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3 mars 2021 14:43
«La tristesse est momentanée ; la douleur est toujours éternelle.» Cette citation du journaliste, écrivain, poète et humoriste français Samuel Fernand-Lop sied bien à Clifford Esther. Ce dernier incarne aujourd’hui «plus qu’un martyr», titre d’un livre écrit par Sedley Assonne et sorti en 2007, où ce dernier raconte la tragique histoire de Clifford Esther, âgé de 62 ans.
Il y a environ 39 ans, cet habitant de Roche-Bois a, dit-il, été victime d’une «grosse bavure policière» quelques jours après un hold-up au Central Electricity Board, à Curepipe, lors duquel un policier a perdu la vie. Clifford Esther a reçu une balle dans la bouche et celle-ci a traversé son palais pour ressortir par le haut de son crâne. C’était le 5 mars 1982. Depuis, il est infirme.
Si à l’époque, Clifford Esther se battait pour obtenir une compensation, il remet ça une fois de plus, à quelques jours du 39e anniversaire de ce triste événement. Il a retenu les services d’un nouvel avocat pour relancer l’affaire. Il s’agit de Me Dick Ng Sui Wa qui vient d’adresser une lettre à l’Attorney General Maneesh Gobin ainsi qu’au Premier ministre Pravind Jugnauth pour solliciter une compensation sur une base humanitaire. Clifford Esther souhaite également que son statut de victime soit enfin reconnu par l’État mauricien. En attendant, il revient sur les événements du 5 mars 1982.
Ce jour-là, un policier a fait feu sur lui alors qu’il se trouvait dans un bungalow à Rivière-Noire. Clifford Esther était en compagnie de sa fiancée de l’époque, Margaret Anna Lang, une Allemande. Il a été hospitalisé pendant plus de trois mois à l’hôpital Victoria, Candos. S’il a, certes, échappé à la mort, aujourd’hui, Clifford Esther souffre toujours des séquelles de ce coup de feu ; il parle avec beaucoup de mal et est également infirme et handicapé. C’est pourquoi il se bat pour obtenir des dédommagements. En 2010, le gouvernement de l’époque devait lui remettre la somme de Rs 5 millions mais cela n’a jamais abouti. Clifford Esther estime aujourd’hui que le gouvernement doit le dédommager sur une base humanitaire. «L’État doit aussi reconnaître mon statut de victime», soutient le sexagénaire qui a vu tous ses projets tomber à l’eau depuis cet incident.
«Je suis croyant. C’est la prière qui m’a sauvé», confie Clifford Esther. À l’époque, il faisait des affaires à Rodrigues ; il gagnait sa vie en vendant des chemises, des jeans et des T-shirts. Certains disent qu’il faut panser ses blessures pour pouvoir poursuivre son chemin. Clifford Esther, lui, est loin d’avoir trouvé la paix d’esprit. La balle est désormais dans le camp de Maneesh Gobin.
L’histoire de Clifford Esther est digne d’un scénario de film dramatique. Au moment de la fusillade, le 5 mars 1982, dans un bungalow à Rivière-Noire, il se trouvait avec sa petite amie de l’époque, une Allemande, mais aussi trois autres personnes dont son cousin Patrick Ah-Quay. «Mo ti pe dormi kan monn tann tapaz. Bann la polis ti fini rant dan bungalow kan monn sorti dan lasam. Apre sa, mo trouv bann la polis-la pran mo kouzin. Ti ena menot dan so lame. Monn koumans lev lavwa pou fer bann la kompran ki zot ti pe fer erer. Enn ladan inn dimande kot Sylvio avan li tap mwa enn kout lakros fizi lao mo likou. Monn leve ek boukou difikilte. Apre sa, enn la polis inn tir kout bal dan mo labous. Sa mem dernie zafer mo rapel. Kan monn leve apre six zour dan koma, mo ti lopital Candos», se souvient Clifford Esther.
Selon la version officielle, la police a tiré sur lui car il avait un couteau dans les mains. Ce que Clifford Esther nie. En 1986, Victor Glover, Senior Puisne Judge, retient la thèse de légitime défense pendant un procès en Cour suprême où Clifford Esther, alors âgé de 26 ans, réclamait des dommages de Rs 2 millions à l’État. Mais personne n’a corroboré sa version. Son cousin Ah-Quay avait, lui, déjà quitté le pays, à l’époque.
Clifford Esther est aujourd’hui marié à Marie Marjolaine Gâteaux depuis un an. Il est également père de cinq enfants qu’il a eus avec sa défunte épouse Marie-Claude.
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