Publicité
21 septembre 2015 13:55
10h15, samedi 15 septembre, sur l’autoroute de Forbach. Quelques débris d’un casque de moto jonchent l’asphalte. Non loin, une chaussure de femme gît sur le bitume. Les larmes aux yeux, quelques personnes traversent l’autoroute en s’accrochant au parapet qui sépare les deux voies. Mukesh Jugun est l’un d’entre eux. D’une main tremblante, il saisit la chaussure alors que ses yeux se portent sur des traces de marquage sur l’asphalte.
C’est à cet endroit, peu avant 8 heures en ce samedi matin, que sa nièce Manisha, 22 ans, a poussé son dernier soupir. Le mari de cette dernière, Arvind Shamloll, 32 ans, a lui aussi rendu l’âme après avoir été traîné sur une centaine de mètres. Les jeunes gens, des habitants de L’Aventure, étaient à moto et se rendaient sur leurs lieux de travail respectifs à Grand-Baie lorsqu’ils ont été balayés par une voiture à hauteur de Forbach. Le conducteur ne s’est pas arrêté après le violent impact et a poursuivi sa route. La police est à la recherche du véhicule en question et du conducteur (voir hors-texte).
Une grande émotion étreint Mukesh. «Chaque jour, ils empruntaient cette route. Manisha est la fille de ma sœur. Elle travaillait dans une pâtisserie à Grand-Baie et son mari tenait un salon de coiffure dans cette même localité. La police doit retrouver le responsable de ce drame, car toute notre famille est dans une terrible tristesse», lâche-t-il, la gorge nouée par le chagrin. Des fleurs dans une main et la chaussure de sa nièce dans l’autre, l’homme est complètement bouleversé lorsqu’il dépose ses gerbes à l’endroit où ses proches ont perdu la vie. Il quitte ensuite le lieu tristement.
À plusieurs kilomètres de là, chez les Shamloll, dans le petit village de L’Aventure, au nord-est de l’île, proches et amis s’activent à dresser une tente dans la cour. Au même moment, à l’intérieur de la maison, des pleurs de femmes se font entendre. Déchirants. Assise sur une chaise et vêtue d’un sari vert, Leelawtee Shamloll hurle qu’on lui rende son fils Arvind, alors que sa belle-sœur tente de l’apaiser. En vain.
Au fond, dans une autre pièce de la maison, quelques femmes sont rassemblées autour de Devina Khedoo, la mère de Manisha. Les larmes aux yeux, et d’une voix complètement brisée, elle explique que ce matin-là, elle attendait la visite de sa fille comme chaque matin. «D’habitude, elle arrive vers 7h45. Elle travaille dans une pâtisserie non loin de chez moi. Je l’ai attendue jusqu’à 8h15, mais elle n’est jamais venue. Je me suis alors rendue sur son lieu de travail, mais elle n’était pas là. Quelques minutes plus tard, je recevais un appel de son employeur. Il disait qu’il allait venir me chercher et m’emmener à l’hôpital, car ma fille avait eu un accident et était blessée», confie-t-elle.
En route, elle reste sereine, confiante que sa fille n’a rien de grave. Mais sur place, elle apprend la terrible nouvelle et son monde s’effondre. «Une fois à l’hôpital, quelqu’un m’a juste dit qu’il fallait faire une autopsie. Je ne comprenais pas ce qui se passait. C’est ainsi que j’ai appris que ma fille m’avait quittée pour toujours», raconte Devina, en larmes. Tout aussi effondré, Chandradeo Kheedoo, le père de Manisha, lance un appel à celui qui a arraché brutalement la vie à sa fille et à son gendre. «Celui qui a fait cela n’a pas de cœur. Il aurait pu s’arrêter et leur apporter son aide. Ma fille et mon gendre n’ont eu aucune chance de survie», lâche-il, désespéré.
Après avoir perdu son mari il y a cinq ans, Leelawtee Shamloll perd maintenant son fils aîné et sa belle-fille d’un coup. Une terrible tragédie qui lui broie le coeur. «Mon fils était mon bras droit. Depuis la mort de mon mari, c’est lui qui gérait tout dans la maison. Je ne l’ai pas vu avant qu’il sorte, mais je lui ai adressé quelques mots au travers de la porte de sa chambre et on s’est dit au revoir», soupire-t-elle. Cette maman meurtrie réclame justice pour son fils et sa bru : «Que la police retrouve la personne qui a tué mes enfants !» À l’heure où nous mettions sous presse, le conducteur n’avait pas encore été arrêté.
