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Anooradah Pooran : «Notre espoir réside dans le développement de l’entrepreneuriat et de l’agriculture»

8 juin 2022

«Bien que ce soit au gouvernement de prendre les grandes décisions, nous devons tous nous y mettre pour contribuer à renverser cette situation difficile»

Comment je vis ces temps challenging depuis 2020…

 

DÉMUNIS. En mars 2020, quand le premier confinement a été décrété et que tout s’est arrêté d’un coup, que les commerces ont complètement fermé leurs portes pendant plusieurs jours, notre travail au niveau de l’ONG, lui, ne s’est pas du tout arrêté. Au contraire, il a continué de plus belle, avec une tâche énorme à accomplir pour aider les plus démunis mais aussi les moins démunis qui n’avaient pas, eux non plus, accès aux produits de première nécessité durant cette période.

 

SOLIDARITÉ. Je crois qu’on a été parmi les premières ONG à lancer un appel sur Facebook pour des dons alimentaires. On a livré beaucoup de foodpacks avec l’aide de nos donateurs et sponsors qui ont répondu de manière formidable. C’était un élan de solidarité et de générosité extraordinaire, comme on n’en avait rarement vu auparavant et c’est une des belles choses qui sont sorties de cette période très sombre de notre vie.

 

DEMANDE. Par la suite, quand les commerces ont rouvert leurs portes, nous avons ciblé les plus nécessiteux pour l’aide alimentaire et autres. Et cela continue jusqu’aujourd’hui car beaucoup de pauvres se retrouvent encore plus pauvres avec les prix qui n’arrêtent pas d’augmenter, d’autant que plusieurs ont perdu leur travail durant ces deux dernières années et peinent à retrouver du travail. Il y a eu un boom au niveau de la demande d’aide et nous devons sans arrêt solliciter des donateurs et sponsors pour pouvoir répondre à cette demande croissante.

 

Mon regard sur la situation actuelle…

 

ALARMANTE. La situation, surtout au niveau économique, est très alarmante. Nous avons l’impression qu’elle n’arrête pas de se détériorer, entraînant un appauvrissement de la population. Il y a eu la Covid et toutes ses conséquences néfastes, maintenant il y a la guerre. Tout augmente constamment en raison de la dépréciation de la roupie, de la hausse du coût du fret, alors que le salaire reste pareil ou au contraire a baissé, quand on a encore un salaire évidemment !

 

ANGOISSE. En plus de l’appauvrissement de la population, j’ai l’impression que la santé de celle-ci est également fragilisée avec tout le stress, l’angoisse que nous vivons depuis 2020. Et aussi du fait que, comme tout coûte cher, on mange moins bien qu’avant. Même à l’école pré-primaire de notre association, qui accueille les enfants de milieux défavorisés de Chemin-Grenier, nos petits protégés comptent beaucoup sur les repas qu’ils ont à l’école.

 

DONATEURS. Mais tout cela nous coûte aussi de plus en plus cher. Heureusement, grâce à nos sponsors et donateurs, nous pouvons encore le faire. Nous allons aussi bientôt ouvrir une garderie, toujours pour les familles vulnérables de Chemin-Grenier, et espérons que cela pourra aider les mamans à retrouver du travail, sachant qu’il y a un endroit sécurisé pour accueillir leurs bébés.

 

Des solutions pour s’en sortir…

 

PLAN B. L’État doit trouver un plan B pour relancer l’économie. Il faut absolument trouver des moyens de faire entrer de l’argent dans le pays. Par exemple, en développant encore plus l’entrepreneuriat et l’agriculture car cela nous permettrait de devenir en grande partie autosuffisants en nourriture et bien d’autres choses, et d’exporter le surplus vers l'étranger. Nous avons un bon climat à Maurice et avons donc la possibilité de planter une panoplie de légumes et de fruits tout au long de l’année. Mais il faut trouver des moyens d’encourager les jeunes à entrer dans cette filière en leur offrant des études et une faculté dignes de ce nom, ainsi que des facilités financières, technologiques et autres.

 

AGRICULTURE. L’agriculture n’est hélas pas valorisée à Maurice. Les autorités n’accordent pas assez d’importance à ce secteur. Moi-même, à une époque, je voulais promouvoir la stevia à Maurice, un substitut au sucre et aux édulcorants. Malheureusement, je n’ai pas eu le soutien du gouvernement et j’ai dû abandonner le projet. Et surtout, il faut promouvoir l’agriculture organique, bio, car le trop-plein d’engrais et autres produits chimiques dans les plantes est en train de rendre la population malade.

