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Alliance PTr-MMM

8 septembre 2014

Les deux leaders, visiblement heureux, envisagent l’avenir à deux.

In the power of… le président de la République. Navin Ramgoolam a fait le point sur les pouvoirs accrus du président, sous la deuxième République, qui sera élu au suffrage universel pour sept ans. Il assistera au Conseil des ministres quand il le souhaitera – ce qui ne gênera absolument pas le Premier ministre, a précisé Paul Bérenger –, et aura le pouvoir de dissoudre le Parlement. Le chef du gouvernement devra le consulter avant chaque prise de décision importante ; il aura un plus important pouvoir de nomination – en consultation avec le Premier ministre – et il se chargera, toujours en collaboration avec le Premier ministre, de la gestion de la politique internationale de l’île.  Jayen Cuttaree sera, lui, candidat au poste de vice-président. Pour les changements constitutionnels, un panel sera constitué. «Il sera composé d’experts et d’avocats mauriciens», a expliqué le Premier ministre actuel.

Question réforme électorale. Elle aura lieu après les élections. Et Navin Ramgoolam a donné quelques détails : les 20 circonscriptions et leurs délimitations seront maintenues, le first-past-the-post system fonctionnera toujours avec trois députés par circonscription. Rodrigues comptera trois députés au lieu de deux. Une dose de proportionnelle sera maintenue. Les partis devront fournir une liste de 20 membres pour bénéficier du Best Loser System. Le seuil d’éligibilité à la proportionnelle est de 10 %.

Moitié-moitié. Navin Ramgoolam parle de partage de pouvoir «équitable» : 30 tickets pour chaque parti et 24 ministres, dont 12 pour le MMM et 12 autres pour le PTr. Sous la deuxième République, Navin Ramgoolam sera président et Paul Bérenger Premier ministre. Le Deputy Prime Minister sera issu du Labour Party ainsi que le numéro quatre du gouvernement. Le numéro trois sera un ministre mauve. Les postes de Chief Whip et de speaker seront attribués par le MMM. Alors que le Deputy Speaker viendra du camp rouge. Les portefeuilles des Affaires étrangères, des Finances et de l’Intérieur reviendront au PTr.

Sympa le comité. Le chef du gouvernement a annoncé qu’un comité «permanent de la coalition et de l’implémentation du programme» permettra de suivre l’évolution de l’alliance et de régler les problèmes qui surgiront. Un peu comme une aide conjugale.

Le Serious Fraud Office (SFO) verra le jour. Paul Bérenger l’avait exigé. Et il l’obtient en cadeau de mariage. Du coup, quand un journaliste l’interroge sur «l’enrichissement des copains, copines», qu’il a maintes fois décrié, il balaie le tout d’un revers de main : «Il ne faut pas rester dans le passé. Il faut se tourner vers l’avenir. Le SFO aura tous les moyens légaux et financiers afin de se charger de ces affaires.» De plus, il soutient que le prochain gouvernement présentera un Declaration of Assets Bill.

The return… of the MMM. Comment agira le MMM à la rentrée parlementaire ? Il ne fera plus partie de l’opposition… Et il ne fera pas encore partie du gouvernement. Pour l’instant, les deux leaders ne se prononcent pas. Ce n’est qu’après les législatives que l’union sera consommée dans l’hémicycle. En attendant la réforme électorale et les élections présidentielles, Navin Ramgoolam sera Premier ministre et Paul Bérenger Deputy Prime Minister dans le gouvernement que formera l’alliance PTr-MMM, si elle remporte les législatives.

Il devra patienter, le Paul. Un petit peu, beaucoup, énormément. Pour l’instant, Navin Ramgoolam ne veut pas se prononcer. Combien de temps pour que la loi concernant la réforme électorale et le projet de deuxième République soit prête ? Difficile à dire. «Mais nous lançons très prochainement le travail», confie Navin Ramgoolam. Le leader du MMM, lui, ne s’inquiète pas. Pour lui, le succès de cet accord est «garanti» grâce au «respect mutuel et celui de la parole donnée». Il fait confiance à son allié.  

Envie de l’accord électoral. Il va être rendu public, annonce Paul Bérenger. La transparence, c’est la tendance fin hiver 2014 : «Nous sommes sincères l’un envers l’autre.» Que c’est mignon ! Vous en connaîtrez donc tous les détails (si vous en avez envie). Et ce sera le samedi 20 septembre, après que l’assemblée des délégués du MMM se sera prononcée sur les clauses de ce deal (le dimanche 14 septembre) et la signature de l’accord.

