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Par Yvonne Stephen
16 juin 2014 14:01
Une impression de déjà-vu. Certainement. Semaine après semaine, Paul Bérenger ressert la même daube. Mais ce samedi 14 juin, à l’issue du Bureau politique et du Comité central des Mauves, le ton est monté d’un cran. Il n’est pas content le «kamarad Paul», son «Navin» (c’est en ces termes que Navin Ramgoolam et Paul Bérenger se nommaient mutuellement, il y a une semaine, lors de leur conférence de presse conjointe) l’a agacé. Oui, le mot est faible. Le chef de file des Mauves est «bien amerde» comme à son habitude. Paul Bérenger s’est dit triste et soulagé de la fin des tractations entre lui et le chef du gouvernement. Il a décidé de mettre un terme aux discussions d’alliance entre le PTr et le MMM : «C’est une rupture et elle est définitive.». La raison : les nombreux zigzags de Navin Ramgoolam.
Une décision prise par le Bureau politique «à l’unanimité» et approuvée par le Comité central. La saga politique qui se poursuit depuis de longues semaines, sur fond de réforme électorale et de deuxième République, connaît un nouvel épisode. Mais qui ressemble étrangement à celui de la semaine dernière. Rappelez-vous. Quelques heures après sa rencontre avec Navin Ramgoolam et le point de presse qui a suivi, Paul Bérenger annonçait que l’alliance était «off». Le leader des Mauves s’exprimait en ces termes : «Navin Ramgoolam a subi des pressions et il a remis en question des points qui avaient été décidés. Nous nous attendions à ce qu’il y ait des pressions. Mais that’s it, on s’arrête là (…) La page de l’alliance avec le PTr est bien tournée.»
Pourtant, depuis ce samedi rocambolesque, de l’eau avait coulé sous les ponts rouge-mauve. Les discussions avaient repris par personnes interposées. Du côté du MMM, on annonçait que les «problèmes» avaient été résolus (le partage des tickets, le mini-amendement, la liste des candidats rouges, le poste de numéro 2 du gouvernement, entre autres). Néanmoins, le dégel ne devait pas durer. Les piques de Navin Ramgoolam devaient avoir l’effet d’un blizzard. Le chef du gouvernement affirmait qu’il ne laisserait pas tomber ceux qui l’ont soutenu (le message était clair !), cette semaine. Et, comme un glaçon ne se forme pas tout seul, Paul Bérenger, lui, donnait des deadlines pour la rédaction de l’accord écrit. De quoi faire réagir Navin Ramgoolam qui devait faire la déclaration suivante : «J’ai horreur qu’on m’impose des délais.»
Ça ne sentait déjà pas bon pour cette alliance ! D’ailleurs, Paul Bérenger ne devait pas tarder à parler de son agacement. Surtout que Navin Ramgoolam n’avait pas répondu au coup de fil d’Alan Ganoo, l’émissaire mauve, et était trop occupé pour le rencontrer : «Navin Ramgoolam s’est comporté comme un enfant. Il a boudé. C’est enfantin», a déclaré Paul Bérenger, lors de son point de presse, ce samedi 14 juin. Agenda ultra-rempli ! C’est la raison donnée pour qu’aucune rencontre n’ait lieu, hier, samedi 14 juin. Ni entre le leader adjoint du MMM et le chef du gouvernement. Ni entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger. Justement, le leader des Mauves a tenu à donner sa version des faits sur les récents événements. «Je vais retracer l’historique des événements», a-t-il déclaré à la fin de son Comité central, hier, samedi 14 juin.
Il s’agissait plutôt de l’historique des «zigzags» de Navin Ramgoolam. D’abord, concernant le seuil d’éligibilité à la proportionnelle à l’issue des législatives : «Il a commencé par 8 %, puis est passé à 8,5 % avec un élu, avant d’arriver à 10 %.» Puis concernant le «grand nettoyage» préconisé par Paul Bérenger et le départ de ministres et de «dimounn en plis» : «Les Jeetha, Dan Calikhan et autres.» La présence de Kalyanee Jugoo à la circonscription nº4, Port-Louis Nord/Montagne-Longue – alors que, selon le leader des Mauves, il avait été décidé que cela ne soit pas le cas – a également enrayé la machine. Le cas de Kailash Purryag a aussi été la cause de dissensions. L’actuel président aurait dû être le leader du Labour Party et le numéro deux d’un gouvernement PTr-MMM, selon le souhait de Paul Bérenger. Néanmoins, les déclarations, datant du 5 juin, de Navin Ramgoolam ont fait douter le leader du MMM : «Sans m’en parler, il déclare à la presse qu’il va rester leader du PTr s’il accède au poste de président de la République. C’est en contradiction avec tout ce dont on avait discuté auparavant.»
