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Blessé lors de l’attentat de Nice | Le Mauricien Pascal Ludovic : «J’ai cru mourir»

18 juillet 2016

Il raconte comment il a été blessé alors qu’il se trouvait sur la Promenade des Anglais au moment de l’attentat.

La voix est timide, le moral à zéro. C’est difficile pour lui de remonter la pente après ce qu’il a vécu le jeudi 14 juillet. Pascal Ludovic, 24 ans, Mauricien installé à Nice depuis cinq ans et qui travaille dans la restauration, fait partie de la foule qui s’était déplacée sur la Promenade des Anglais pour voir le feu d’artifice.

 

Peu après 22h30, l’ambiance festive s’est transformée en un cauchemar quand un camion fou a foncé sur les piétons balayant tout sur son passage. Le bilan est terrible :84 morts, dont 10 enfants et adolescents. Il pourrait encore augmenter puisque «202 personnes ont été blessées, 52 se trouvent en état d’urgence absolue, dont 25 sont toujours en réanimation». Bousculé durant la scène de panique, notre compatriote s’est retrouvé à terre et s’en sort avec des blessures aux bras.   

 

«Chaque 14 juillet, la Promenade des Anglais, un lieu que je fréquente souvent car on y trouve de tout pour passer un bon moment, est le rendez-vous phare de cette journée particulière. J’y étais avec des amis. On s’était bien amusés, jusqu’au moment où tout a basculé»,raconte le jeune homme qui a le bras gauche plâtré et celui de droite bandé. Il a été pris dans la bousculade qui a suivi l’acte du terroriste Mohamed Lahouaiej Bouhlel,31 ans, qui était au volant du véhicule tueur. Un attentat revendiqué par Daech qui le présente comme un «soldat».

 

Au moment du drame, Pascal Ludovic ne comprend pas exactement ce qui se passe : «Je me baladais avec des amis quand on a entendu des personnes crier. On a vu le camion et personne ne comprenait ce qui se passait. J’ai compris que quelque chose n’allait pas quand j’ai vu des gens paniqués courir partout. J’ai pensé qu’il s’agissait d’un accident», raconte Pascal Ludovic avec de l’émotion dans la voix. Dans la panique, il se retrouve à terre : «J’ai été bousculé et je suis tombé. C’est là que ceux qui essayaient de fuir le camion fou,m’ont piétiné. J’ai eu le seul réflexe de cacher mon visage.»

 

Quelques secondes plus tard, se souvient-il, des coups de feu ont retenti : «À ce moment-là, j’ai pensé au pire. J’ai cru que j’allais mourir.»Le premier choc passé, notre compatriote trouve la force de se relever. Autour de lui : c’est le chaos. La scène est indescriptible : des gens à terre, du sang, des cris, une vraie scène de guerre. «Avec quelques personnes, on s’est précipités vers un restaurant proche pour trouver refuge. C’est à ce moment qu’on a compris ce qui se passait et qu’on était les victimes d’un terroriste.»

 

Dans sa tête, c’est le désordre : «J’avais perdu mes amis et j’ai alors pensé au pire : qu’ils étaient morts.»Les minutes, voire les heures qui ont suivi, raconte Ludovic Pascal, ont été horribles, longues et pénibles. «Les secours sont vite arrivés. Les blessés ont été transportés dans les hôpitaux», se remémore cet ex-habitant de Curepipe : «J’étais déjà en France pour l’attentat de Charlie Hebdo et celui du 13 novembre 2015. J’ai vu les souffrances que ces drames généraient. J’ai entendu et lu sur l’attentat d’Orlondo, mais je n’ai jamais pensé me retrouver au cœur d’une telle tragédie. J’ai vraiment cru que je n’allais pas m’en sortir. J’ai pensé à ma famille et à mes parents que je n’avais pas vus durant ces cinq dernières années. Une telle chose est inimaginable.» Le jeune homme reprend un peu ses esprits et donne de ses nouvelles à ses proches à Maurice. En même temps, il apprend que les amis qui étaient avec lui s’en sont sortis indemne.