Il est optimiste ! Et si, lors des législatives, cette alliance rouge-mauve n’obtient pas la majorité de trois quarts nécessaire pour voter la réforme électorale et le projet de deuxième République ? Et si Navin Ramgoolam n’est pas élu lors des élections présidentielles ? Les scénarios ne sont pas complètements tirés par les cheveux brillants de Paul Bérenger. Pas pour le chef du gouvernement, qui s’est exprimé sur ces points : «Pourquoi être si pessimiste ? Je ne le suis pas. Je n’ai aucun doute que tout se passera bien (…) Je suis persuadé que nous remporterons les élections législatives.»  

Il démissionne… enfin. Que les observateurs politiques, les membres de la réelle opposition patientent un peu ; Paul Bérenger rendra son tablier bientôt : «Dès que le processus est validé par l’assemblée des délégués, que Navin et moi signons l’accord, je rendrai visite au président de la République pour lui dire au revoir en tant que leader de l’opposition.» En attendant, ce sera business as usual… ou quelques jours de plus dans la peau d’un leader de l’opposition, qui ne fait plus partie, objectivement, de l’opposition.

Et Eric Guimbeau et Ashock Jugnauth ? Avec l’alliance PTr-MMM, sont-ils oubliés ? Pas forcément, estime Navin Ramgoolam : «Nous avons de bonnes relations. Nous allons voir.»

Allez, une date pour les élections. Ça aurait été trop beau ! Une date donnée comme ça, comme une fleur. Mais Navin Ramgoolam et Paul Bérenger cultivent le flou. Surtout l’actuel Premier ministre qui ne souhaite pas donner de calendrier électoral. Le Parlement reprendra, comme prévu, le 7 octobre. Entre-temps, il vaquera à ses occupations (voyage, voyage) et laisse, grand seigneur, le temps «aux petits partis» de mobiliser «leurs troupes». Néanmoins, selon les bruits de couloirs, les législatives se tiendront en novembre (soit le 6 novembre ou le 16 novembre, pour ceux qui veulent vraiment être précis). Pour le Budget, c’est le même discours. Impossible d’avoir sa couleur (rouge ?, rouge-mauve ?) et sa date.

Paroles de «Navin» et de «kamarad Paul»

C’est en ces termes que les deux nouveaux alliés se désignent actuellement. Et chacun a évoqué cette nouvelle alliance.

Navin Ramgoolam : «Nous partageons une vision commune. Le PTr et le MMM ouvrent un nouveau chapitre dans l’histoire politique. Nous allons construire une île Maurice moderne. Nous allons consolider l’unité nationale, approfondir la démocratie et améliorer le taux de représentativité des femmes. Nous avons des défis à relever sur les plans social, économique et environnemental. Ce partage de pouvoir est équilibré et assez unique. Notre pays est tourné vers la modernité.»

Paul Bérenger : «Cette alliance ne sert pas nos intérêts personnels. Nous la concrétisons dans l’intérêt du pays. Nous avons un programme gouvernemental à cœur. Notre but : consolider et approfondir la démocratie, consolider l’unité nationale et mener un combat sans pitié contre la corruption. C’est un moment historique ; nous voulons faire de notre pays un pays phare, et laisser un héritage à la jeunesse de demain. Nous prenons de grandes responsabilités. Entre nous, il n’y a pas de problème de confiance, nous avons pris notre temps.»

Une partie de l’opposition s’organise

Ils le savent. Ils n’ont pas vraiment de temps à perdre. La concrétisation de l’alliance PTr-MMM a lancé un compte à rebours. Dès l’annonce, le lundi 1er septembre, de la réalisation des souhaits de Paul Bérenger et de Navin Ramgoolam, certains partis de l’opposition parlementaire, ou pas, ont décidé de s’organiser.

C’est le MSM qui a battu le rappel des troupes. Lors d’un congrès, le vendredi 5 septembre, sir Anerood Jugnauth a lancé, une nouvelle fois, un appel à la mobilisation : «Je lance un appel à toutes les personnes de bon sens, aux dirigeants des partis qui sont en dehors. Rejoignez-nous et soyez raisonnables. Nous avons un devoir. Nous devons laisser dans l’Histoire un nom dont les gens se souviendront.»

