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Bandes sonores : les choquantes révélations de Vimen Sabapati

11 juin 2023

Cet habitant de Vacoas est en détention depuis le 3 mai.

Des bandes-sons qui font un sacré buzz ! Celles-ci, dont des extraits ont été diffusés sur les radios privées en cette fin de semaine, font état de conversations entre Vimen Sabapati et des policiers sur les méthodes «douteuses» de la Special Stricking Team (SST) et de l’Anti-Drug & Smuggling Unit (ADSU) et le «complot» pour le faire tomber. Ces bandes sonores accompagnent, sur une clé USB, l’affidavit que l’ex-entraîneur national de la fédération mauricienne de muay-thaï a juré sous serment en Cour suprême le 26 mai pour justement dire qu’il est victime d’une conspiration et dénoncer la manière de faire de la SST et de l’ADSU. Il est actuellement en détention pour trafic de drogue allégué. Un sac contenant 10 kg d’une poudre blanchâtre soupçonnée d’être de l’héroïne, d’une valeur marchande de Rs 150 millions, aurait été retrouvé dans sa Ford Raptor le 3 mai. Il se trouvait à Port-Louis lorsque la SST menée par l’ASP Jagai a procédé à son arrestation. Mais lui, nie les accusations portées contre lui et affirme être victime de «planting».

 

Le contenu de l’affidavit de Vimen ainsi que les éléments qui figurent sur les bandes sonores accompagnant celui-ci, dont des extraits ont été diffusés sur les radios privées ne surprennent absolument pas le travailleur social Ally Lazer. «La corruption reste le plus gros obstacle dans le combat contre la drogue», martèle le président de l’Association des travailleurs sociaux de Maurice. Il ajoute avec force : «Mo dan konba kont ladrog depi plizir deseni. Monn met mo lavi an danze plizir fwa kan monn denons bann trafikan. Se enn lager ki nounn fini perdi sa. Ena tro boukou vander konsians, polisie ripou ek mazisien. Kan ou ekout sa bann band sonor-la ki ou konpran kifer sertin trafikan bann intousab ek fer seki zot anvi. Ena konpliste ant sertin polisie ek bann kaid.»

 

Les révélations de Vimen sont certes choquantes, mais elles ne surprennent pas non plus Hector Tuyau. «Ce n’est pas pour rien que la commission d’enquête sur la drogue avait réclamé la dissolution de l’ADSU», explique cet ancien assistant surintendant de police qui a, également, été à la tête d’un syndicat de police. Il a aussi occupé le poste de responsable des enquêtes pour la commission d’enquête sur la drogue présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen. «Konteni sa bann band sonor-la pa sok mwa ditou. Komision lanket lor ladrog ti fer lanket lor plis ki 50 polisie ki travay ADSU. Ansien ziz Lam Shang Leen ti ousi denons sertin malpractice. Pa kone ki sa Task Force ki ti met sir pye-la inn fer apre ek sa dosye-la», dit-il. Cet ancien limier de l’ADSU est catégorique : «La police est malade. Il faut un remède de cheval. Bizin aret met serom.»

 

Le patron des Casernes centrales a lui aussi réagi suite à la diffusion de ces bandes sonores où les méthodes de la SST et l’ADSU sont vivement critiquées. Dans un communiqué de presse, le commissaire de police souligne qu’il a pris note du programme diffusé par TelePlus et que des actions suivront. «Il y aura une enquête approfondie, la force policière agira en toute impartialité et équité», précise Anil Kumar Dip. Il tient également à rassurer le public sur le fait que la police ne fléchira pas dans sa mission de débarrasser le pays des trafiquants de drogue. L’inspecteur Shiva Coothen, responsable du service de presse de la police souligne, pour sa part, que l’IT Unit doit d’abord établir l’authenticité du contenu de la clé USB en question.

