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Basheer Taleb : «Une situation dangereuse guette nos collèges privés»

6 septembre 2016

Le principal amendement au PSSA Act stipule que les directeurs des collèges privés ne pourront plus siéger sur le boardde l’institution régulatrice. Qu’est-ce que cela implique ?

 

Cela veut tout simplement dire qu’on nous a évincés de toutes les structures décisionnelles de la PSSA. Nous estimons que ce n’est pas normal parce que nous sommes les principaux stakeholders de l’instance régulatrice. En tant que managers, qui mieux que nous sait ce qui se passe à l’intérieur de nos institutions ? Qui mieux que nous sait ce qui est bien pour nos établissements ? Et surtout, qui mieux que nous peut être partie prenante de décisions importantes concernant nos collèges ? On nous enlève pour nous remplacer avec des personnes qui n’ont rien à voir avec le secteur privé. Les décisions concernant le PSSA Act ont été prises de manière unilatérale et ce texte de loi nous est imposé. Aucune ébauche n’a été discutée avec nous. Nous déplorons cela car à aucun moment on ne nous a consultés. Cette décision vient changer la composition du decision making board en termes de nombre et en termes de fonction. Dans cette affaire, nous sommes les majors stakeholders, les entrepreneurs et aussi les risk takers. Il y a une méfiance qui s’établit envers la PSSA.

 

C’était comment avant ?

 

Il y avait deux représentants de managers, deux représentants des employés des collèges et un représentant des employés de la PSSA. Tous siégeaient sur le Conseil d’administration de l’organisme, ce qui ne sera plus le cas. Ce n’est pas possible que le principal stakeholderde l’éducation secondaire privé n’ait pas un représentant au sein du board. Désormais, le boardfonctionnera avec huit personnes et un quorum de cinq personnes. Et les décisions vont être prises par une simple majorité de trois personnes. Seules trois personnes prendront des décisions qui affecteront le secteur en entier. Pour nous, ce n’est pas ce que nous appelons de la bonne gouvernance. N’étant pas sur le board, nous ne pourrons pas suivre les débats, donner nos opinions et participer à la prise de décision. Ce texte de loi donne aussi le pouvoir à la PSSA pour faire des changements assez conséquents. Par exemple, concernant la discipline dans les écoles. À n’importe quel moment, une loi peut nous être imposée.

 

La façon dont le board fonctionnait avant était-elle meilleure ?

 

L’ancienne façon de faire n’a jamais été contestée. On n’a jamais était judge and party. Dans le board, on était en minorité. On donnait nos opinions. Les collèges privés sont financés par l’État et c’est normal que celui-ci ait un droit de regard sur leur fonctionnement. Mais chaque collège privé a sa spécificité. On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi il a fallu apporter des amendements à ce mode de fonctionnement qui nous permettait de donner nos opinions sur des sujets importants. Les questions importantes étaient traitées en considérant l’avis et les opinions de tous les partenaires concernés.

 

D’où vos contestations…

 

Tout à fait. Ce qui se passe n’est pas normal. Est-ce que des décisions vont être prises dans notre dos ? Avec cet évincement, le message est clair. Cela signifie que la PSSA n’a plus besoin de nous comme partenaires. Ce texte de loi semble être le début du processus de nationalisation des collèges privés. Une situation dangereuse guette nos collèges privés car les décisions qui vont être prises le seront sans leurs représentants.

 

Aviez-vous fait part de vos craintes avant que le Private Secondary Schools Authority (Amendment) Billne soit voté au Parlement ?

 

Dès que le projet de loi a été rendu public, nous avions fait part de nos griefs. Nous n’avons cessé de dire dans les médias que l’évincement des directeurs des collèges privés, entre autres, du boardn’était pas une bonne chose.Nous avions même fait un Memorandum. Tout cela pour dire que des décisions concernant le bon déroulement de nos écoles ne peuvent se faire sans les principaux stakeholders.  

