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Bateaux échoués : entre interrogations et inquiétude

28 février 2022

À Bain-des-Dames, les grosses vagues rappellent le temps cyclonique des derniers jours. Et ce ne sont ni les trois navires échoués, ni la météo peu favorable pour une partie de pêche qui freinent trois amis qui préparent déjà les hameçons où des palourdes sont empalées. «Tou le zour nou lamem. Nous avons suivi la situation de ces bateaux dès le premier jour. D’ailleurs, j’ai vu des membres de l’équipage se jeter à l’eau bien avant que l’hélicoptère n’arrive. Pour le moment, je ne m’inquiète pas trop car il n’y a ni odeur ni traces d’huile. D’ici la semaine prochaine, si un autre cyclone ne s’approche pas de Maurice, j’espère que tout sera korek !» souhaite Jérémie Lemontagnard qui est charpentier. En ce qui concerne la pêche du jour, le jeune de 29 ans a eu deux Batardés, qu’il qualifie de «poissons de premier choix», tout comme le Capitaine ou La Perle !

 

 

Il est assis là, à l’ombre des arbres imposants, sur la plage de Bain-des-Dames, à papoter tout en guettant les chalutiers taïwanais Foo Man Yu Feng 1 et Foo Man Yu Feng 168. «J’ai travaillé comme docker sur un vraquier qui transportait du sucre quand j’avais 40 ans. J’ai aussi été pêcheur en haute mer. Sa ou bizin kontan pou fer sa ! Li pa fasil ditou. Kan ou trouv enn bato tas dan la rad, li trist. Je pense que le mauvais temps a été pour beaucoup dans ce naufrage. La plupart des navires de ce type sont plats au bas et difficiles à maîtriser quand ils dérivent. Je souhaite que notre lagon garde ses couleurs, surtout qu’il est populaire pour admirer le ballet des gros bateaux vers le port de la capitale. Si resi pomp mazout, tou pou korek. D’ailleurs, les garde-côtes ont déjà installé des barrages flottants pour éviter toute marée noire», souligne Laval Joumon, 69 ans.

 

 

14 heures, vendredi 25 février. L’accès à la plage de Pointe-aux-Sables se trouvant à côté des bureaux de la National Coast Guard est limité. Toutefois, le bruit d’un hélicoptère attire l’attention de quelques personnes qui outrepassent l’interdiction des bandeaux jaunes pour être au plus près. Parmi, nous avons rencontré des habitants de Roches-Brunes. «Se premie fwa ki nou trouv enn elikopter de pre ! C’est impressionnant et l’opération d’extraction de fioul semble être une manoeuvre difficile en ce temps venteux. Nous avons suivi ces naufrages à la radio et sur les réseaux sociaux depuis le premier jour. Li enn lot sensasion kan ou viv-li an direk. D’ailleurs, nous étions aussi à Mahébourg pour le MV Wakashio, un mauvais souvenir qui nous donne des frissons quand nous voyons ces trois gros bateaux dans nos lagons à nouveau. Nous espérons que les autorités ont tiré des leçons de la dernière marée noire et feront au mieux», espèrent Sara Kooshna et Kevina Henry.

 

Sur la plage publique de Pointe-aux-Sables, là où de nombreux pêcheurs se retrouvent pour kas enn poz, plusieurs véhicules ont déjà envahi les lieux. Des curieux et des habitants échangent sur le sujet du jour : les navires coincés. Anil Kalah est amateur de pêche et natif de la région. «Je me souviens encore quand j’ai appris la nouvelle du premier bateau échoué. Je suis venu ici très tôt pour voir sa position et j’étais soulagé de constater qu’il n’était pas sur le flanc. Ma joie a été de courte durée car j’ai appris que deux autres avaient été ensablés à Bain-des-Dames. L’un deux penche déjà et le risque est que la coque se brise ! Il faut vite vider les cales afin d’éviter un autre désastre écologique. Heureusement, plusieurs pêcheurs du coin aident les équipes de renflouage de Polygreen et la situation semble être maîtrisée. J’espère que nous allons vite retrouver notre lagon sans trop de dégâts, mem si dan bann zafer lamer-la, pena 100 % sa. Ena touzour enn risk !» confie le maçon de 38 ans.

 

Textes : Stephanie Domingue

 


 

Alain Malherbe, directeur général d’Island Maritime Services  : «Les autorités ont failli encore une fois dans leur tâche»

 

Depuis que trois bateaux taïwanais se sont retrouvés coincés sur les récifs de Pointe-aux-Sables et de Bain-des-Dames cette semaine, Alain Malherbe, directeur général d’Island Maritime Services, ne décolère pas. Il répond à nos questions...

 

 

Comment se fait-il que trois navires aient terminé leur course sur les récifs ?

 

C’est simplement parce que les autorités ont failli encore une fois dans leur tâche. Il n’y a pas de surveillance adéquate de la Mauritius Ports Authority (MPA) et voilà le résultat. Ces navires-là étaient sous la responsabilité de la MPA car ils étaient dans notre zone portuaire.

 

Était-ce évitable ?


Ces échouements étaient facilement évitables. Surtout que depuis trois jours, j’ai tiré la sonnette d’alarme auprès des autorités avec des images du satellite pour démontrer que ces bateaux étaient trop proches de nos côtes. Mais l’inaction a mené à cette catastrophe.

 

Après cet incident, quelle est votre opinion sur la sécurité maritime à Maurice ?

 

Elle ne vaut absolument rien. Nous avons tous cru qu’après l’épisode Wakashio, les autorités auraient fait un remaniement correct afin de prévenir ce genre de situation et seraient aussi devenues plus responsables. Mais ce nouveau drame démontre simplement que les autorités n’ont tiré aucune leçon du drame Wakashio.

 

Qu’est-ce qui doit être fait sur le long terme pour éviter ce type de situation ?

 

Ce n’est pas difficile. Le Ports Act régit déjà le trafic maritime à Port-Louis. Qu’il soit implémenté et mis en pratique correctement par les responsables.

 

Doit-on craindre un remake de l’épisode Wakashio ?

 

Là, maintenant, malgré la déclaration du ministre Sudheer Maudhoo disant qu’il n’y a aucun risque de fuite, je vous confirme qu’il y a eu une fuite d’huile, même si elle est minime. C’est pourquoi, je dirais aux autorités, surtout au Premier ministre, que la MPA est en total déficit. Il est temps de mettre les bonnes personnes aux bonnes places pour une meilleure gestion de la MPA et non mettre des nominés politiques qui n’y connaissent rien ou que le PMO s’incruste.

 

Valérie Dorasawmy

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