Arvind, poursuit Leelawtee, a étudié jusqu’au CPE avant de choisir la coiffure comme métier. C’est ainsi que, dès son plus jeune âge, il s’est perfectionné dans ce domaine avant d’ouvrir son salon à Grand-Baie. «Celui-ci se trouve non loin de la pâtisserie où travaillait Manisha. Et il a fait sa connaissance en allant acheter des gâteaux. Petit à petit, ils ont commencé à avoir des sentiments l’un pour l’autre», confie Leelawtee.
Pour sceller leur amour, ils se sont unis le 10 août 2014, entourés de leurs proches et amis. Depuis, ils n’avaient de cesse de réaliser leurs nombreux projets. «Ils venaient de fêter leur premier anniversaire de mariage. Ils étaient très heureux ensemble et voulaient profiter pleinement de leur vie à deux avant de devenir parents», raconte Leelawtee.
Pâtissière de profession, Manisha rêvait d’avoir son propre salon d’esthétique. «Elle avait suivi une formation en esthétique et attendait le moment propice pour lancer sa propre affaire. Mais elle aimait aussi la pâtisserie», témoigne la mère de la jeune femme. Cheddy Sivalingum, propriétaire de la pâtisserie Le Gourmand et employeur de Manisha, souligne à quel point Manisha était dévouée à son travail. «Elle était une employée modèle. Je pouvais toujours compter sur elle et j’avais surtout confiance en elle. Elle travaille à la pâtisserie depuis quatre ans et a appris le métier de A à Z sur place.»
Écrasée par une immense douleur, Devina repense aux derniers moments passés avec sa fille et son gendre. Des souvenirs qu’elle gardera précieusement aussi longtemps qu’elle vivra. À l’occasion de la fête Ganesh Chaturthi, le vendredi 18 septembre, toute la famille s’était rendue à la plage de Belle-Mare. «Ma fille et mon gendre étaient très heureux et épanouis, et m’avaient dit qu’ils allaient passer le week-end chez moi à Grand-Baie», pleure Devina. Dans quelques jours, dit-elle, sa fille allait fêter son anniversaire : «Manisha aurait eu 23 ans le 25 septembre. Et son mari avait prévu une petite fête pour elle. Généralement, elle ne fête jamais son anniversaire, car la date coïncide avec le Durga Pooja. Mais cela n’aurait pas été le cas cette année. Elle n’a vraiment pas de chance. »
Aujourd’hui auront lieu les funérailles de Manisha et d’Arvind Shamloll, unis dans la vie comme dans la mort. Ils laissent derrière eux des familles complètement anéanties, qui espèrent maintenant une seule chose : que justice soit faite.
Plusieurs témoins ont indiqué à la police que c’est une voiture noire de la marque Kia qui est impliquée dans l’accident ayant coûté la vie à Arvind et Manisha Shamloll. Et lors des recherches en vue de retrouver le véhicule, la police est tombée sur une voiture correspondant à ce signalement dans un champ de cannes, à environ 300 mètres du lieu de l’accident. Après vérification, la police a découvert que celle-ci appartient à une firme privée. Et que celui qui y avait accès était Richard Duval. Interrogé, ce dernier a expliqué à la police qu’il revenait d’une soirée aux alentours de 00h30 lorsque son chauffeur a eu un besoin pressant. C’est alors qu’il se serait garé dans un champ de cannes. Mais au moment de repartir, selon Richard Duval, le chauffeur ne se serait pas rappelé où il avait rangé la clé de la voiture.
N’ayant pas d’autre choix, les deux hommes auraient laissé le véhicule sur place, avant de partir à bord de la voiture d’un de leurs amis. Selon la police, cette version des faits semble corroborer avec celle du gardien du champ de cannes en question. En effet, ce dernier aurait déclaré aux enquêteurs avoir vu une voiture à cet endroit, mais ne pas s’en être inquiété, croyant qu’il appartenait à un couple en quête d’intimité. Quoi qu’il en soit, le Forensic Scientific Laboratory a procédé à l’examen du véhicule en question, ainsi que de la moto des Shamloll, et soumettra son rapport d’ici peu. De son côté, le chauffeur de Richard Duval aurait été soumis à un alcootest qui se serait révélé négatif. Mais pour l’heure, la police n’écarte aucune piste et continue ses recherches afin de retrouver le conducteur responsable de la mort de ce jeune couple. Par ailleurs, la police a visionné les images des caméras CCTV se trouvant dans les environs. Celles-ci indiquent la présence d’une fourgonnette blanche au moment de l’accident. La police fait appel au bon sens du conducteur de ce véhicule, afin qu’il vienne de l’avant pour l’aider à élucider cette affaire.
Publicité