin que j’ai aménagé dans ma cour. Je projette aussi de faire de l’aquaponie. Sinon je fais pas mal de social mais je ne suis pas trop sur le frontline. Je fais également partie d’un collectif de féministes africaines avec lesquelles j’ai eu l’occasion d’aller assister à la Conférence des Parties (COP) en 2019. Je milite non seulement pour les droits des femmes mais aussi pour tous ceux qui sont victimes d’injustices ou de discriminations comme les handicapés, les homosexuels, les transsexuels et autres. Je suis une militante écologique également et je soutiens notamment le mouvement Friday For Future.
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