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20 décembre 2023 19:17
Autour d’une distinction : «Dans un premier temps, on n’est pas trop conscient de la situation. Parce que ça paraît quand même irréel. Mais après, effectivement, moi, je suis quand même honorée, surtout pour ma famille et mon pays. Je suis une enfant de La Butte et j’étais la présidente du Groupe Zenfans La Butte, une association qui accompagnait des enfants de régions dites défavorisées dans leur scolarisation. On dit toujours que quand on fait des choses bien dans la vie, un jour ça va être récompensé. La récompense que je viens de recevoir en France, mon pays d’adoption, c’est un peu une récompense de ce que j’ai pu faire dans ma vie, comme ce que j’ai fait à Maurice depuis mon tout jeune âge pour les personnes les plus défavorisés, ceux qui sont dans le besoin, et pas uniquement pour ce que j’ai fait en France où je vis depuis 23 ans. C’est la récompense de tout cela, bien que ce prix m’ait été remis dans un but bien précis. Je me rends compte que pour moi, cette récompense, c’est par rapport à tout ce que j’ai pu faire avant...»
Le social et moi : «Pour moi, c’est une façon de réussir ma vie. Quand on réussit individuellement, ça n’a pas de sens, mais réussir sa vie avec toute une masse de monde, de personnes qu’on amène avec nous pour nous faire monter vers le haut, c’est beaucoup plus enrichissant humainement. Donc, être à l’écoute des autres, toujours aider, toujours être dans le social, ça me permet de m’épanouir. Je suis beaucoup plus épanouie de voir les autres heureux que d’être heureuse seule.»
La Légion d’honneur et mon histoire : «On est en 2020 quand La France annonce la pandémie. Avec mes enfants, on décide de se rendre à l’île Maurice pour passer la pandémie avec ma famille. Alors qu'on est dans l’île, l’État mauricien décide de mettre un couvre-feu. Comme j’ai la nationalité française, l’État français décide, pour sa part, de nous rapatrier. Nous rentrons alors en France où mon époux était resté. Une fois rentrée, comme j’ai un atelier – qui fait des prototypes pour des maisons haute-couture – et qu'il y a une pénurie de masques, je me suis dis : pourquoi ne pas prendre contact avec la direction des armées ? À l’époque, cette instance donnait des homologations pour des masques qui sont fabriqués avec des matières respirables. C’est en prenant contact avec eux et en validant des matières que j’avais dans mon atelier que j’ai eu cette homologation qui m’a permis de commencer à fabriquer des masques. Au début, j’en fabriquais pour des associations comme l’Abbé Pierre et le Secours populaire qui continuaient d'opérer auprès des démunis durant la pandémie. Ils avaient besoin de masques. Puis, j'en ai fait pour l’Église et les pharmacies du coin sont aussi venues se fournir chez moi. Petit à petit, j’ai dû agrandir l’équipe et embaucher des gens. Je suis passée de quatre à douze personnes pour fabriquer un nombre plus important de masques et permettre également à des entreprises de ma région de recommencer à travailler dans de bonnes conditions. À un moment, c’était interdit de travailler sans masque. À l’époque, il y avait une pénurie de masques en France et des entreprises comme la mienne, il y en a eu pas mal qui ont contribué à la reprise économique, tout simplement...»
Ma contribution à la lutte contre la Covid : «Je me dis que j’ai contribué à la bataille contre la Covid-19. Quand la préfecture m’a proposé la médaille, j’ai automatiquement dit non. Je n’ai pas fait de guerre, je n’ai pas sauvé de vie, ça n’avait pas de sens et je ne voyais pas pourquoi j’allais recevoir les insignes de chevalier de l’Ordre nationale de la Légion d’honneur car je n’avais fait que mon travail. Ils m’ont expliqué que ce travail a contribué à sauver des vies parce que le masque était une arme agissant comme une barrière sanitaire à la propagation du virus, pour que les gens se protègent. Quelque part, j’ai contribué à ce que le virus ne se propage pas. Au-delà de la fabrication des masques et du fait que j’ai participé à l’économie du pays, c’est surtout l’aspect humain qui m’a tenu à cœur : permettre aux gens de circuler, de reprendre une vie sociale, de reprendre la vie tout court. Je pense que c’est cela qui a été récompensé aujourd’hui. Du coup, alors que beaucoup d’entreprises étaient à l’arrêt, à mon niveau, mon atelier n’a pas cessé de tourner. J’ai même dû faire deux shifts : un le matin, de 7 à 15 heures, et un autre le soir, de 15 heures à 23 heures. Pendant deux mois, ça été non stop et c’est sans regret.»
Une récompense et beaucoup d’amour : «Je dédie cette distinction à mon pays. Je suis très fière d’être mauricienne. Je la dédie aussi à ma famille, à mon époux Vincent, mes enfants, Océane, 16 ans, et Louis, 10 ans, et à la vie sociale. Je pense à toutes ces personnes qui doivent s’accrocher. Je suis une enfant qui vient d’un milieu défavorisé, mais ça ne m’a pas empêchée d’aller plus haut.»
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