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Anu koz koze kreol…

4 décembre 2015

Enn bel palab pe deroule. Le kreol morisien pourrait-il trouver sa place au Parlement ? Alors qu’avec le Festival Kreol, on célèbre la kreolite et la manifestation langagière de cette façon d’être, la langue créole, l’importance d’accueillir cet idiome dans les instances officielles de l’État revient sur le tapis. Pour l’instant, cette langue n’est pas reconnue officiellement par la Constitution (seuls l’anglais et le français y sont mentionnés). Et les militants du kreol souhaitent que les choses évoluent. Depuis la création d’une graphie standardisée et d’une grammaire, la mise en place de l’Akademi du Kreol Morisien et l’entrée officielle de cette langue au primaire en 2012 comme matière optionnelle, la langue la plus utilisée par les Mauriciens, selon les dernières statistiques, peine a avancer sur le chemin de la reconnaissance. Une entrée au Parlement serait un pas en avant considérable pour cet idiome considéré pendant longtemps – et toujours par certains – comme étant un dialecte. En attendant que les politiciens se décident sur cette question, nous avons interrogé des Mauriciens sur leurs liens avec cette langue.

 

Jayen Cartan : «Le kreol au Parlement ? Une bonne idée»

 

Il a 19 ans, est étudiant en Droit et habite Britannia.

 

Pour moi, le kreol c’est… ma langue. Je suis heureux de voir que le kreol obtient, petit à petit, la place qu’il mérite. Cette langue a beaucoup plus de visibilité à travers les émissions radiophoniques et télévisuelles : c’est une excellente chose !

 

J’utilise cette langue… tout le temps. Je suis exposé à la langue kreol : lors des conversations avec les proches, les amis. Sur Facebook, aussi. Dans les cours, les questions et les réponses se font en cette langue. Tant mieux ! On comprend mieux toutes les informations.

 

Le kreol à l’école… ça me dit ? Oui. Sans aucun doute. Parce que c’est plus facile pour les élèves de communiquer et pour les enseignants d’enseigner. À mon avis, ça peut donner le goût d’apprendre aux enfants et faciliter le développement de certaines compétences comme la lecture et l’écriture.

 

Et au Parlement ? Comme il y aura la retransmission des travaux parlementaires en 2016, ce serait une bonne idée. Ça permettra aux gens de comprendre les débats, la présentation des projets de loi, entre autres. Il faudra simplement ajouter des mots qui sont considérés comme vulgaires dans la liste des mots qui sont unparliamentary pour éviter tout dérapage.

 

Ta phrase préférée en kreol : Bonzour ! Ki manier ?

 

Anooj Sharma : «Le kreol à l’école, c’est un plus»

 

Il a 28 ans, est enseignant au primaire et habite Saint Julien D’Hotman.

 

Pour moi, le kreol c’est… la langue nationale de Maurice. C’est la langue la plus populaire.

 

J’utilise cette langue… la plupart du temps. Sauf dans les endroits, comme les compagnies étrangères, où il vaut mieux maîtriser une autre langue.

 

Le kreol à l’école… ça me dit ? Bien sûr. Et comme c’est une langue que les élèves connaissent, elle peut les aider à apprendre d’autres choses dans d’autres langues et dans d’autres matières. C’est un plus.

 

Et au Parlement ? Absolument. Pour la simple et bonne raison que beaucoup de ministres et de députés ne savent parler ni l’anglais ni le français correctement.

 

Ta phrase préférée en kreol : J’adore les jurons en kreol !

 

Thierry Ebenegere : «C’est mon héritage»

 

Il a 18 ans, habite Roche-Bois et dit être «Youtubeur».

 

Pour moi, le kreol c’est… mon héritage. Souvent, cette langue est péjorée parce que les gens disent que c’est l’anglais notre langue officielle. Mais nous devons être fiers de notre kreolite.

 

J’utilise cette langue… partout. À la maison, à l’école, avec mes amis. Je suis Youtubeur et dans mes vidéos, j’utilise cette langue également.

 

Le kreol à l’école… ça me dit ? Oui. Parce qu’avec les réseaux sociaux, la base même de la langue tend à disparaître. Elle se mélange à d’autres langues.

 

Et au Parlement ? Bien sûr. Tout le monde ne comprend pas l’anglais. Et c’est au Parlement que les décisions importantes pour le pays se prennent.

 

Ta phrase préférée en kreol : Ki manier ? Alalila manier, dan ou lame !

 

Zayd Soobhan : «Le symbole de ma culture»

 

Il a 24 ans, est mannequin  et habite Port-Louis.

 

Pour moi, le kreol c’est… le symbole de ma nationalité et de ma culture.

 

J’utilise cette langue… quand je suis avec mes amis, principalement. À la maison, c’est un mélange de kreol et de français.

 

Le kreol à l’école… ça me dit ? Non. Je n’en vois pas l’intérêt. On connaît tous cette langue, à quoi ça sert de l’apprendre ?

 

Et au Parlement ? Oui, comme cela les Mauriciens pourront comprendre plus facilement ce qui s’y passe et les décisions qui sont prises pour eux par les parlementaires.

