Publicité
19 mai 2014 01:04
Impossible de ne pas se retourner sur son passage. Difficile de ne pas être intrigué en le voyant circuler, complètement couvert, de la tête aux pieds, une serviette sur le visage, sans le moindre centimètre de peau à découvert, même pas les yeux. C’est la triste réalité d’Adrien David, 9 ans, depuis sa tendre enfance. Où qu’il aille durant la journée, le garçonnet doit se couvrir complètement pour se protéger des rayons du soleil qui peuvent lui être fatals. De ce fait, chaque sortie se transforme pour lui en une véritable épreuve. D’abord, parce qu’à chaque fois sa vie est en jeu. Puis, à cause du regard des autres. Car, de par sa façon de vivre et la nécessité d’être toujours protégé sous plusieurs couches de vêtements, Adrien n’est définitivement pas un petit garçon comme les autres et il est condamné à vivre dans le noir pour se sentir bien.
Atteint d’une maladie très rare, le Xeroderma Pygmentosum – aussi appelée la maladie des enfants de la lune –, le petit, deuxième cas du genre connu à Maurice, doit constamment fuir la lumière du jour ou, du moins, se protéger au maximum avec des vêtements, de la crème solaire et autres, pour éviter l’apparition de petites lésions sur sa peau, qui peuvent très rapidement se transformer en cancer. Et c’est difficile de circuler librement ou de faire des choses comme tout le monde avec une serviette sur le visage. D’ailleurs, sensible à toutes les sources de lumière, Adrien souffre également d’une forme sévère de tension des yeux, ce qui lui fait très mal à chaque fois qu’il doit sortir en journée.
De par la nature de sa maladie et en raison de ce qu’implique une sortie diurne, Adrien se voit dans l’obligation de rester constamment chez lui, plongé dans le noir, avec tous les rideaux tirés. Car plus il fait sombre, mieux c’est pour lui. Telle est la vie d’Adrien qui n’est donc pas scolarisé. Il n’a jamais pu aller à la plage durant le jour pour nager, courir en plein soleil, rire aux éclats, le vent dans les cheveux. Il n’a jamais pu non plus s’adonner à une partie de cache-cache ou tout autre jeu avec les enfants de son quartier, à la lumière du jour. Pourtant, son plus grand rêve, c’est de pouvoir faire comme tout le monde : sortir, marcher, jouer au soleil. «J’aimerais pouvoir aller à l’école comme les autres enfants», nous dit-il, d’une toute petite voix, la tête baissée et les mains agrippées à la serviette avec laquelle il se protège le visage à la moindre source de lumière.
Une vie de martyre pour un si petit garçon qui multiplie les sacrifices depuis son plus jeune âge. Mais depuis deux semaines, la famille David, qui s’était résolue à vivre dans le noir la plupart du temps, car toute son existence est organisée en fonction d’Adrien, s’accroche à une lueur d’espoir. Grâce a une «belle rencontre», les parents du petit garçon – Cristelle, 32 ans, femme au foyer, et Ricardo, 41 ans, plombier et électricien de profession –, ont pu rencontrer la famille de Christophe Ramsamy, le premier cas de Xeroderma Pygmentosum recensé à Maurice et qui est aujourd’hui âgé de 26 ans. Détenteur d’une licence en WEB Technologies et employé dans une firme privée où il travaille dans le dévélopement WEB, Christophe mène une vie «quasi normale» grâce à une cagoule spéciale qu’il a fait fabriquer et des verres polarisés qui lui permettent de circuler en plein jour (voir hors-texte plus loin).
«Beau cadeau»
C’est suite à cet échange avec les Ramsamy que la mère d’Adrien semble avoir retrouvé foi en la vie : «Pour mon fils, j’ai choisi de renoncer à beaucoup de choses. Par exemple, je ne sortais presque plus pour rester avec lui. Maintenant, je sais qu’il y a des matières qu’il peut porter pour sortir, qu’il pourra peut-être se rendre à l’école et même aller à l’université comme Christophe qui a la même maladie que lui. C’est un beau cadeau que je voudrais offrir à mon fils.»
Mais pour cela, les David devront réunir une importante somme d’argent pour entamer les démarches, aidés des Ramsamy, afin de se procurer ces équipements grâce auxquels Adrien pourra enfin sortir au soleil. «Comme nous sommes une famille modeste, j’espère vraiment qu’on pourra compter sur la générosité des Mauriciens. On sait maintenant qu’il y a une association française qui pourra nous aider. L’objectif est donc, pour nous, de trouver au plus vite de l’argent pour nous procurer des équipements, dont un casque spécial, auprès d’eux», confie Cristelle.
