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Par Elodie Dalloo
13 juillet 2020 14:12
Il y a quelques années, son nom avait fait couler beaucoup d’encre. Yessudass Veeranah, aussi connu comme Yessoo, un habitant de Belle-Vue-Maurel, avait été appréhendé en 2005 après avoir «accidentellement» tué son épouse – c’est du moins ce qu’il a déclaré à l’époque. Il était alors âgé de 24 ans. Cette affaire avait d’abord été traitée comme un meurtre, puis comme un assassinat, jusqu’à ce qu’en 2013, le jury aux assises – à une majorité de sept contre deux – le trouve finalement coupable de coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de tuer. Yessoo Veeranah a été condamné à huit ans de prison mais a recouvré la liberté l’année dernière, ayant obtenu une rémission de peine pour bonne conduite.
Depuis sa libération, Yessoo Veeranah se serait fait tout petit. Ayant perdu ses deux parents et son unique frère – décédé dans un accident de la route –, il se serait retrouvé seul chez lui. Sollicité, un de ses cousins avoue ne pas avoir trop eu de ses nouvelles depuis : «Nous habitons la même localité mais nous ne le voyons pratiquement jamais. Il est devenu quelqu’un de très réservé depuis sa sortie de prison. Il passe son temps chez lui ou à travailler. Nous ne connaissons même pas les gens qu’il fréquente.» Pourtant, l’ancien étudiant en médecine, aujourd’hui âgé de 39 ans, a su trouver le moyen de faire parler de lui à nouveau, toujours pour de très mauvaises raisons. Il se retrouve, cette fois, impliqué dans une affaire de tentative de meurtre. L’enquête, menée par la Criminal Investigation Division (CID) de Piton, est toujours en cours afin de faire la lumière sur cette affaire.
Les faits remontent au jeudi 2 juillet. À la mi-journée, ce jour-là, alors qu’elle marche sur la route principale de Rivière-du-Rempart, près des Galeries Fokeerbux, une femme est percutée de plein fouet par une voiture, alors qu’elle est sur le point de traverser la route. Au volant de la Peugeot noire se trouve Yessoo Veeranah. On aurait pu croire qu’il s’agit juste d’un malheureux accident de la route. D’autant qu’après le drame, le trentenaire est descendu du véhicule pour s’enquérir de l’état de santé de la piétonne avant de se rendre au poste de police de la localité pour rapporter le cas. Cependant, d’autres éléments sont venus semer le doute dans l’esprit des enquêteurs.
Après avoir visionné les images des caméras de surveillance, la CID de Piton est finalement arrivée à une autre conclusion. Celles-ci démontrent que la voiture que conduisait Yassoo Veeranah s’est soudainement rabattue sur la gauche pour percuter Neha*. Cette dernière – une habitante de Plaine-des-Roches âgée de 44 ans – a été prise en charge par le personnel du Samu et admise à l’hôpital SSRN dans un état critique. Elle a été autorisée à regagner son domicile le mardi 7 juillet. La version des faits qu’elle a donnée aux enquêteurs aussitôt qu’elle a été en état de le faire n’a fait qu’appuyer la thèse de tentative de meurtre.
Dans sa déclaration aux enquêteurs, Neha explique que Yassoo Veeranah et elle se connaissaient et auraient déjà eu un différend dans le passé. Son époux avance les mêmes propos. Contacté, il explique : «Nous avions sollicité les services de Yessoo Veeranah l’an dernier. Il était convenu que nous lui payions Rs 8 000 pour des travaux électriques et Rs 10 000 pour ceux de menuiserie. Cependant, après avoir complété ses tâches, il a exigé que nous lui remettions une somme additionnelle et nous n’étions pas d’accord. Il a commencé à élever la voix, à nous menacer. Nous lui avions dit que nous allions porter plainte s’il continuait.» Depuis, déclare-t-il, Yessoo Veeranah avait coupé tout contact avec eux. Jusqu’au 2 juillet. «Je pense que cet accident est bel et bien une tentative de meurtre et que Yessoo Veeranah a tenté par tous les moyens de se venger», avance-t-il.
Pour d’autres, cependant, le motif de cette tentative de meurtre dépasse les raisons évoquées par Neha, la victime. En effet, des rumeurs – niées par l’entourage de la quadragénaire – laissent entendre que Yessoo Veeranah et elle auraient été très proches durant plusieurs mois et qu’ils auraient même été aperçus à plusieurs reprises ensemble. Une dispute entre eux serait-elle à l’origine de cette tentative de meurtre alléguée ? D’autant que Yessoo Veeranah est perçu, selon une de ses connaissances, comme «un homme qui se venge lorsqu’on ne lui obéit pas. Il s’en est déjà pris à d’autres femmes après sa sortie de prison mais celles-ci ne l’ont jamais dénoncé». Quoi qu’il en soit, le mercredi 8 juillet, Yessoo Veeranah a finalement été appréhendé par les forces de l’ordre et a comparu en cour où une accusation provisoire d’attempt at murder a été logée contre lui, avant qu’il ne soit placé en détention. L’enquête est toujours en cours afin de déterminer les causes et circonstances exactes de ce drame. Pour l’heure, le suspect maintient qu’il a simplement perdu le contrôle de son véhicule et qu’il n’a jamais tenté d’assassiner la quadragénaire, bien qu’il ait avoué la connaître.
