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Par Elodie Dalloo
2 octobre 2023 15:58
Des gens «ordinaires et sans histoires» ; c’est ainsi que les proches de Sandrine Rathbone, 30 ans, et Nacir Buckreedun, 27 ans, les décrivent. Depuis que ces derniers ont été appréhendés par les limiers de la Major Crime Investigation Team (MCIT), ils ne cessent de faire parler d’eux, mais pas pour les bonnes raisons. Appréhendés dans le cadre de l’enquête du meurtre de Presram et Indira Sookur, le couple est passé aux aveux pour un troisième homicide : il s’agit de celui de Khatiba Goburdhun. Choqués et consternés, ceux qui les ont côtoyés refusent de croire que ces deux individus ayant fait partie de leur vie durant toutes ces années aient pu commettre des actes aussi monstrueux. «Comment ont-ils bien pu en arriver là ?», s’interroge leur entourage, dépassé.
La semaine précédente, rappelons-le, a été marquée par la découverte des corps sans vie de Presram Sookur, 77 ans, et de son épouse Indira, 67 ans, à leur domicile à Vacoas. La découverte macabre avait été faite dans la soirée du jeudi 21 septembre par leur fille Kamini, partie leur rendre visite, inquiète qu’ils ne répondent à aucun de ses appels téléphoniques. La thèse de l’acte criminel ayant été établie, les enquêteurs avaient aussitôt privilégié la piste d’un cambriolage ayant mal tourné car la voiture du couple avait disparu, son coffre-fort vidé, et un fusil et des munitions avaient été emportés. Ils n’avaient pas, non plus, écarté la possibilité d’un règlement de comptes. Pour cause, Presram Sookur, qui était un prêteur sur gage très connu, avait déjà eu des démêlés avec la justice pour escroquerie et détournement de fonds, et s’était fait beaucoup d’ennemis.
C’est le dimanche 24 septembre que cette enquête a connu son premier développement de taille, lorsque la voiture de Presram Sookur - une Suzuki Celerio bleue immatriculée 5555 JL 15 - a été localisée sur une aire de stationnement derrière le bureau de poste de Quartier-Militaire. Grâce aux images des caméras Safe City, ils ont pu remonter jusqu’au premier suspect : Cedric Beegun, 28 ans, un ancien locataire des victimes. Il s’avère que le 7 septembre dernier, Presram Sookur avait porté plainte contre le jeune homme pour le vol d’un lecteur audio pour voiture. Repéré à Flic-en-Flac dans un autre véhicule, Cedric Beegun a été poursuivi jusqu’à Saint-Martin, où la police l’a intercepté. Il a avoué sa participation au double meurtre, reconnaissant avoir voulu donner une correction au septuagénaire, qui lui avait demandé d’évacuer la maison qu’il louait parce qu’il n’était plus en mesure de régler son loyer. Il a déclaré qu’il avait seulement prévu de cambrioler sa maison avec l’aide de ses complices mais que les choses auraient dégénéré.
Grâce aux aveux de Cedric Beegun, les enquêteurs ont pu appréhender deux de ses complices le même jour : il s’agit de sa petite-amie Selvina Bundoo, 26 ans, et son ami Pascal Jacquette, 37 ans. Il a aussi conduit les forces de l’ordre à Camp-le-Vieux, où l’arme à feu et les munitions appartenant aux victimes ont été récupérés. Ce n’est que deux jours plus tard que la brigade criminelle de Vacoas, aidés des limiers de la Major Crime Investigation Team (MCIT) a pu mettre la main sur les deux autres individus les ayant aidés à commettre ce meurtre, à savoir Sandrine Rathbone, qui est la cousine de Cedric Beegun, et le petit-ami de celle-ci, Nacir Buckreedun. Contre toute attente, ce couple n’a non seulement reconnu son implication dans le meurtre du couple Sookur, mais a aussi avoué celui de Khatiba Goburdhun (voir hors-texte), un habitante de Bain-des-Dames de 57 ans dont le corps sans vie avait été retrouvé à son domicile en mars 2022. À l’époque, néanmoins, la police avait conclu à une mort de cause naturelle après qu’une autopsie a attribué son décès à un œdème pulmonaire.
