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Ashish Beesoondial : «C'est extraordinaire de voir les gens interagir à nouveau, briser le mur de la peur...»

9 mars 2022

«On a touché le fond, mais le plus important est de remonter ensuite, en mieux, en plus forts. On a vu ça dans le monde de l’art mais aussi dans tous les autres domaines de notre société.»

Comment je vis ces temps challenging depuis 2020…

 

QUESTIONNEMENT. Début 2020, nous avons tous senti que quelque chose n’allait pas, que quelque chose de grave arrivait, mais on a refusé d’y croire ! Donc, quand la Covid est tombée sur nous avec tout ce qu’elle a amené dans nos vies, ça nous a tous beaucoup secoués. La grande question était : comment cela va-t-il impacter sur notre santé physique et mentale ? Le premier confinement surtout a causé beaucoup d’angoisse, y compris dans l’inconscient des gens. Nous, au niveau du Caudan Arts Centre, nous nous demandions si les gens allaient un jour vouloir revenir dans des espaces fermés, comme les théâtres. C’était des questions presque existentielles !

 

RÉSILIENCE. Mais malgré l’angoisse face à la maladie, à l’inconnu et tout ça, il y a eu beaucoup de résilience dès le départ. Nous nous sommes dits qu’il fallait trouver une façon de ne pas disparaître pendant le confinement car cela risquait d’être définitif ! Nous avons ainsi basculé très vite sur tout ce qui est online, avec l’objectif de faire savoir que le Caudan Arts Centre était là dans cette période de crise avec des offres gratuites, nous avons collaboré avec des musiciens, chanteurs et autres artistes, nous avons fait une nouvelle version de Larivier Tanier, entre autres.

 

ALTERNATIVE. On voulait aussi être une alternative positive en ces temps d’angoisse. Nous avons repris lentement mais sûrement après la levée du premier confinement et étions sur une bonne lancée mais le second confinement est venu comme un coup de massue sur un autre coup de massue. C’était très dur. Mais là aussi, il était hors de question de baisser les bras. Nous y étions arrivés une première fois et on allait y arriver encore une fois ! Le management du Caudan a été d’un grand soutien en nous disant de just hold on, que tout va se remettre en place à un moment donné.

 

SOLUTIONS. Encore une fois, après la levée du confinement, nous avons recommencé à opérer sur place avec les restrictions, entre autres, au niveau du nombre de personnes qu’on peut accueillir. Dans une salle de 430 places, nous pouvons mettre seulement 215 personnes. Nous avons dû trouver des solutions, des façons de fonctionner, pour que les artistes et producteurs aussi ne soient pas perdants, par exemple en proposant une date supplémentaire à chaque fois. Il fallait faire des events quoi qu’il en soit, être une alternative dans le monde des loisirs, qui n’est pas très etoffé à Maurice, offrir aux gens une expérience différente, émotionnelle et esthétique. Et c’est extraordinaire de voir les gens interagir à nouveau après les spectacles, entre eux ou avec les artistes, briser ce mur de peur qui a été créé par la Covid ! Ce sont vraiment des moments précieux !

 

Ces précieuses leçons apprises…

 

RÉINVENTER. Je crois que ce que nous avons appris de plus précieux en ces temps de Covid, c’est la résilience. C’est cette idée que, quoi qu’il arrive, nous n’allons pas laisser tomber, nous allons continuer d’avancer, trouver des nouvelles façons de faire, se réinventer. Nous n’allons pas laisser les difficultés, les épreuves, la négativité, tuer notre créativité, notre passion. Au contraire, nous allons puiser encore plus dedans ! Parce que si on laisse ça partir, il n’y aura plus rien !

 

CHALLENGING. C’était et c’est toujours challenging d’aller de l’avant, de se recréer, de faire que ça marche, mais il faut garder cette flamme allumée. Fode pa nou les nou mem tonbe ! On a touché le fond, certes, mais le plus important est de remonter ensuite, en mieux, en plus forts. On a vu ça dans le monde de l’art mais aussi dans tous les autres domaines de notre société. Au final, on peut dire que c’est un mal pour un bien. Car quand on passe par des difficultés pareilles, what more can go worse ? Et puis, nous avons été obligés d’aller puiser à l’intérieur de nous-mêmes des ressources qu’on ne connaissait pas et qui sont là maintenant et ne demandent qu’à s’exprimer. Donc, anou manz ar li !