 

Pascal Ludovic a l’impression d’être passé dans une tempête : «Franchement, je me sens un peu perdu. Est-ce qu’on doit s’attendre à vivre fréquemment de telles choses ? Est-ce qu’on doit avoir peur et se méfier à chaque fois qu’on sort ? Beaucoup de questions me traversent l’esprit.» Il sait que les choses prendront du temps avant de revenir à la normale : «Je pense à toutes ces personnes, aux familles des victimes, aux personnes décédées. Je me souviens de la peur des gens, de la détresse sur les visages, les pleurs mais je me souviens surtout de deux jeunes que j’avais croisés plus tôt sur la promenade et qui sont décédés. Je sais qu’il va me falloir un peu de temps pour digérer tout ça. Je sais qu’il me faudra aussi subir une intervention au bras. C’est ce que les médecins m’ont dit.»

 

Le Mauricien ne sait pas s’il va participer au mouvement de recueillement : «Je n’arrive pas à sortir. C’est peut-être psychologique, mais je vais laisser faire le temps.» D’autres Mauriciens en France partagent les mêmes sentiments. À l’instar de Christel Noblet-Traversini, installée à Nice depuis 14 ans. «Nous étions sur la promenade avec mes deux enfants et mon mari. Nous habitons à côté. Il y avait beaucoup de monde, les gens étaient en famille avec des enfants partout qui jouaient, émerveillés par le feu d’artifice. Il y avait beaucoup de vent par contre, et avec mon mari, nous avons décidé de rentrer avant la fin pour que les enfants ne prennent pas froid. À peine arrivée à la maison, une amie m’a envoyé un texto pour me dire qu’elle espérait que j’étais à la maison avec ma famille car un attentat venait de se produire. Et là, mon téléphone n’a pas arrêté de sonner. Nous avons pris conscience de ce qui se passait. Nous y étions 10 minutes plus tôt. Pour tout vous dire, je suis choquée, traumatisée et très en colère»,raconte notre compatriote.

 

Bien évidemment, les pensées de Christel Noblet-Traversini vont à toutes ces personnes qui ont perdu la vie : «Je suis dévastée par toutes ces pertes. Il y a surtout beaucoup d’enfants parmi les victimes.»

 

Ludovic Pezé, un autre Mauricien, est aussi sous le choc de ce drame. «Ma copine travaille dans une clinique vétérinaire qui se trouve sur la Promenade des Anglais. J’avais plusieurs amis sur place, dont un de mes cousins. Il m’a juste dit qu’il a tout vu et qu’il a échappé aux balles»,témoigne-t-il en partageant, tout comme les autres Mauriciens en France, la douleur de tous ceux et celles qui ont été frappés par ce terrible attentat qui a brisé bien des vies.

 

Un homme trouble

 

L’enquête, qui a débuté après l’attaque sur la Promenade des Anglais, a permis d’identifier le chauffeur qui a foncé sur les 30 000 personnes réunies pour le feu d’artifice du 14 juillet. La préméditation est confirmée. Le terroriste, abattu par les forces de l’ordre, était chauffeur-livreur et résidait à Nice. Il était connu des services de police pour menaces, violences, vols et dégradations commis entre 2010 et 2016. Il a été condamné qu’une seule fois à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Nice le 24 mars après une altercation lors d’un accident de la route. L’homme avait, en janvier, frappé un automobiliste avec un morceau de palette en bois. Il avait été placé sous contrôle judiciaire avant son procès. Un contrôle judiciaire parfaitement respecté. Père de trois enfants, Mohamed Lahouaiej Bouhlel était séparé de sa femme. Une perquisition a eu lieu à son domicile dans un quartier populaire à l’est de la ville, et son ex-femme, ainsi que quatre autres hommes de son entourage, ont été placés en garde à vue.

 

Actes choquants

 

Un attentat de plus. Ces attaques – que ce soit à Bagdad ou à Nice – suscitent de vives émotions à travers le monde. À Maurice, les anonymes comme les personnalités condamnent cette nouvelle tragédie. En France, trois jours de deuil ont été déclarés en hommage aux victimes, mais aussi pour rappeler à tous que le terrorisme concerne tout le monde et peut toucher ou frapper à n’importe quel moment.

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