Si ce rêve se réalise, Adrien pourra sortir le jour comme tout le monde. Car, pour l’instant, son terrain de jeu, ce sont les quatre murs de sa modeste maison, à Pointe-aux-Piments, et ses seuls amis, selon ses propres aveux, sont ses trois frères, Jonathan, 12 ans, Chris, 4 ans, Emmanuel, 2 ans, et sa sœur Laure, 1 an. «Je n’ai pas de vrais amis», nous dit le petit garçon timidement, les yeux constamment baissés, une conséquence de sa maladie.
Il sait qu’il n’est pas comme tout le monde, mais ne cache pas qu’il a une véritable rage de vivre. Déambulant entre les meubles du salon plongé dans le noir grâce à des doubles rideaux tirés pour ne rien laisser filtrer, Adrien, tout innocent comme les enfants de son âge, affiche un grand sourire, même si son mode de vie l’agace. «Il me demande souvent pourquoi il ne peut pas faire comme tout le monde», confie Cristelle. Ce genre de question, elle en a eu droit à plusieurs reprises ces dernières années : «Toute notre vie a été chamboulée lorsque nous avons appris cette terrible nouvelle, alors qu’Adrien avait 3 ans.»
Inquiétés par les éruptions cutanées et autres taches, ainsi que le gonflement de ses yeux, les parents d’Adrien décident de se tourner vers une clinique privée malgré leurs faibles revenus. «Croyant qu’il souffrait d’une tension des yeux, on nous a alors référés à l’hôpital de Moka», explique Cristelle. Là-bas, les médecins les renvoient vers l’hôpital du Nord où le terrible diagnostic tombe. «Après plusieurs examens, on nous a appris qu’Adrien avait une maladie très grave et très rare. Le médecin nous a dit qu’ils sont très peu dans le monde à souffrir de ce mal et qu’il devra pour toujours éviter le soleil», poursuit Cristelle, serrant son fils dans ses bras.
Si cette nouvelle l’a bouleversée, son monde s’est complètement écroulé lorsque le médecin leur a annoncé, à son mari et à elle, que la maladie était incurable. «Je me demandais pourquoi cela était arrivé à mon fils. J’arrivais difficilement à imaginer son futur», raconte Cristelle qui ne peut retenir ses larmes.
Situations difficiles
Dans ces moments difficiles, elle a pu, dit-elle, compter sur le soutien de son époux Ricardo. «Il me fallait être fort pour ma famille», répond ce dernier qui, tant bien que mal, essaie de tout faire pour rendre la vie d’Adrien plus agréable. «C’est son père qui le conduit à chaque fois à l’hôpital sur sa moto. Heureusement d’ailleurs car, comme c’est difficile de se déplacer avec Adrien, cela aurait été financièrement compliqué pour nous si on devait le faire en taxi. On ne peut pas se le permettre. Déjà, qu’on doit investir beaucoup dans des crèmes pour sa peau, notamment des crèmes solaires qu’il doit porter tout le temps. Tout cela coûte énormément», soutient Cristelle, émue à chaque fois qu’elle pense à la force de caractère de son petit chéri.
«Étant donné qu’il veut faire comme tout le monde et ne pas se sentir différent malgré sa réalité, il m’avait étrangement surpris une fois. C’était le jour de sa première communion et il voulait aller distribuer des brioches dans le voisinage. Et c’est ainsi qu’on s’était retrouvés à aller frapper à la porte des voisins à 23 heures pour la distribution de ses brioches. Il y tenait tellement car il disait que si les autres le faisaient, certes en plein jour, lui aussi pouvait le faire», se rappelle cette mère qui espère prochainement voir son fils gambader librement en plein jour, sans être emmitouflé de vêtements et encombré d’une serviette sur le visage.
Ces derniers jours, c’est sa plus grande préoccupation : tout faire pour permettre à son fils de jouer au soleil... Comme tous les autres enfants.
Les David au complet : Cristelle, la mère, Ricardo, le père, Jonathan, Adrien, Chris, Emmanuel et Laure, la petite dernière.
Si vous voulez aider Adrien à réaliser son rêve de pouvoir bientôt aller à l’école et de jouer dehors en plein soleil pendant la journée, en contribuant à ce qu’il obtienne bientôt un casque, très coûteux – selon les sites Internet –, de l’association Enfants de la Lune, en France, vous pouvez nous contacter à la rédaction sur le 206 8256 et nous vous dirigerons par la suite vers la famille David.
