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Par Yvonne Stephen
16 août 2015 00:55
Climat de terreur. Oh chère électricité, ne nous abandonne pas ! Jamais vous n’avez contemplé avec autant de ferveur cette lampe qui éclaire votre salon ni admiré les miracles du micro-ondes. Vous imaginez les pires scénarios : que peut-on faire sans électricité ? Utiliser avec parcimonie la batterie du laptop, du portable et de la tablette en attendant que le courant revienne ? D’accord. Mais sans jus, pas de wi-fi. Vous avez donc contemplé sans grande conviction le fait de ressortir les vieux jeux de société pour des parties à la lueur des chandelles. Vous avez aussi compris que les coupures arriveraient selon un timetable, comme cela se fait actuellement dans certaines régions d’Afrique du Sud. Pas de télé, de ventilateur, de micro-ondes et le frigo en rade pour éviter la surchauffe.
Pour éviter le black-out. Vous avez tout bien compris, mais vous vous êtes apparemment trompé ! Le ministre de l’Énergie et des services publics, Ivan Collendavelloo, a tenu à faire taire une méchante rumeur qui, selon lui, découlerait de sa conférence de presse du samedi 8 août. Il ne se voulait pas alarmant, a-t-il déclaré. Bien au contraire. Maurice ne serait pas sous la menace d’un black-out, mais serait «borderline» car aucune mesure n’a été prise sous l’ancien régime pour augmenter les capacités de production d’électricité et pour rendre plus efficaces et efficientes les centrales existantes. «Il n’y aura pas de coupure volontaire», a-t-il martelé. Pas de programme strict et contraignant donc : «Nous sommes confiants que nous pourrons fournir de l’électricité de manière ininterrompue en 2016.» Votre abat-jour peut s’allumer en toute quiétude.
Néanmoins, le ministre n’a pas exclu les coupures involontaires qui feront suite à des pannes de moteur. Mais il est également possible que cela n’arrive pas non plus. Pour faire face aux défis énergétiques des prochaines années, le ministre a annoncé une série de mesures plus vertes et a décidé d’utiliser le rapport de la National Energy Commission, publié en 2013, comme sa «bible». En attendant qu’il ne dévoile le contenu du rapport de la Banque mondiale sur l’électricité concernant Maurice, qui est en ce moment examiné par des experts, selon lui. Pour en savoir plus, il faudra patienter encore quelques jours.
Avec les projets qui devront être mis en place, les aménagements au niveau du «maintenance» des turbines, entre autres, le renouvellement des contrats des Independent Power Producers (IPP) et l’utilisation du gaz liquéfié (dans un avenir qui n’est pas précisé), entre autres, tout devrait s’illuminer sans problème. Pour aller vers les énergies renouvelables, un appel international a été lancé. Bilan de cette opération : 260 projets ont été présentés. Pour l’instant, néanmoins, il est bien trop tôt pour savoir lesquels seront retenus. «Il y a des projets très intéressants qui sont éco-conscients et pleinement réalisables. Nous allons dans la bonne direction», confie un proche du dossier.
Mais alors, d’où vient ce spectre du black-out qui revient hanter, de façon ponctuelle, les Mauriciens ? S’agit-il d’une sorte de marronnier de la terreur ? Georges Brelu-Brelu, membre de la Plateforme citoyenne, qui lutte depuis des années contre l’utilisation du charbon et pour la promotion des énergies renouvelables, estime qu’il s’agit de «enn koze politik» : «Depuis 2005, nous avons débuté un combat contre le charbon. Il était déjà question de black-out. La situation était urgente, disait-on à l’époque. La centrale de CT Power était nécessaire pour éviter le pire. Durant ces dix années, il n’y a eu aucun problème pourtant.»
La situation n’est pas aussi alarmante que certains tentent de le faire croire, explique-t-il. «Il faut bien trouver un prétexte pour faire passer des projets qui ne sont pas durables. Et quoi de mieux qu’une menace de black-out ?» se demande-t-il. Comme lui, d’autres acteurs du secteur énergétique ont pris position cette semaine. Notamment Khalil Elahee qui estime que le spectre du black-out n’a pas sa raison d’être. Ce n’est pas pour autant qu’une politique énergétique et l’aménagement qui va avec ne soient pas nécessaires pour les prochaines années.
Pour Georges Brelu-Brelu, l’introduction du gaz liquéfié (LPG) est «un must» et il dit faire confiance au ministre Collendavelloo avec qui il est en contact : «Avant les élections, nous étions en train de nous bagarrer pour que le gouvernement prenne conscience de l’importance des énergies renouvelables. Je pense qu’il a compris et qu’il s’est prononcé en faveur de notre positionnement.» Khalil Elahee, lui, s’inquiète que la dépendance du pays au LPG remplace celle qu’il entretenait – et entretient toujours – avec le charbon. Cette alternative moins polluante ne devrait pas détourner l’attention des décideurs des énergies renouvelables disponibles à Maurice. «C’est une solution plus respectueuse de l’environnement que l’utilisation du charbon. Néanmoins, le LPG est beaucoup plus cher. Il ne faudrait pas l’oublier. C’est pour cela que Maurice doit se tourner vers le soleil, le vent et les vagues», explique un militant écologiste qui ne peut faire des déclarations publiques car il œuvre au sein du gouvernement.
En se basant sur l’Energy and Water Statistics de 2014, il est catégorique : il n’y aura pas de black-out. «Notre demande en électricité, en peak time, n’approche pas notre capacité de production d’électricité. Nous avons une marge plus que confortable», précise-t-il. Pour maintenir cette tendance, la construction de nouvelles centrales n’est pas forcément nécessaire : «Quand va-t-on faire l’éducation des gens ? Pour une politique énergétique efficace, ce serait le premier pas dans la bonne direction.» Un point évoqué par Ivan Collendavelloo qui souhaite mettre en place une vaste campagne d’energy efficiency qui touchera la fonction publique, les entreprises privées, mais aussi les écoliers et collégiens, ainsi que la population.
D’autres initiatives devraient être prises, selon notre interlocuteur. Produire de l’électricité, c’est bien. Apprendre à en économiser, c’est mieux, estime-t-il : «La distribution des ampoules économiques avaient un coût. Mais cette initiative a permis d’économiser 15 MW. C’est la capacité de production de Sarako qui produit de l’électricité grâce au soleil.» Les panneaux photovoltaïques sur les toits des maisons permettraient de réduire la demande en électricité : «L’investissement est important. Pourquoi ne pas aider ceux qui veulent se lancer dans la production d’énergie pour leurs besoins personnels ?» Pour lui, il n’est pas intéressant de penser en termes d’initiatives isolées, mais en termes de mesures qui, ensemble, pourraient faire la différence.
Le défi aujourd’hui serait donc de consommer mieux. Plus intelligemment, plus écologiquement. De se tourner vers les énergies renouvelables tout en invitant la population à être partie prenante de ce changement de politique énergétique. Et non pas de pallier un hypothétique black-out.
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