 

Ta phrase préférée en kreol : Partaz lamur ek respe !

 

Priscille Noël : «Le kreol est un rassembleur»

 

Elle a 39 ans, habite Beau-Bassin et est directrice d’une compagnie spécialisée dans l’événementiel.

 

Pour moi, le kreol c’est… mes racines, ma culture, mon pays. Cette langue rassemble tous les Mauriciens. Peu importe notre religion, le kreol reste notre langue maternelle.

 

J’utilise cette langue… quand je parle à des personnes dont je suis vraiment proche : mes amis et ma famille. Et puis, souvent, quand je suis énervée ou contente, c’est la langue qui me vient instinctivement !

 

Le kreol à l’école… ça me dit ? Je ne pense pas que ça soit nécessaire. Premièrement, tout le monde ne l’écrit pas et ne le parle pas de la même façon. Et puis, le kreol est vivant, il évolue. Combien de fois faudra-t-il réécrire le programme ? Il faut laisser cette langue vivre dans notre société, mais accepter que les Mauriciens puissent l’utiliser dans leurs démarches officielles.

 

Et au Parlement ? Il serait temps. Afin que tout le monde puisse comprendre ce qui s’y passe. C’est aussi une façon de montrer notre fierté pour notre langue et pour notre pays.

 

Ta phrase préférée en kreol : Impossible de la dire, ici ! C’est enn zoure, bien sûr ! Mais c’est bien ce qui fait la beauté de notre langue.

 

Anisha Seeruttun :  «Je suis fière de parler le kreol, mais…»

 

Elle a 19 ans, est étudiante et habite à 9e Mille, Triolet.

 

Pour moi, le kreol c’est… ma langue maternelle. Et c’est important de le reconnaître.

 

J’utilise cette langue… tous les jours ! Dans mon entourage, tout le monde parle kreol. C’est uniquement avec mes grands-parents que j’utilise le bhojpuri.

 

Le kreol à l’école… ça me dit ? Non ! Même si je dois dire que je suis fière d’être mauricienne et de parler le kreol. Mais il faut être honnête, cela ne sert à rien d’un point de vue académique. En plus, c’est une pâle copie de la langue française ! Il vaut mieux que les enfants apprennent le français et l’anglais parce que ce sont les langues qui sont utilisées à travers le monde.

 

Et au Parlement ? Je ne pense pas que le kreol y ait sa place.

 

Ma phrase préférée en kreol : Lavi an roz !

 

Kensley Suddoo : «La langue que j’utilise avec le plus d’aisance»

 

Il a 21 ans, vient de Curepipe et est étudiant au Fashion & Design Institute.

 

Pour moi, le kreol c’est… la langue avec laquelle j’ai grandi. Celle que j’utilise avec le plus d’aisance.

 

J’utilise cette langue… tous les jours !

 

Le kreol à l’école… ça me dit ? Non. Je me dis que, comme nous connaissons tous cette langue, ce n’est pas nécessaire de l’apprendre à l’école. Et puis, comme elle n’est parlée qu’à Maurice, ça ne servirait pas à grand-chose.

 

Et au Parlement ? Je pense que c’est une bonne idée. Ce serait plus facile pour les Mauriciens de comprendre ce qui s’y passe.

 

Ta phrase préférée en kreol : Ayo ! Monn plin.

 

Rudy Yip : «C’est la langue de tous les jours»

 

Il a 30 ans, est Chef cuisinier et habite Sainte-Croix.

 

Pour moi, le kreol c’est… la langue locale de mon pays.

 

J’utilise cette langue… tous les jours, tout le temps !

 

Le kreol à l’école… ça me dit ? Non. Il vaut mieux apprendre une langue qui peut servir au niveau international.

 

Et au Parlement ? C’est leur problème aux parlementaires. Pas le mien.

 

Ta phrase préférée en kreol : Je préfère ne pas la dire !

 


 

Idées reçues

 

Le kreol est une pâle copie du français. Selon de nombreux linguistes, les créoles sont des langues à part entières qui ont leur propre système et leurs propres règles.

 

Apprendre le kreol ne sert à rien. De plus en plus, les didacticiens du monde reconnaissent les bienfaits d’un début de scolarité en langue première (ou maternelle). Apprendre le kreol permettrait d’apprendre avec beaucoup plus de facilités d’autres langues. Et favoriserait le développement cognitif de l’enfant.

 

Tout le monde connaît cette langue ! Pourquoi l’apprendre ? Les linguistes des milieux créolophones sont d’accord sur un point : afin de diminuer les transferts malheureux d’une langue à l’autre, il vaut mieux connaître le code orthographique de ces deux langues.

 

Le kreol est une langue vivante, impossible à apprendre. Toute langue est sujette à la variation. D’ailleurs, le français n’est pas une langue figée. C’est le français standard qui s’apprend dans les manuels et à l’école. Le kreol standard s’apprend actuellement à l’école. C’est pour cela qu’il existe une orthographe et une grammaire du kreol : c’est sa version standardisée qui est enseignée.

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