 

«Noun tann bann lavwa dan sa bann band sonor kinn zwe lor bann radio. Eski kapav atribye zot tou ? Eski sa bann polisye ki misye Vimen pe dir inn koz ek li la kredib ? Akoz sa CP inn dimann enn lanket aprofondi dan sa zafer-la», affirme l’inspecteur Coothen. Pour cause : Vimen Sabapati n’y va pas de main-morte dans son affidavit où il continue de clamer son innocence. Il y lance aussi un appel au CP pour que la SST ne soit plus responsable de l’enquête le concernant. Ceux qui ont entendu les bandes sonores comprendront pourquoi. L’une d’elle contient une conversation entre le principal concerné et un inspecteur affecté à l’ADSU. Ce dernier fait d’ailleurs des révélations fracassantes contre certains de ses hommes.

 

Selon les dires de ce haut-gradé, des officiers de l'ADSU auraient volé «enn parfin» lors d’une perquisition chez une habitante d’une cité. Ils aurait également volé une chaîne en or lors d’une autre perquisition. L’autre bande sonore qui a marqué les esprits est celle qui parle de la saisie de plusieurs armes à feux sur les berges d’une rivière à Beaux-Songes. Selon ledit inspecteur, un révolver recueilli ce jour-là aurait, par la suite, été planté chez le chanteur Raquel Jolicoeur. Les bandes sonores contiennent d’autres conversations les unes plus troublantes que les autres. Vimen en parle d’ailleurs dans son affidavit.

 

Dans le collimateur de la SST

 

Il savait, dit-il, qu’il était dans le collimateur de la SST depuis plusieurs mois en raison de sa proximité avec l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam. Il souligne qu’il était également visé à cause de sa proximité avec l’activiste Bruneau Laurette qu’il avait rencontré le 7 août 2022 lors d’une campagne de nettoyage à La Caverne, Vacoas. Dans son affidavit, Vimen Sabapati revient aussi sur une descente de l’ADSU de Rose-Hill à son domicile le 8 avril 2021. Les limiers n’auraient rien trouvé de compromettant ce jour-là mais lui auraient lancé qu’il fallait «give protection money» aux officiers de la brigade antidrogue pour éviter d’autres fouilles à l’avenir.

 

Selon Vimen Sabapati toujours, il fallait aussi «give protection money» pour éviter que des substances illicites/drogues soient plantées à sa résidence. Lors de la descente du 8 avril 2021, Ramen Sabapati, le frère de Vimen –qui vit à la même adresse – a été arrêté pour possession d’une dose d’héroïne. L’ex-entraîneur national de muay-thaï affirme avoir reçu plusieurs messages d’un constable par le biais des réseaux sociaux deux jours plus tard. «Kan to gagn enn letan, zwenn ek mwa (…)», lui aurait-il écrit. «Bann-la ti kapav plant enn revolver kot twa (…) Bann-la inn trouve ki to bann assets evalye a plizir milion, zot pe rod avoy sa Integrity Reporting», lui aurait encore dit le policier. Vimen Sabapati a fait des screenshots de toutes ces conversations qu'il a mis en pièces-jointes dans son affidavit.

 

Il raconte avoir aussi rencontré le policier en question au domicile de celui-ci en avril 2021, où celui-ci lui aurait montré des photos de sa résidence et de ses véhicules qui circulaient sur un groupe WhatsApp de l’ADSU de Rose-Hill. Le 18 avril 2021, ils se seraient à nouveau parlé sur Messenger. Peu après, Vimen Sabapati a appris que ledit policier a consigné une Precautionary Measure (PM) contre lui, dans laquelle il allègue avoir reçu des menaces de transfert. Une copie de cette PM est également disponible en pièce-jointe dans l’affidavit de l’ex-entraîneur national de muay-thaï.

 

Dans son affidavit toujours, Vimen Sabapati revient sur sa rencontre avec un autre policier habitant Vacoas. Ce dernier, affirme-t-il, a agi comme whistleblower. C’est aussi pour cette raison qu’il est constamment resté sur ses gardes les mois suivants, craignant d’être victime d’un planting. «Bann-la pou vinn fouy to baz (Ndlr : Holy Garden Range) ki apartenir a Calinghee Manogaren (…) Jagai pe anvi defons twa (…) Li fatig twa enn kout-la, sa ve dir to bizin rant dan so bato (…).» C’est ce que le policier en question lui aurait déclaré. Vimen Sabapati avait juré un affidavit à cet effet le 11 mai 2021.

