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11 mai 2015 12:24
Blue-jean et T-shirt blanc : Cynthia arbore un look décontracté. Sereine et le sourire aux lèvres, elle salue amicalement le personnel de l’ONG PILS. Il est 11 heures. C’est au siège de cette association, à Port-Louis, que nous rencontrons cette Camerounaise le vendredi 8 mai. «Sans cette organisation, je ne sais pas comment j’aurais fait. Ils m’ont soutenue dès le début et grâce à eux, je ne suis plus seule. Je suis prête à affronter la suite», lance-t-elle.
Menacée d’expulsion suite à une décision du Passport and Immigration Office d’annuler son visa d’étudiante après qu’elle a été testée positive au VIH, Cynthia vient de vivre les pires jours de sa vie. À des milliers de kilomètres de ses proches. Mais en cour Suprême, le mercredi 6 mai, elle a remporté une première bataille. Celle-ci lui a accordé la permission de demander une révision judiciaire suite à une motion déposée par son avocat, Me Burty François. L’affaire sera entendue en septembre. «J’ai obtenu une première victoire», lâche Cynthia qui a commencé son traitement le vendredi 8 mai.
Penser au pire
Si elle est soulagée, sa colère est toujours aussi vivace. «Expulser quelqu’un parce qu’il est atteint du VIH ? Cela me paraissait tellement irréel. Puis, lorsque toute la machinerie a été enclenchée, je me suis rendue compte que c’était bel et bien vrai, que je risquais d’être déportée. C’est une loi qui ne fait pas honneur à Maurice. Comment les autorités mauriciennes auraient-elles réagi si un de leurs compatriotes faisaient face à la même situation à l’étranger ?» se demande-t-elle, révoltée.
En septembre 2014, elle enclenche des démarches administratives pour poursuivre des études universitaires à Maurice. Le 27 janvier, elle foule le sol mauricien pour la première fois. Mais quelques jours plus tard, tout se transforme en cauchemar. «Pour obtenir le permis de séjour en tant qu’étudiante, il a fallu faire des tests médicaux. Le 5 février, j’ai eu mes résultats. C’est là que j’ai appris que j’étais positive au VIH», soupire-t-elle.
La nouvelle l’anéantie. Lorsqu’elle l’annonce à ses parents au téléphone, ces derniers s’effondrent à leur tour. Mais Cynthia ne veut pas baisser les bras. «Lorsque j’ai appris la nouvelle, je me suis dit que je n’étais pas la première personne atteinte de cette maladie, que j’allais vivre et me faire soigner. Mais cette mesure d’interdiction m’a fait perdre confiance en moi. Je me sentais comme une moins que rien, j’avais l’impression de ne pas avoir ma place dans la société. J’ai trouvé cela tellement injuste», confie-t-elle.
Livrée à elle-même, Cynthia bénéficie toutefois du soutien d’un de ses amis. Mais l’angoisse prend parfois le dessus. Cynthia frôle alors la dépression et pense au pire : «Je disais à mon ami que je ne rentrerais pas chez moi vivante si jamais on décidait de m’expulser. Je pensais au pire, à la mort. Pour que le monde entier sache l’injustice dont j’avais été victime et à quel point mes droits avaient été bafoués. N’importe qui peut se retrouver à ma place. Je ne me bats pas uniquement pour moi, mais pour les autres aussi.»
Désormais, elle appréhende son futur à Maurice. «Je pensais étudier et travailler à temps partiel pour subvenir à mes besoins. Mais est-ce qu’un employeur voudra de moi s’il arrive à savoir que je suis porteuse du VIH ?» s’interroge-t-elle. «Le gouvernement mauricien n’a aucun contrôle sur le nombre de touristes porteurs du sida, qui voyagent dans l’île. Je suis aussi d’avis que si les autorités avaient vraiment à cœur le sort des personnes vivant avec le VIH, cette mesure n’aurait tout simplement pas existé. Maintenant, je sais que j’ai cette maladie, à moi d’être responsable dans mes actes», avance Cynthia.
De son côté, l’ONG PILS salue la mesure de la cour Suprême et espère que les droits humains de Cynthia seront respectés lors de la prochaine étape. Pour Nilen Vencadasmy de PILS, il est «malheureux d’avoir recours à la justice en 2015 pour faire respecter les droits fondamentaux d’une personne». Il poursuit : «Mais nous sommes satisfaits de cette première étape. Nous étions d’ailleurs confiants, car nous avions de bons arguments juridiques concernant cette affaire. Nous sommes tout aussi confiants pour la suite. Je fais aussi appel au Premier ministre, car cette affaire engage la réputation du pays sur le plan international.»
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