De quoi provoquer une «crise de confiance». Paul Bérenger est également revenu sur «l’ultimatum» qu’il aurait lancé à Navin Ramgoolam : «Il n’en a jamais été question. Je n’ai jamais utilisé ce terme.» D’ailleurs, dit-il, il a fait preuve de bonne foi : «J’avais drafté un accord. Navin Ramgoolam m’a expliqué qu’il devait réunir l’exécutif de son parti avant de le signer et que ça se ferait mardi. J’ai accepté. Nous devions signer, mercredi. C’était une concession de taille.» Et cela, malgré le fait qu’il restait un point de désaccord, la nomination des ministres : «Cela se fait de cette façon : les ministres sont nommés par le président on advice of the Prime minister. Nous souhaitions que le président ait son mot à dire.»
Un document rédigé le jeudi 12 juin, alors même que lors de son Bureau politique Paul Bérenger dit avoir exprimé son souhait de mettre fin aux discussions d’alliance : «Mais plusieurs camarades avaient proposé d’attendre jusqu’à dimanche. Moi je voulais arrêter tout, sans amertume.» Lors de cette même rencontre d’une instance du MMM, le leader des Mauves a confié que le parti irait seul aux élections : «Je travaille sur de nouvelles propositions pour les postes de président, de vice-Premier ministre et de speaker. Nous allons mettre toutes les chances de notre côté afin de faire face à une campagne communale comme celle de 1983 qui se profile. Nous sommes tracassés pour le pays.» Il a également tenu à remercier Allan Ganoo et le fameux Shafick pour le travail accompli. L’Assemblée des délégués, qui se tient aujourd’hui, dimanche 15 juin, aura des allures de reconstruction, laisse-t-on entendre du côté du MMM.
Sur les réseaux sociaux et dans les forums de discussions, les commentaires étaient tantôt acerbes, tantôt blasés, hier soir. Malgré l’attrait du ballon rond, la politique faisait encore parler d’elle. Mais pas en termes élogieux. Ras-le-bol ? Il se peut, même qu’il n’y ait plus de bol. Certains internautes se demandaient s’il s’agissait encore d’un «off» qui appellerait un «on», alors que d’autres déploraient, avec force et humour, les récents événements. En tout cas, l’impression de déjà-vu était partagée.
Le directeur de communication du Labour Party ne veut pas se prononcer «sur la déclaration de Paul Bérenger». Abdullah Hossen préfère, dit-il, rappeler les propos que son leader a tenus, cette semaine : «Comme Navin Ramgoolam l’a dit, nous disposons d’une majorité très confortable et nous avons remporté deux élections. Il a aussi déclaré que le PTr restera fidèle à son électorat. Voilà le message du parti.»
Que propose l’ancien ministre des Finances ? Celui qui – après avoir été écarté par le chef du gouvernement dans le cadre d’une alliance avec le MSM, en 2010 – semble avoir trouvé la solution pour rendre le mini-amendement effectif. Eh oui ! Sa proposition semblait satisfaire le MMM et le PTr. Mais ça, c’était avant la sortie de Paul Bérenger ! Néanmoins, Rama Sithanen estime qu’il est nécessaire d’établir une moyenne du nombre d’élus des quatre communautés mentionnées dans la Constitution (en prenant en compte les chiffres des élections de 1976 à 2010). Les sièges qui sont alloués au Best Losers seront, alors, partagés selon cette moyenne. Les candidats qui n’auront pas déclaré leur appartenance communale lors du Nomination Day – grâce au mini-amendement qui consistera à remplacer le mot «shall» par «may» dans l’article 3(1) de la première annexe de la Constitution – ne pourront pas bénéficier d’un de ces sièges. Néanmoins, il s’agit d’une mesure nécessaire pour que, lors du nomination day, les candidats ne soient pas dans l’obligation de décliner leur appartenance ethnique.