Accablés et confus, les amis et proches de Sandrine Rathbone ne comprennent pas sa descente aux enfers et ne reconnaissent plus cette personne chère à leurs yeux. L’une de ses amies, qui l’a côtoyée au collège Lycée Beau-Bassin, dresse le portrait d’une jeune femme «drôle, amicale et joviale. Elle a toujours eu un grain de folie mais était loin d’avoir mauvais caractère.» L’arrestation de son ancienne camarade, dit-elle, «m’a donné froid dans le dos car je n’aurais jamais imaginé que sa vie prendrait une telle tournure.» D’ailleurs, poursuit notre interlocutrice, «je me souviens qu’après qu’elle soit passée par une mauvaise phase, elle avait même commencé à fréquenter un groupe de prière et voulait changer de vie. Li ti en dimoun kalm ; pa enn dimoun ki pou rod kokin, touye. Mo pa kone ki kapav inn arriv li.» Même son de cloche du côté d’un membre de la famille de Sandrine Rathbone, qui raconte qu’ «elle a toujours été calme, gentille. Li ti kontan rest dan so kwin, ti pe frekent zis fami.» Il s’interroge : «Est-ce depuis qu’elle a commencé à traîner avec son cousin Cedric, qui est toxicomane, que sa vie a basculé ? A-t-elle été victime de la mauvaise influence de son compagnon ? Pa so model sa pou al touy kiken.»
Ceux qui ont côtoyé son compagnon, Nacir Buckreedun, sont tout aussi surpris par l’implication de ce dernier dans cette affaire sordide. À Pailles, où a grandi le jeune homme, son arrestation est sur toutes les lèvres car «lin grandi isi, tou dimoun kone li korek. Sa bann dernye tan la, nun trouv li ale vini, me zame pa fin gayn oken problem avek li. Nou tou fin pas dan en sok. » Son père Nazeer, dans le flou, lâche : « Ziska ler mo pa ankor kone ki fin arrive. Monn zis trouv la polis pran mo garson ale. Je n’ai eu aucune explication ; ce sont mes connaissances qui sont venus me dire de quoi il est accusé car je ne suis pas sur les réseaux sociaux. Du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés avec leur fils de trois ans à notre charge et ne savons pas quand il pourra revoir ses parents.» Il poursuit, agaçé : «Mo pe anvi kone kinn pase, monn al get la polis me zot pa pe les mwa koz avek mo garson. Tan ki mo pa koz ar li, mo pa pou kapav dir nanye lor la.» Comme tous ceux qui ont côtoyé son fils, Nazeer insiste : «Tou dimoun kone li enn bon piti. Kot ou ale, zot pou pou dir ou li enn dimoun korek.»
Par ailleurs, lors de leur interrogatoire, les suspects appréhendés dans le cadre du meurtre du couple Sookur sont revenus sur les circonstances du drame. Cedric Beegun a raconté avoir d’abord élaboré le plan avec ses complices à Chebel pour infliger une correction au couple Sookur, qui les avaient chassés, sa petite-amie et lui, de leur ancien appartement. Ainsi, dans l’après-midi, le mercredi 20 septembre, le petit groupe s’est rendu à Clairfonds No.3, Vacoas. Prétextant vouloir lui louer un appartement, Sandrine Rathbone avait ainsi organisé une rencontre avec le sexagénaire. Lorsque ce dernier lui a ouvert la porte, ils se sont engouffrés dans la maison et ont immédiatement maitrisé le couple pour ne pas attirer l’attention des voisins. C’est lorsque ces derniers ont fait de la résistance qu’ils ont étouffé mari et femme avec un oreiller avant de mettre la main sur l’argent, la voiture, le fusil et les munitions du couple. Cedric Beegun et sa petite-amie ont pris la fuite dans une Toyota Vitz, tandis que les trois autres ont pris place dans le véhicule du sexagénaire. Ils ont également emporté, avec eux, un enregistreur numérique. Les cinq suspects font l’objet d’une accusation provisoire d’homicide involontaire et restent en détention. La police continue d’enquêter, n’écartant pas la possibilité qu’ils aient commis d’autres délits.
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