 

Selon ses dires toujours, Bruneau Laurette – arrêté en novembre dernier – a également été victime d’un complot. C’est ce qu’un inspecteur de l’ADSU lui aurait confié. Ce dernier lui aurait également dit que l’ASP Jagai serait très proche de Franklin et que la drogue saisie dans la voiture de l’activiste proviendrait de celui-ci. Cette conversation figure dans l’un des extraits des bandes sonores. Vimen Sabapati évoque aussi une rencontre avec un autre policier qui remonte au 22 mars dernier, à proximité de l’hôpital MedPoint. Ce dernier lui aurait fait des révélations sur un autre policier affecté à la SST. Celui-là même qui aurait consigné un PM contre lui. En attendant de voir quels développements il y aura par rapport à ces bandes-sonores et cet affidavit, Vimen Sabapati, qui a comparu en cour durant la semaine écoulée, reste en détention jusqu'au 15 juin. Son avocat Shakeel Mohamed compte demander sa remise en liberté.

 

Par ailleurs, Nawaz Noorbux du Defimedia Group a été convoqué aux Casernes centrales ce lundi 12 juillet dans le cadre de l'affaire «Vimen Leaks», alors que Bruneau Laurette, de son côté, a annoncé une action légale contre la police.

 

Deux policiers arrêtés

 

Deux constables ont passé le week-end derrière les barreaux. Ils sont soupçonnés d’être très proches de Vimen Sabapati. Le premier, qui était affecté à Alcatraz, fait l’objet d’une accusation provisoire de complot. Il a été arrêté après la découverte d’un portable à proximité de la cellule de l’ex-entraîneur national de muay-thaï. Sur les images des caméras de vidéosurveillance, on le voit couvrir le téléphone en question avec une serviette lors d’une descente surprise dans la cellule du suspect. Le second est un élément de la CID de Curepipe. La police a retrouvé un search warrant à son domicile portant une signature inconnue. Il fait l’objet d’une accusation provisoire de «possession of property obtained unlawfully».

 

Jean Marie Gangaram

 


 

Xavier Luc Duval : «Une enquête indépendante menée par une police étrangère»

 

Il s’est dit «choqué» mais «pas surpris par les allégations faites». Le leader de l’Opposition, Xavier-Luc Duval, s’est exprimé via un communiqué ce samedi 10 juin après la diffusion des extraits des bandes sonores de Vimen Sabapati. Il a réclamé une enquête indépendante, mais pas que. Il souhaite qu’elle soit menée par «une police étrangère». De plus, il est d’avis qu’il est nécessaire de trouver des alternatives, en termes de structures, à l’ADSU et à la SST : «Je suis certain que la France, le Royaume-Uni ou les États-Unis seront trop heureux de nous aider.» Il a rappelé qu’il avait présidé, alors qu’il était Deputy Prime Minister, un comité pour la réforme policière et a dit l’importance que les recommandations alors formulées soient appliquées. Il a également évoqué sa Private Notice Question de juin 2022 concernant l’ADSU : «Il avait été révélé que les 120 grosses saisies de drogue n’avaient généré que trois condamnations durant les cinq dernières années.» Il a fait un appel au gouvernement pour qu’il prenne toutes les mesures nécessaires «pour rétablir d’urgence la confiance des Mauriciens dans la force policière». Et a dit son souhait de se concerter avec les autres membres de l’opposition sur la question. D’ailleurs, l’opposition parlementaire s’est, également, exprimée sur toute l’affaire ce samedi demandant une enquête indépendante et la suspension de tous les policiers dont les noms ont été cités en attendant les conclusions de l’enquête.

 

Yvonne Stephen

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