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31 mars 2014 14:31
Si les choses s’étaient passées autrement... Son épouse Sylvia aurait eu 49 ans cette année. Et ils auraient fêté, demain, 31 mars, leurs 25 ans de vie commune et organisé «une grande soirée» pour célébrer leurs noces d’argent. «C’était son rêve. Elle en parlait beaucoup car cela aurait marqué un tournant dans notre vie de couple», confie Allan Wright en ce triste jour commémorant les inondations meurtrières. Une tragédie qui lui a enlevé son épouse et son benjamin Jeffrey qui aurait, lui, eu 20 ans cette année.
«À chaque fois qu’on avait un moment de répit après une journée de travail, Sylvia me disait qu’il fallait qu’on prenne un peu plus de temps pour nous. On s’était beaucoup investis dans le boulot ces dernières années et nos enfants étaient de plus en plus indépendants, elle estimait donc qu’on pouvait désormais souffler un peu», poursuit Allan Wright en se replongeant dans ses derniers souvenirs heureux.
Si les choses s’étaient passées autrement, s’il n’avait pas plu abondamment ce jour-là, si les tunnels du Caudan ne s’étaient pas inondés, cette année, ces «moments rêvés» par son épouse seraient devenus réalité ; il y aurait eu plus de sorties en amoureux, plus d’apartés à deux, bref, plus de petits plaisirs simples qu’ils auraient savourés ensemble. Hélas, dit-il, «on ne pourra jamais faire marche arrière».
À la place, Allan Wright a vécu des émotions plus que négatives : le choc, le désarroi, le vide : «C’est difficile de retrouver ses repères quand, du jour au lendemain, on est dépouillé de ce qu’on avait de plus cher au monde.» Porté par la détermination de Sylvia, il s’était engagé dans plusieurs projets : la rénovation de leur maison, l’ouverture d’un restaurant familial, entre autres. Mais rien ne s’est encore concrétisé : «Beaucoup de choses n’ont pas pu se faire, mais en hommage à Sylvia et Jeffrey, mon aîné Jason et moi ferons tout pour réaliser nos projets, même si cela prend plus de temps.»
La pente est dure à remonter après la tragédie. Il lui a fallu panser ses blessures, tout en se donnant à fond dans une mission : «Faire la lumière sur ces inondations meurtrières, faire en sorte que toutes les victimes des familles reçoivent une indemnité et qu’on ait tous des réponses.»
Ces derniers mois ont aussi été, pour Allan, comme un pèlerinage sur le chemin de la reconstruction. Il était de toutes les cérémonies de prières, les veillées, les marches. Il était aussi présent lors des dévoilements de stèles, des rencontres autour de ce drame, comme le débat qui a eu lieu vendredi, à la mairie de Port-Louis. «C’est comme une thérapie. Ça m’aide à avancer et je sais que Sylvia m’aurait approuvé et épaulé», dit-il, en évoquant toutes les actions qu’il a initiées durant l’année écoulée : l’association des familles des victimes qu’il gère, les nombreuses sollicitations aux autorités et correspondances adressées au DPP pour que ce drame ne tombe pas dans l’oubli.
Parfois, il ferme les yeux et essaie d’imaginer comment la vie serait s’il n’y avait pas eu ces inondations. «Si ma femme et mon fils étaient là, on aurait été, ces jours-ci, plongés dans les papiers destinés à la MRA. Jeffrey savait bien gérer ces procédures administratives.» Et puis, il y a les coups de blues. «C’est très fréquent, mais dès que ça ne va pas, je vais me recueillir devant leur caveau et tout de suite après, je vais mieux.»
Sur ce chemin de la reconstruction, il est accompagné de son fils Jason, 22 ans, sa raison de vivre. Pour lui aussi, l’année passée a été terrible. «Chaque fois que mon père et moi nous nous retrouvons à table, c’est pénible. Avec mon frère, on avait prévu de terminer cette année les tatouages qu’on avait commencés ensemble. Nous voulions aussi voyager, aller en France et ouvrir notre restaurant.»
Jason se bat d’ailleurs tous les jours pour concrétiser ce dernier projet : «En hommage à Jeffrey, je baptiserai le restaurant de ses initiales «JAW» – Jeffrey Allan Wright – et j’y ajouterai un «S» car on avait également les mêmes initiales.» Pour lui, ce sera comme un clin d’oeil à celui qui est au coeur de toutes ses entreprises : son frère, sa souffrance…
Père et fils ont donné une messe pour leurs êtres chers disparus.
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