Le 17 septembre, un congrès nocturne devrait être organisé par le parti du soleil. Et Xavier Luc Duval serait invité à prendre la parole. Une coalition MSM-PMSD est plus que probable. Mais pas que. D’autres partis devraient se joindre à cette réunion : le Muvman Liberater d’Ivan Collendavelloo ou encore le Mouvement démocratique national de Raj Dayal.

Pour l’instant, seuls les rapprochements entre le leader du PMSD, SAJ et Ivan Collendavelloo semblent être assurés. «Le PMSD souhaite une alliance. Mais elle doit être équilibrée et la méritocratie doit avoir sa place (…) J’ai parlé à Ivan Collendavelloo et il est d’accord. Il faut une alliance où tous les partenaires sont sur la même longueur d’onde. C’est ce genre de coalition que nous voulons», a confié Xavier Luc Duval lors d’un congrès à Mahébourg. Par ailleurs, il estime que les conditions d’alliance entre le PTr et le MMM sont bancales, seront «sources d’instabilité» et provoqueront des «problèmes constitutionnels.»

Mais si Ivan Collendavelloo se trouve dans cette alliance, qu’adviendra-t-il de Sheila Bunwaree ? Son ancienne alliée a qualifié, cette semaine, l’alliance PTr-MMM d’«aberration du siècle». La femme leader du Parti Justice Sociale organise même une manifestation le 16 septembre, au Champ de Mars, à partir de 11h30, pour dénoncer la situation politique. Quels partis de l’opposition la suivront ? Affaire à suivre. De son côté, Rezistans ek Alternativ compte présenter des candidats dans chaque circonscription et représenter l’alternative. Lors d’un point de presse hier, samedi 6 septembre, Ian Jacob, membre de ce mouvement, a fait le point sur la situation politique : «Il s’agit d’une pure déclaration d’intention, il n’y a rien de concret.» Pour lui, l’accord électoral ne présente aucun projet de société.


Ça s’est passé, cette semaine

Lundi 1er septembre. Après un week-end de koz koze intenses pour rabibocher Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, l’accord est conclu. Le leader du MMM et le Premier ministre s’adressent à la presse chacun de leur côté. Le discours est le même : l’alliance PTr-MMM est on !

Mercredi 3 septembre. Xavier Luc Duval déclare en congrès, à Mahébourg : «Il ne faut pas croire que Navin Ramgoolam ira planter des fleurs ou recevoir des ONG à Réduit. Il veut faire de Paul Bérenger un Premier ministre marionnette. Il a joué avec Paul Bérenger durant huit mois. Un gouvernement PTr-MMM sera le plus instable qu’il puisse y avoir.»

Jeudi 4 septembre. Le Président de la République répond à Me José Moirt qui lui avait demandé – à travers une pétition – de révoquer Paul Bérenger en tant que leader de l’opposition. Kailash Purryag estime que les arguments avancés par l’avocat ne constituent pas une raison valable pour qu’il intervienne dans le cadre de l’article 73(4) de la Constitution.

- Richard Duval ne rejoindra pas – encore –  les rangs du PTr. Pourtant, tout laissait croire qu’il rallierait les rouges après sa démission de toutes les instances du PMSD, il y a quelques semaines. Mais non ! Richard Duval se lance en tant que candidat indépendant à Plaine-Magnien/Mahébourg (la circonscription nº12).

Vendredi 5 septembre. Le bureau politique du PTr a écouté les modalités de l’accord lors d’une réunion présidée par Navin Ramgoolam, et a accepté à l’unanimité l’alliance PTr-MMM.

- Au même moment (ou presque), Paul Bérenger tenait le même discours avec les membres de son bureau politique et de son comité central. Le vote s’est fait à bulletin secret. Bureau politique : 38 pour, 1 contre et 2 abstentions. Comité central : 68 pour, 3 contre et 4 abstentions.

- Lors d’un point de presse, le leader du FSM, Cehl Meeah, demande une «collaboration concrète» aux deux hommes forts de la nouvelle alliance. Pourtant, il avait passé des semaines à critiquer ce rapprochement.

- Lors d’un congrès du MSM à Roche-Bois, sir Anerood Jugnauth précise qu’il n’est pas un «assoiffé de pouvoir» : «J’ai écouté Paul Bérenger et je suis sorti. Et je continue le travail pour lequel je suis revenu.» Il estime que la nouvelle alliance est en «manque de confiance» : «Discuter pendant si longtemps, demander un accord écrit… Tout ça le démontre.» Pravind Jugnauth estime, lui, que «Paul Bérenger ne pense qu’à ses intérêts personnels».

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