 

Pour continuer d'avancer…

 

NORMAL. Ça fait évidemment beaucoup de bien de voir que les choses reprennent leur cours «normal», qu’il y a moins de restrictions, que celles-ci sont même inexistantes maintenant dans des pays. Mais il ne faut pas oublier certaines choses. Il ne faut pas oublier que le virus (ou un autre) peut toujours revenir de manière plus virulente et de nouveau tout stopper. Je suis pour qu’on garde certaines restrictions, comme le port du masque, la distanciation sociale et les autres précautions sanitaires encore un peu de temps, jusqu’à ce qu’on soit vraiment prêts à les enlever. N’allons pas faire comme les autres pays juste pour suivre le trend. Regardons notre réalité et adaptons-nous à elle. Parce que si on repasse une nouvelle fois par une situation pareille, ce sera la catastrophe !

 

SOLIDARITÉ. Il ne faut pas non plus oublier ce formidable élan de solidarité qu’il y a eu dès le premier confinement, entre voisins, amis, familles, inconnus et même sur Facebook ! Nous avons découvert ou redécouvert de précieuses qualités et valeurs durant ces deux dernières années : solidarité, partage, générosité... C’est aussi ce que nous sommes. Donc, maintenant que les choses reviennent peu à peu à la normale, n’oublions pas toutes ces choses qui nous ont aidés à tenir le coup durant cette saison difficile. Car il est vrai que ce sont les périodes de crise qui nous aident à sortir de nous-mêmes, de notre zone de confort, pour nous améliorer, pour évoluer. Donc, laissons tout ce que la Covid nous a appris et amené nous changer durablement pour le meilleur. Autrement, ce serait trop dommage !

 

Ces lueurs d’espoir qui brillent…

 

NAISSANCE. Il y a beaucoup d’espoir quand nous voyons comment tant de choses positives sont nées de cette période sombre que nous avons vécue, comment cela nous a ramenés à l’essentiel, comment cela a stimulé notre force, notre courage, notre créativité, notre passion, notre compassion, notre résilience, nos qualités, nos valeurs…

 

AVENIR. Au niveau du Caudan Arts Centre, outre tout ce que nous proposons, nous regardons aussi beaucoup vers l’avenir, nous travaillons ainsi à amener l’autre génération à s’intéresser à l’art, aux spectacles, entre autres, que ce soit au niveau des artistes ou du public. Car l’avenir et le driving force de notre société, c’est bien cette nouvelle génération !

 


 

Mon actu du moment

 

Au Caudan Arts Centre, nous n’arrêtons pas ! Nous essayons d’offrir des spectacles divers et variés pour tous les publics. Le week-end dernier, par exemple, nous avons eu la comédie musicale Tigann qui a été un succès. Et ce week-end, nous avons le spectacle de magie Là-Haut de la magicienne Beryl dont les quatre séances ont aussi été sold out ! Nous remettons ça au 20 mars et peut-être aussi en avril. Nous aurons aussi, fin mars, une représentation de la pièce Roméo et Juliette à la sauce bollywoodienne, puis plus tard celle de la pièce Un tramway nommé désir. Il y aura également le festival Mama Jazz en avril. Et plusieurs autres shows au cours de l’année, dont un possible retour de Tigann vers fin 2022. Nous essayons de trouver un équilibre entre les spectacles sérieux et ceux plus entertaining pour que tout le monde y trouve son compte. Sinon, je suis super heureux de m’occuper de tout ça depuis trois ans que le Caudan Arts Centre est ouvert et même depuis avant pour travailler sur le projet avant sa mise en oeuvre. Je suis moi-même acteur et metteur en scène, et la passion du théâtre m’est venue quand je faisais mes études d’anglais en Inde. Quand j’ai découvert le théâtre, je ne l’ai plus quitté. J’ai par la suite fait une maîtrise en théâtre en Angleterre. De retour à Maurice, j’ai travaillé au Mauritius Institute of Education pour introduire le théâtre dans les écoles primaires, avant d’être appelé par René Leclézio en 2017 pour travailler sur le projet du Caudan Arts Centre. J’ai tout quitté pour m’y investir à fond ! Sinon, côté vie perso, je suis mariée à Roshnee et nous sommes les heureux parents d’une petite fille qui s’appelle Mansi.

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