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27 septembre 2023 19:57
Une forte odeur de moisissure plane dans le salon familial de la famille Tuyau. «Ou bizin exkiz nou. Nou lakaz koule. Nou kanape tranpe. Akoz sa pe santi moizi», explique notre hôte Natacha Tuyau. En balayant rapidement le toit du regard, on comprend pourquoi elle a placé des seaux à plusieurs endroits de sa maison. Il y a plusieurs trous causés, dit-elle, par l’usure du temps. En ce matin du mercredi 20 septembre, jour férié en raison de la fête Ganesh Chaturti, la petite famille est réunie dans la pièce principale de la maison pour regarder les clips du moment à la télé et essayer de se changer les idées. «Bann zanfan tromatize. Zot papa pe extra mank zot», confie la maman de quatre enfants ; trois filles de 20, 18 et 16 ans, et un fils de 12 ans.
Son époux Percy – ils sont mariés depuis 20 ans – a été arrêté par la police le 15 septembre, en compagnie de trois autres personnes, suivant la saisie de près de 120 kg de gandia en provenance de La Réunion, plus connu comme le zamal, d’une valeur marchande de Rs 143 millions. Blessé au cours de l’opération policière, Percy Tuyau s’était retrouvé à l’hôpital avec un plâtre au bras gauche et des points de suture au front. Il a été autorisé à sortir le 18 septembre et a comparu devant le tribunal le lendemain pour sa mise en accusation provisoire pour trafic de drogue, avant d’être reconduit en cellule, la police ayant objecté à sa remise en liberté sous caution. Ce videur de 44 ans, habitant St-Pierre, devra comparaître à nouveau en cour le 26 septembre. Les autres accusés dans cette affaire sont Emmanuel Auguste, Geraldo Perle et Arvind Beelatoo.
La brigade anti-drogue a procédé à l’arrestation des quatre suspects aux petites heures du matin du 15 septembre. Vers 3 heures, une équipe a intercepté une Toyota Hilux venant de Tamarin et se dirigeant vers Cascavelle. Le suspect Beelatoo était au volant. En fouillant le tout-terrain, les policiers y ont retrouvé 74 colis de cannabis. Une Nissan Juke qui allait dans le même direction en a alors profité pour prendre la poudre d’escampette. Mais à l’issue d’une course-poursuite, les policiers ont pu intercepter le véhicule à Moka. Ils ont dû faire usage de la force pour immobiliser la SUV et en ouvrir les portières. Emmanuel Auguste était au volant, Percy Tuyau occupait le siège passager avant alors que Geraldo Perle était assis sur le siège arrière. Alors que les policiers tentaient d’appréhender les trois hommes, Percy Tuyau aurait fait de la résistance et serait tombé à terre. C’est ainsi qu’il se serait blessé au visage et au bras, et s’est retrouvé hospitalisé. Sa maison a été perquisitionnée au lendemain de sa sortie de l’hôpital et après sa comparution devant le tribunal, le 19 septembre. Toutefois, les limiers n’ont rien trouvé de compromettant au domicile de cet homme connu pour ses nombreux démêlés avec la justice.
«Bann misie-la ti vini dan 4 van. Percy ti ansam ek zot. Zot inn fer lafouy partou ek tir foto ousi. Zot pann gagn nanye kot nou. Zot ti panse nou res dan enn palace. Ena tol lao lor nou lakaz. Plizier plas dilo rantre. Percy ek mwa dormi lor matla parski nou lili inn pouri ek dilo lapli. Eski nou ti pou res dan enn lakaz koule si mo mari ti enn trafikan ?» s’insurge Natacha. Elle explique que son époux gagne sa vie en tant que Private Security Officer et que la compagnie pour laquelle il travaille est très connue : «Zot mem okip sekirite kan bann gran artis vinn Moris. Li ena foto ek Tiken Jah Fakoly, Gentleman ek Kalash.»
Natacha Tuyau raconte que son époux est sorti dans la soirée du 14 septembre «pou al lasas dan landrwa mem». Ne le voyant pas rentrer de la nuit, elle a tenté de l’avoir au téléphone, en vain. C’est à la radio que ses enfants et elle ont ensuite appris son arrestation. «Dan zournal ki nou ti trouv so foto ek so latet kase. Mo pa ti resi trouv li lopital kan nou ti al kit so bann zafer. Mo gran tifi ek mwa ti lakaz kan ADSU ti vinn fer la fouy. Li paret fatige. Li diabetik. Pa kone si li pe resi swiv so tretman. Mo panse akoz samem linn dimann lakour desann li lor remand prizon Beau-Bassin, pou li gagn bann swin laba.» C’est ce mardi 26 septembre que la cour se prononcera à ce sujet. À ce jour, Natacha ignore quand son mari fera sa déposition. Elle a retenu les services des avocats Ashik Toorabally et Chetan Baboolall pour l’assister.
En tout cas, Percy Tuyau est très connu de la police car il a un casier judiciaire bien rempli. Il avait 17 ans quand il a été arrêté pour la première fois pour une histoire d’agression dans sa localité. L’affaire a toutefois été rayée peu après. En 2008, il a commencé à bien fait parler de lui lorsqu’il a été arrêté pour le kidnapping et l’assassinat de Judex Bhoyroo.
A l’époque, les jumeaux Diop et Yanick Bhoyroo avaient également arrêtés dans cette affaire après plusieurs jours de cavale. «Sa case ek bann zimo Bhoyroo-la fini raye sa», précise Natacha. L’accusation d’assassinat a effectivement été rayée lorsque le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médico-légal de la police, a confirmé en cour que les ossements retrouvés dans une ferme à La Chaumière appartement au père des frères Bhoyroo étaient ceux d’un animal et non d’un humain.
Quelque temps après, Percy Tuyau est revenu dans l’actualité lorsqu’il a été arrêté pour rébellion. Lui et plusieurs gros bras avaient donné du fil à retordre aux hommes de l’ancien assistant surintendant de police Hector Tuyau lors d’une perquisition au domicile de Rudolf Jean Jacques, plus connu comme Gro Derek, à Petite-Rivière. «Sa case-la ousi inn fini raye sa», déclare Natacha Tuyau. Selon elle, son époux «ena zis 4 case ankor pending» en cour. La dernière affaire en date concerne son arrestation après la saisie de quatre graines de gandia à son domicile le 13 juillet dernier. L’habitant de St-Pierre a dû fournir une caution de Rs 15 000 pour retrouver la liberté. À ce moment-là, le videur était déjà en liberté conditionnelle pour une affaire qui remonte à novembre 2017. La police l’avait arrêté après le braquage, à Rose-Hill, de deux salesmen qui travaillent pour le compte d'un dépôt-vente de cigarettes.
La brigade criminelle soupçonnait Tuyau d’être le présumé cerveau de ce braquage où Rs 1,4 m avaient été emportées. À l’époque, il avait été balancé par un des quatre présumés braqueurs. Il a toujours nié les faits. «Sa case-la ousi ankor pending lakour sa», confie Natacha Tuyau. Un mois plus tôt, l’habitant de St-Pierre et d’autres videurs, dont son ami Vimen Sabapati, avaient été arrêtés pour l’agression d’un habitant de Port-Louis après une bagarre au stade Anjalay lors d’un concert. «Sa case-la ousi ankor pe roule lakour», précise Natacha Tuyau. Elle doit désormais prendre son mal en patience car son époux risque de ne pas retrouver la liberté conditionnelle de sitôt en raison de la gravité de l’affaire.
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