Une nécessité pour Navin Ramgoolam car le gouvernement mauricien s’est engagé auprès des Nations unies concernant cette réforme électorale. Cet organisme international avait estimé qu’il s’agissait d’une violation des droits fondamentaux de tout candidat en vertu de l’article 25 de l’International Covenant on Civil and Political Rights. Il reste à la Commission électorale et au Parquet de se prononcer sur ce mini-amendement transitoire qui ne sera utilisé, logiquement, que pour les prochaines législatives si le projet de loi sur la réforme électorale est voté. Toutes ces étapes franchies, ce sera, alors, le moment de rappeler le Parlement. Affaire à suivre.
Quelques jours de suspense. Et une conférence de presse qui fait des vagues. Maurice Allet a fait une sortie remarquée. L’ancien président du PMSD a décidé de quitter son parti et de conserver son poste à la présidence de la Mauritius Ports Authority, tout en affichant sa fidélité envers Navin Ramgoolam. Après le départ des Bleus de l’alliance gouvernementale, Maurice Allet avait demandé quelques jours de réflexion, alors que la vague de démission des «Joe» était lancée, avant de prendre une décision.
Il a résumé sa démission en ces mots : «Je suis un fidèle des fidèles de Gaëtan Duval. Un vrai bleu, un pur-sang, et je n’ai pas le droit de suivre le corbillard de Xavier Luc Duval (…) Je ne peux pas suivre le PMSD dans cette voie suicidaire !» Charmant. Il n’est pas le seul à faire montre de «reconnaissance» envers le chef du gouvernement. Norbert Froget, vice-président de la Gambling Regulatory Authority, Nanda Kistnen, commissaire au Protection of Borrowers’ Office, Ishwar Charitar, Senior Adviser au ministère des Finances, et Jean Harel Lamvohee, ambassadeur, entre autres, restent en poste.
Mirella Chauvin, ambassadrice, ne démissionne pas non plus, mais affiche son soutien au PMSD. Et c’est justement du soutien que recherche le PMSD. Le parti lance, en ce moment, un appel à candidatures : «Joignons nos efforts. Car c’est unis que nous pourrons avancer plus vite et aller plus loin. Le meilleur est encore à venir !» peut-on lire sur les différents groupes Facebook du PMSD. Un «post» repris et partagé par les fils de Xavier-Luc Duval. Le temps est à la reconstruction et à la trouvaille d’un nouvel allié !
Il fait appel à des images pour se faire comprendre. Le leader du MSM parle de chat, de rat et de repas. C’était lors du point de presse du parti, ce samedi 14 juin, au Sun Trust. Pour Pravind Jugnauth, il n’est pas compliqué de résumer les tractations d’alliance entre le PTr et le MMM : «Le chat et le rat ne peuvent pas se marier. Tôt ou tard, le chat finira par manger le rat.» Rien de très appétissant. Et il en rajoute une couche : «Ce n’est qu’une mascarade. Et c’est le peuple qui souffre de ça.»
Pour le leader du parti soleil, si alliance il y a, elle ne durera pas. D’ailleurs, il estime que Navin Ramgoolam et Paul Bérenger pensent uniquement à leurs intérêts : «En plus, ils ne savent même pas ce dont ils ont envie.» Pravind Jugnauth a, également, fait part une nouvelle fois de son agacement face à la prorogation du Parlement qu’il qualifie d’«atteinte à la démocratie». Plus tôt, cette semaine, sir Anerood Jugnauth commentait l’alliance PTr-MMM. Pour lui, elle sera concrétisée. Il a, également, déclaré que les agissements des leaders du Labour Party et du MMM s’apparentent à du cinéma.
Tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il fait est «en accord» avec sa conscience, dit-il. Ivan Collendavelloo, l’ex-leader adjoint du MMM, a fait un pas de plus loin de son ancien parti. L’avocat a lancé, ce samedi 14 juin, son parti lors d’un point de presse. Le Muvman Liberater a donc vu le jour dans un contexte politique trouble. Ce nouveau parti - qui a comme présidente Sheila Bunwaree, universitaire, et comme membres, Anil Gayan et Ravi Rutnah - présentera des candidats pour les prochaines législatives, a annoncé l’ancien mauve.
C’est pour montrer sa désapprobation face à une alliance PTr-MMM que l’homme a quitté le parti du cœur. Il est revenu sur les raisons de son départ et a déclaré que l’alliance est concrétisée depuis janvier 2014 et que tout le ramdam actuel sert à «manipuler l’opinion publique pour qu’elle accepte l’inacceptable». Ivan Collendavelloo s’est dit prêt à discuter avec Xavier Luc Duval. Il se chuchote qu’une coalition entre le PMSD, le MSM et le Muvman Liberater ne serait pas à écarter.
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