 

Qu’est-ce qui risque de se passer selon vous ?

 

Les décisions vont êtres prises uniquement par le ministère de l’Éducation et la PSSA. Et ces décisions nous seront surtout imposées. Lorsqu’on sait que le directeur de l’instance n’est autre que l’époux de la ministre de l’Éducation, on se doute bien de ce qui peut se passer. Ils vont prendre des décisions, on ne sera pas d’accord, on va contester et dans certains cas, il faudra recommencer à zéro, recommencer les discussions. Ce sera une perte d’argent et de temps.

 

N’avez-vous pas partagé ces appréhensions avec la ministre de l’Éducation ?

 

Nous l’avons effectivement rencontrée il y a deux semaines. Le PSSA Act n’était pas à l’agenda mais nous en avons profité pour parler de nos réticences à la ministre. Selon elle, il n’y a pas lieu de s’inquiéter car nous serons partie prenante d’un comité consultatif. Elle se sert de cela pour nous dire qu’il ne faut pas craindre les amendements. Or, rien ne dit que les opinions partagées dans ce comité seront considérées. Le boardtel qu’il est avec les amendements ne sera pas tenu de prendre en considération ce que nous aurons exprimé dans le comité consultatif.

 

Quelles actions comptez-vous prendre ?

Nous sommes en train de consulter nos hommes de loi. On va se rencontrer avec les différents stakeholders, se consulter et prendre bientôt une décision concernant la stratégie que nous allons adopter. Toutefois, nous allons continuer à alerter l’opinion publique sur cette nouvelle façon de faire que nous ne pouvons pas cautionner.

 

Bio express

 

Marié et papa de trois enfants, Basheer Taleb, qui compte une quarantaine d’années dans le milieu de l’enseignement, est directeur du collège Islamic Form IV  à Vallée-des-Prêtres.

 

Ma semaine d’actu

 

Quelle actualité locale a retenu votre attention ces derniers temps ?

 

Comme tous les Mauriciens, je suis le feuilleton Trilochun. On ne peut que suivre ce qui se passe avec tout ce qu’on a entendu autour de cette affaire. Il y a des sommes d’argent mirobolantes, l’histoire d’agression ou encore le cambriolage, entre autres.  

 

Et sur le plan international ?

 

Je suis avec intérêt ce qui se passe en Turquie. La situation s’est détériorée et c’est très dommage car c’est un pays qui a beaucoup de potentiel. J’attends de voir comment l’Europe va réagir.

 


 

Ça fait débat

 

Un projet de loi, des voix discordantes. L’accueil a été mitigé pour le Private Secondary Schools Authority (Amendment) Bill,qui a été voté à l’Assemblée nationale dans la soirée du jeudi 1er septembre. Ce projet de loi et vise à reformer le board de laPrivate Secondary Schools Authority(PSSA).

 

Au cours des débats, il a été reproché à la ministre de l’Éducation de ne pas avoir consulté les directeurs des collèges privés. Le député Sudesh Rughoobur a ainsi souligné qu’il serait souhaitable que la ministre reconsidère sa position parce que ces directeurs sont directement impliqués dans le bon fonctionnement des écoles. «Cette décision est rétrograde (…) Les décisions ont été prises de manière unilatérale et cette loi leur est imposée»,  a clamé, pour sa part, Alan Ganoo.

 

Leela Devi Dookun-Luchoomun, de son côté, est restée ferme face aux critiques lors de sonsumming-up: «Il y a eu pas moins de 22 consultations avant que cette loi n’arrive au Parlement.»Selon elle, les représentants des collèges privés ne siègent plus sur le board dans un souci de bonne gouvernance : «La PSSA octroie des subventions aux écoles privées. Il n’est pas normal d’avoir les représentants  de celles-ci sur ce boardElle a aussi souligné que des comités consultatifs avec les directeurs seront tout à fait possibles avec la nouvelle loi.

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