 

AQUAPONIE. L’aquaponie est aussi une forme d’agriculture saine. Notre ONG est d’ailleurs en train d’ouvrir trois centres d’aquaponie dans le Sud qui, en plus de produire des légumes, va donner du travail à des gens dans le besoin. Si nous, nous en sommes capables, alors pourquoi pas le gouvernement à plus grande échelle ?

 

EXPERTS. Il y a plein de choses qu’on peut faire à Maurice pour relancer l’économie mais il faut encourager les entrepreneurs, leur donner des incentives. Il faut aussi organiser plus de foires pour les petits et moyens entrepreneurs, et leur donner la possibilité aussi de participer à des foires à l’étranger. Il faut absolument mettre en place un comité d’experts pour se pencher sur toutes les possibilités de relancer notre économie et mettre tout en oeuvre très vite.

 

Ces précieuses leçons à tirer…

 

ÉCONOMISER. En ces temps difficiles que nous vivons depuis deux ans, nous apprenons à économiser et à ne pas faire de gaspillage. Nous apprenons à balancer nos revenus et nos dépenses. Nous n’achetons plus des choses inutiles. Nous sommes aussi plus prévoyants, nous réfléchissons à comment se préparer pour l’avenir, surtout au cas où il y a une autre catastrophe. Par exemple, beaucoup de familles ont maintenant un petit jardin, que ce soit dans la cour, sur la terrasse ou sur le toit, pour avoir de quoi manger au présent mais aussi à l’avenir si jamais nous sommes encore une fois coupés du monde ou si les prix continuent d’augmenter.

 

VALEUR. Et puis, quelle belle leçon de solidarité nous avons eue durant cette période de Covid, surtout lors des confinements. C’est une valeur extraordinaire pour notre pays que nous devons conserver précieusement. On s’entraidait sans regarder la religion ou la communauté de l’autre. Il ne faut pas laisser qui que ce soit venir jouer avec cela.

 

SANTÉ. Nous sommes aussi plus conscients de notre santé depuis la Covid, de notre hygiène, des précautions à prendre pour ne pas tomber malades. Contrairement aux pays d’Europe ou même l’Inde, nous portons toujours le masque et je pense que c’est nécessaire pour nous protéger, du moins dans certains endroits.

 

Les lueurs d’espoir qui brillent…

 

CONTRIBUER. Ce qui donne de l’espoir, c’est que les gens s’adaptent à la situation et essaient de trouver des moyens pour s’en sortir et aller de l’avant malgré tout. Nous espérons tous un avenir meilleur, que les prix baissent, que les choses reviennent un peu à la normale. Bien que ce soit au gouvernement de prendre les grandes décisions, nous devons tous nous y mettre pour contribuer à renverser cette situation difficile.

 

«REKONSTRIR». On peut critiquer mais pas critiquer dans le vide car cela n’amènera rien de bon. Sakenn bizin amenn so blok pou rekonstrir nou sosiete ! Mais la balle est avant tout dans le camp du gouvernement qui doit donner cette impulsion, amener ces lueurs d’espoir, pour que tout le monde puisse suivre derrière. Après tout, l’exemple vient d’en haut !

 

Ma Bio express

 

Je suis mariée à Jayraj, employé à la municipalité de Port-Louis, et maman de deux fils, Yashwin, 33 ans, médecin et passionné de social, et Hiranya, 23 ans, qui fait son LLB en Angleterre et adore aussi le social. J’ai travaillé dans le textile avant de passer mon diplôme d’early childhood education. J’ai ensuite ouvert mon école pré-primaire, tout en lançant l’Association pour l’éducation des enfants défavorisés. Nous bénéficions de l’aide de donateurs, de sponsors, du Corporate Social Responsability, de la National Empowerment Foundation, entre autres. Je suis aussi docteur en naturopathie, diplômée de l’Université du Rajasthan.

 


 

Mon actu du moment

 

L’Association pour l’éducation des enfants défavorisés, fondée en 1996, continue sur sa lancée d’aider ces petits ainsi que leurs famille à travers une école pré-primaire à Chemin-Grenier – et bientôt une garderie mise sur pied avec l’aide de la National Social Inclusion Foundation (NSIF) –, et nos projets d’entrepreneuriat social. Nous produisons des tisanes pour notre marque Secret Grand-Mère, un projet pour lequel nous sommes vraiment allés voir des grands-mères pour qu’elles nous expliquent comment on soignait avec les plantes dans le temps. Nous allons aussi ouvrir bientôt trois centres d’aquaponie dans le Sud. À chaque fois, nous employons des personnes issues de milieux vulnérables. Nous soutenons aussi les familles défavorisées à travers des foodpacks et d’autres formes d’aides.

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