C’est un peu grâce à elle que les proches d’Adrien ont retrouvé l’espoir. Depuis deux semaines, suite à une demande que les parents avaient faite auprès des autorités, Séverine Momine a été choisie comme la prof attitrée d’Adrien. Comme le garçonnet ne peut pas sortir en plein jour et évoluer dans un lieu éclairé, il ne pouvait pas être scolarisé. C’est donc à domicile, chez lui, qu’il suit maintenant des cours.
«On a essayé de l’envoyer à l’école, mais il ne pouvait supporter la lumière et ses yeux lui faisaient beaucoup souffrir», souligne Cristelle, la maman d’Adrien. «Il a cours de 9 heures à 14 heures chez lui et on travaille comme si on était à l’école, explique, pour sa part, Séverine Momine, la maîtresse d’Adrien. En ce moment, je m’attelle à lui apprendre les bases et Adrien se débrouille très bien. Il est éveillé, curieux et a soif d’apprendre.» C’est aussi Séverine qui a organisé la rencontre avec la famille Ramsamy : «Je voulais montrer aux parents d’Adrien qu’ils n’étaient pas seuls et que, comme Christophe, leur fils était peut-être appelé à réaliser de grandes choses.»
On appelle les petits qui en souffrent Enfants de la Lune car ils ne peuvent sortir en toute sécurité que durant la nuit. Cette affection héréditaire très rare, se développe pendant l’enfance et se manifeste par des cancers cutanés multiples. Le Xeroderma Pigmentosum se transmet génétiquement suivant une mode récessif, c’est-à-dire que le gène porteur doit être reçu du père et de la mère pour que l’enfant développe la maladie. Cette affection est généralement due à une incapacité de l’ADN à réparer les lésions secondaires à une exposition aux rayons du soleil. Il est nécessaire de prévenir l’apparition des tumeurs cutanées en se protégeant du soleil et en utilisant des rétinoïdes (vitamines A). L’excision des tumeurs, chirurgicalement, est parfois nécessaire.
Elle offre encadrement et support afin de permettre aux malades de sortir de l’ombre. C’est le but que se fixe au quotidien l’association Enfants de la Lune, basée en France. L’organisme regroupe les familles des malades du Xeroderma Pigmentosum. Son objectif est d’aider les familles et les malades, partout à travers le monde, à mieux appréhender la maladie et leur fournir des moyens de protection pour favoriser leur intégration sociale tant au niveau scolaire qu’au niveau des activités sportives ou autres. L’association soutient aussi la recherche médicale pour la mise au point de thérapie génique et d’un masque de protection abordable pour tous.
Deux familles, une même histoire. Lorsque les Ramsamy et les David se sont rencontrés, il y a deux semaines, l’émotion était palpable. «J’ai été très surprise d’apprendre qu’il y avait un enfant qui avait la même maladie que mon fils», déclare Nathalie Ramsamy, la maman de Christophe, premier cas de Xeroderma Pigmentosum recensé à Maurice. Si Cristelle David est rentrée de cette rencontre avec plein de courage et d’espoir, Nathalie Ramsamy, elle, est déterminée à aider cette famille : «Je vais essayer autant que possible de les guider, de les orienter et de leur apporter des conseils car nous avons traversé les mêmes choses.»
Pour elle, il s’agit de tout faire pour permettre à Adrien de sortir au soleil : «J’ai déjà parlé de son cas à une responsable de l’association française Enfants de la Lune. Malheureusement, les combinaisons spéciales ne se font plus. Mais il y a d’autres moyens, d’autres matières qui permettront à Adrien de sortir en plein jour. C’est pour cela qu’il faut aider ce petit garçon, pour qu’il obtienne ces équipements qui lui permettront de sortir pendant la journée.»
Christophe, qui n’a pas encore rencontré Adrien et qui souhaite vraiment le faire très bientôt, ne peut pas ne pas se sentir concerné par la réalité du garçonnet : «Il est comme moi et si j’ai pu affronter tous les obstacles, grandir et faire mon chemin dans la vie, il n’y a aucune raison pour que lui n’y arrive pas.» Comme sa mère, il est déterminé à apporter son soutien à la famille David.
Christophe, aujourd’hui âgé de 26 ans, se protège grâce à un tissu et des lunettes spéciaux.
Publicité