Publicité
18 juillet 2016 03:16
»Jeviens de tuer deux femmes.»En ce dimanche 10 juillet, l’atroce nouvelle tombe. Quand Anwar Goolfee téléphone à sa sœur pour lui dire qu’il a commis cet acte horrible, celle-ci refuse catégoriquement d’y croire. Elle pense plutôt qu’il lui fait une mauvaise blague. Mais les mots sont durs, froids… et c’est lavérité, aussi dure à admettre soit-elle.
Depuis, toute la famille est profondément ébranlée, comme le souligne Raffick Goolfee, le frère d’Anwar, que nous avons rencontré chez lui à Plaine-Verte. «Ma sœur tremblait presque lorsqu’elle m’a appris cette nouvelle. Moi non plus je ne voulais pas y croire. Car mon frère est de nature très douce. À mon tour, je l’ai appelé pour savoir ce qui s’étaitpassé. J’ai eu un choc.»Raffick Goolfee ne peut s’empêcher de penser aux victimes :«Notre famille est très accablée par ce qui s’est passé. Nous sommes tristes pour les victimes, pour leurs familles et pour leurs enfants. Nous leur présentons nos sympathies.»Et pour lui, quoi qu’il en soit, il faut que justice soit faite :«Si mon frère est coupable, qu’il paie pour son crime.»
Le drame s’est joué le dimanche 10 juillet, dans un immeuble à Pantin, une région au nord-est de Paris. Anwar Goolfee, un Mauricien de 50 ans, marié et sans enfant, a tué Chrystelle, sa voisine de 31 ans, et Amel, l’amie d’enfance de cette dernière, également âgée de 31 ans. Selon la police française, l’homme s’est acharné sur ses victimes avec un ciseau à bois et un couteau de cuisine. L’autopsie arévélé qu’elles ont été poignardées entre quatre et huit repriseschacune. Le lendemain, lundi 11 juillet, les deux femmes devaient partir en vacances ensemble dans une ville espagnole, en compagnie de leurs enfants respectifs.
Pour l’heure, plusieurs versions sont avancées quant aux circonstances de ce double drame qui se serait produit devant la fille aînée de Chrystelle, âgée de 10 ans. Raffick Goolfee, qui a eu son frère au téléphone peu après le drame, explique que ce dernier lui a confié qu’il n’était pas en bons termes avec sa voisine et l’amie de celle-ci depuis un moment. «Ils étaient à couteaux tirés depuis un moment. Leurs discussions portaient toujours sur l’emplacement d’un parking car Anwar venait d’acheter une voiture. Des fois, on s’attaquait à sa voiture et cela l’agaçait», raconte notre interlocuteur. Mais en ce 10 juillet, ce serait, selon lui, le son du téléviseur d’Anwar qui aurait provoqué le mécontentement de Crystelle et d’Amel.
«Anwar m’a raconté qu’il était en train de regarder la télévision lorsque les deux femmes ont sonné à sa porte et lui ont demandé de baisser le son. L’une d’elles avait un ciseau à bois à la main. Le ton est vite monté. Et devant le refus de mon frère de baisser le son, elles ont endommagé sa télé et l’une des femmes a donné le premier coup. Mon frère s’est défendu. Sa femme n’était pas présente au moment des faits. Elle était à une fête d’anniversaire», relate Raffick Goolfee qui ajoute que c’est son frère lui-même qui a appelé les pompiers et la police. Celle-ci a procédé à son arrestation une fois sur place, sans qu’il n’oppose de résistance.
Toutefois, selon une source française très au courant de l’affaire, la version qu’Anwar Goolfee a donnée à sa famille ne tient pas la route. Premièrement, nous confie-t-elle sous le couvert de l’anonymat, Anwar Goolfee et Chrystelle ne se garaient pas au même endroit. «De dire qu’ils avaient un différend pour une place de parking est absurde car ils se garaient à des endroits différents.»Selon notre interlocuteur, Chrystelle serait allée voir Anwar Goolfee concernant une affaire d’attouchement sexuel sur sa fille, qui se serait produite quelques jours plus tôt. «Il aurait embrassé la petite de 10 ans sur la bouche. Chrystelle craignait la réaction de cet homme. C’est pour cela qu’elle avait pris un ciseau à bois avec elle. Pour se défendre si jamais les choses s’envenimaient. Chrystelle est allée le voir à l’étage et une dispute a éclaté.»
Entre-temps, Amel montait ses affaires dans l’appartement de son amie où elle avait prévu de passer la nuit avant leur départ pour l’Espagne le lendemain. «Elle a cherché Chrystelle et ne l’a pas vue. Les enfants de cette dernière l’ont informée qu’elle était allée voir son voisin pour une affaire d’attouchement et Amel a décidé de la rejoindre», souligne notre source.
Toujours selon elle, en arrivant sur place, Amel a entendu des cris provenant de l’appartement d’Anwar Goolfee. Voyant son amie en mauvaise posture, elle a tenté de lui venir en aide. Mais a aussi été attaquée. Les deux femmes ont réussi à prendre la fuite, mais ont été vite rattrapées par leur agresseur. «Amel a été poignardée au pied des escaliers où elle s’est vidée de son sang. Chrystelle a pu se traîner jusqu’au hall d’entrée. Des voisins lui ont fait un massage cardiaque, mais elle avait déjà perdu trop de sang. L’immeuble est situé juste en face d’une aire de jeux. Et au moment du drame, il y avait des enfants qui jouaient et qui ont tout vu. C’est horrible.»