La première fois que Yessoo Veeranah a fait parler de lui remonte au 5 novembre 2005, date à laquelle il avait signalé la disparition de sa femme Nisha. Interrogé à plusieurs reprises par les enquêteurs de la Major Crime Investigation Team (MCIT), menés à l’époque par le surintendant de police Prem Raddhoa, il était finalement passé aux aveux au bout de quelques jours. L’ex-étudiant en médecine avait déclaré que le vendredi 4 novembre 2005, son épouse de 28 ans et lui avaient quitté leur domicile à Belle-Vue-Maurel pour aller déjeuner. En voiture, une dispute aurait éclaté entre les deux tourtereaux à hauteur de Plaine-des-Roches parce que Nisha aurait reproché à son époux d’entretenir une relation extraconjugale avec une étudiante en droit. C’est à ce moment-là que Yessoo Veeranah, pris de colère, l’aurait étranglée en lui coinçant la tête entre les deux jambes.
Après s’être rendu compte qu’elle ne respirait plus, il aurait caché le corps et l’aurait emmené à Vacoas, dans la soirée, pour solliciter l’aide de Vijay Bahal, un «traiteur». Ce dernier lui aurait alors donné l’idée de l’enterrer dans la tombe d’une autre personne récemment décédée au cimetière de St-Martin – même si l’épouse de Vijay Bahal a à maintes reprises clamé l’innocence de celui-ci dans cette affaire. Yessoo Veeranah se serait également rendu chez une tante à Carreau Laliane dans la même soirée pour emprunter une pelle et une pioche. Ses deux complices l’auraient accompagné au cimetière de St-Martin afin d’enterrer le corps.
Si pour cette affaire, Yessoo Veeranah a écopé d’une peine d’emprisonnement réduite pour coups et blessures ayant entraîné la mort, qu’en sera-t-il cette fois ? Va-t-il s’en sortir à bon compte ? Affaire à suivre…
(*Prénom modifié)
Le fait que Yessoo Veeranah ait été arrêté à nouveau n’a fait qu’accentuer la douleur que ressentent les proches de Nisha (photo), l’épouse qu’il aurait tuée «accidentellement». D’autant qu’ils ignoraient que le trentenaire avait déjà recouvré la liberté. «Nous nous demandons s’il y a vraiment une justice. Il y a définitivement un problème au niveau des lois à Maurice. S'il avait été jugé par la cour intermédiaire, les choses se seraient peut-être passées autrement», lâche un proche. Le verdict de la cour d’assises est, dit-il, resté en travers de la gorge de l’entourage de Neha. «Yessoo Veeranah est un vrai manipulateur. À l’époque, il a su comment mettre les jurés dans sa poche en mettant en avant qu’il est issu d’une bonne famille, qu’il est étudiant en médecine et qu’il n’a aucun casier judiciaire. Il leur a fait croire qu’il méritait une seconde chance. Personne n’a pris en considération le fait que Nisha avait déjà porté plainte pour violence domestique à plusieurs reprises avant d’être tuée.»
La famille Ramanah (NdlR : les proches de Nisha) estime que Yessoo Veeranah n’a jamais ressenti la moindre culpabilité après la mort de son épouse. «S’il avait eu des regrets, il se serait fait tout petit après sa sortie de prison et aurait évité les ennuis. Li ti bizin viv korek. Mais voilà qu’il s’est fait arrêter pour tentative de meurtre. Il a failli faire une nouvelle victime», s’insurge notre interlocuteur. D’après lui, «la manipulation est le mode opératoire de cet homme. Li enn bon bater lakol. Li konn kouyonn dimounn. Tout comme à l’époque, il avait malheureusement su convaincre Nisha de rester à ses côtés, bien qu’elle soit battue et maltraitée». Aujourd’hui, la famille Ramanah, inquiète, s’interroge : «Cet homme est moralement très fort. Il ne se laisse pas faire. Il est vraiment dangereux. Il a fait une victime, est sorti de prison avant la date prévue en obtenant une rémission, et a failli faire une autre victime. Mais là, que se passera-t-il pour lui ? Sera-t-il libéré sous caution pour aller faire d’autres victimes ?» Autant de questions qui méritent d’être posées.
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