Pourtant, dans le quartier de Pantin, Anwar Goolfee était considéré comme un homme sans histoire, gentil et réservé. D’ailleurs, son frère Raffick refuse toujours de croire qu’il a pu attenter à la pudeur d’une fillette. «Il n’est pas ce genre de personne. Ici, il faisait du travail social. Mon frère est un homme de principe», confie-t-il. Quoi qu’il en soit, selon la police française, Anwar Goolfee est actuellement sous contrôle judiciaire pour une affaire antérieure de viol et d’agression sur mineur dans le département du Val-d’Oise.
Avant-dernier d’une fratrie de 12 enfants, Anwar Goolfee avait mis le cap sur l’Angleterre il y a plus de dix ans afin de s’y construire un meilleur avenir. L’un de ses frères, déjà installé au pays de sa Majesté, l’avait encouragé à faire le saut. «Il avait quitté le collège en Form III. Il fréquentait le collège d’État Abdool Razack Mohamed. Ensuite, il a fait des petits boulots avant de décrocher un emploi à la municipalité de Port-Louis. Malgré cela, il arrivait difficilement à joindre les deux bouts avec le salaire qu’il touchait», explique Raffick Goolfee.
Une fois en Angleterre, poursuit-il, Anwar aurait abandonné son rêve britannique et embarqué clandestinement à bord d’un ferry, avec sa femme, pour rejoindre la France. Sur place, en situation irrégulière, il aurait travaillé au noir durant dix ans. «Ce n’est que tout récemment qu’il a été régularisé. Et il avait décidé de venir en vacances. Il était supposé débarquer à Plaisance le mardi 12 juillet.»Mais c’est à l’ombre, derrière les barreaux, qu’Anwar Goolfee passera sans doute les futures années de son existence. La police continue son enquête alors que les habitants de Pantin pansent difficilement leurs plaies après ce terrible drame.
Arrêtée par la police française le 11 juillet, Anwar Goolfee a reconnu avoir mortellement agressé Chrystelle et Amel. Toutefois, lors de sa comparution devant le juge d’instruction, il a fait valoir son droit au silence et a été placé en détention provisoire pour homicide volontaire le 13 juillet. Toujours est-il que lors de son interrogatoire en présence de son homme de loi, il est revenu sur les circonstances de ce double drame. Il a expliqué que Chrystelle était armée d’un ciseau à bois et qu’Amel avait un couteau en sa possession lorsqu’elles ont frappé à sa porte. Chrystelle lui aurait alors lancé : «Qu’as-tu fait à ma fille ?»avant que les choses ne s’enveniment et finissent dans une mare de sang. Selon l’avocat du Mauricien, cité par le journal Le Parisien, ce n’est qu’après avoir commis son forfait et en voyant le sang des victimes que son client a réalisé la gravité de son acte et alerté les pompiers et la police. Et selon l’avocat du suspect, son client avait toutes ses facultés au moment des faits et n’a jamais avancé la thèse delégitime défense à la police française. L’enquête suit son cours.
Elles étaient comme les doigts de la main depuis leur enfance. Et même la mort ne les a pas séparées. Chrystelle, mère de trois enfants – deux filles de 10 et 8 ans, et un fils de 5 ans –, est née à Pantin où elle a toujours vécu. Issue d’une famille de deux enfants (elle a un frère), c’était un visage connu dans cette localité, une femme sans histoire, appréciée par son voisinage.
Orpheline de père depuis environ 15 ans, la jeune femme avait fait face à une dure épreuveil y a quelques mois, à la mort de sa mère chez qui elle vivait. Un immeuble de 12 tours, apprend-on. Chrystelle vivait au 11e étage avec ses trois enfants, dont lepère, d’origine pakistanaise, a quitté la maison depuis plus d’une année. «Il est parti du jour au lendemain, sans rien dire. Depuis, Chrystelle n’a plus eu de ses nouvelles. On ne sait pas s’il est retourné au Pakistan ou s’il est parti dans un autre pays. Chrystelle avait logé une plainte contre lui pour abandon de famille», confie une source, sous le couvert de l’anonymat. Mère célibataire, Chrystelle faisait tout pour le bien-être de ses enfants, sa seule famille.
Née dans une autre région française, Amel a toutefois grandi à Pantin elle aussi avec ses parents, dans un immeuble de 12 étages situé à une centaine de mètres de celui de Chrystelle. Mère d’un fils de 6 ans, elle avait quitté la région de son enfance il y a une dizaine d’années et s’était installée à Dreux avec lepère de son enfant. «Mais elle passait pratiquement tous ses week-ends chez ses parents et avait conservé le lien avec son amie d’enfance.»
Selon notre source, Amel aurait été délaissée par son compagnon il y a environ deux ans. «Chrystelle et Amel vivaient pratiquement la même situation. Et cela les avaient rapprochées davantage. Elles se soutenaient mutuellement. D’ailleurs, Amel passait souvent ses week-ends chez son amie. Comme son compagnon avait déserté le toit et que Chrystelle avait perdu sa mère, il y avait de l’espace pour accueillir Amel et son fils.»
Et le jour du drame, les deux mamans avaient une fois de plus prévu de passer la soirée ensemble. Ce, avant leur départ pour les vacances d’été dans une ville d’Espagne, le lendemain, lundi 11 juillet. Hélas, la veille, elles ont été tuées par Anwar Goolfee. Le samedi 16 juillet, une marche blanche a été organisée dans cette région pour rendre hommage aux deux victimes.
Publicité