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Blue-Bay : Paradis bleu recherche attentions

13 août 2016

Elles installent des natcolorées. Le rouge, le fuchsia et le turquoise de ces «tapis» colorent, en surface, le sable blanc. Comme des flaques de joie. Ces femmes d’un certain âge en ont fait de la route pour échapper à la grisaille de Vacoas, en ce matin d’hiver. Ici, malgré une petite brise persistante, le soleil réchauffe les bras nus et caresse les cous. Les nanis, amies d’un club de yoga, se cherchent la place idéale en cette fin de matinée sur la plage de Blue-Bay. C’est loin de la maison. Ça dépayse. Et ça donne l’impression de vivre autre chose que les journées habituelles qui  s’enchaînent. Alors, elles s’inquiètent un peu de savoir qu’une parcelle de cette plage fréquentée du Sud-est a été allouée à l’hôtel Le Peninsula (Blue Lagoon)depuis le 18 juillet, par le ministère du Logement et des Terres, Showkutally Soodhun.

 

Essoda Goind et Naiguee Mootoveeren font partie de ce groupe de nanisvenues dans un bus special route. Et elles sont d’avis qu’«une plage doit rester une plage» : «Tous ces bâtiments. Ce n’est pas une bonne chose. Plus ça va, moins il nous reste d’espace. Pa bon, pa bon ditouElles se rappellent – sans se souvenir de l’année exacte – de leur première virée ici, il y a bien des années, kan ti ankor zenn. Oui, il y avait plus de plage. Plus d’arbres aussi. De l’espace pour pique-niquer, pour que les enfants jouent et courent… D’ailleurs, à quelques pas de là, Faizal Buhora a organisé une classe un peu spéciale.

 

Ce Curepipien, originaire de Mahébourg, enseignant à Phoenix, a organisé une sortie particulière lipie dan disabpour ses élèves de leçon de Bel-Air/Rivière-Sèche (accompagnés de certains de leurs parents). Une joyeuse bande pour un jeudi – le 4 août – où le soleil a décidé de faire le minimum syndical. Faizal aussi connaît cette plage depuis toujours. Ses jeux d’enfant entre les arbres, les koustikdans l’eau limpide, les zoue mayesur le sable ont rythmé son enfance. Comme celle de beaucoup d’autres avant et après lui. Alors, il s’inquiète pour «la plage la plus populaire de Maurice», là où le sable est «super fin» : «Ce coin a beaucoup changé. Il y a eu des améliorations. Mais aussi de la dégradation. L’érosion et la pollution laissent des traces.»Il estime qu’il faudrait un meilleur service de gardiennage, des infrastructures revues et améliorées, et une solution pour les chiens errants.

 

Et ils sont nombreux sur cette plage. Pas farouches pour un sou, mignons comme tout, ils cherchent enn ti bout manzeauprès des familles venues casser la croûte en ce jour de semaine de vacances. Harold Bavajee en a d’ailleurs ramené un à la maison et depuis, ce dernier le suit partout : «Il y a des Sud-Africains qui ont la gentillesse de les faire stériliser. Mais c’est quand même un problème.»

 

Transformation

 

C’est l’un des anciens de Blue-Bay, Harold. Il est pêcheur et son épouse, Maryse, loue des excursions en mer aux touristes. Sur ce petit bout de plage, ils ont vécu l’essentiel de leur vie. De chagrins en joies, de bonheurs en coups durs, des moments de vie qui reviennent inlassablement comme les vagues au rivage. Le pêcheur se rappelle quand, à la place de l’hôtel, il n’y avait qu’un pensionnat, l’Over John, et ensuite un restaurant, la Cucaracha. Là où se trouve l’établissement passait  une route : «Ensuite, ça a été transformé en hôtel et les propriétaires ont pris une partie de la plage.»Il quitte son point d’observation pour mieux nous expliquer où se situe le problème. Le mur a grignoté l’espace public de quelques pas, mais sur la longueur, dit-il, ça fait une différence. Il s’agit d’un litige entre le gouvernement et les promoteurs qui dure depuis un moment déjà, mais le ministre des Terres a tranché en faveur de l’hôtel qui aurait fait une erreur d’évaluation à l’époque.

 

Harold n’approuve pas cette décision :«Il ne va plus rien nous rester si on donne notre plage comme ça. C’est vrai que l’hôtel est déjà sur la parcelle. Mais ç’aurait été bien de retrouver ce bout-là. On devra se contenter des miettes.»Les week-ends, dit-il, Blue-Bay est noire de monde. Et il n’y a plus beaucoup de place. Surtout qu’avec l’érosion, il a vu la plage publique se rétrécir de décennie en décennie. Alors, au lieu de «partager» ce bout de sable, il estime que les autorités devraient venir au chevet de son Blue-Bay Paradise. Il regarde son «chez lui» avec vue sur mer et il en dénombre les problèmes. Les sentiers bétonnés n’ont plus de support (le sable s’en étant allé, ils tiennent dans le vide) : «Les gens s’asseyent dessus et si le tout s’affaisse ? Ça fera des blessés.»

 

Et ses observations continuent : les racines des arbres sont à découvert (encore une question de sable), le petit nombre de bancs, le manque de lumière et l’incapacité des drains à diriger l’eau de la pluie ailleurs que sur la plage : «Il y a une pente. Alors, quand l’eau s’accumule, elle descend et fait partir le sable.»Louis Julianno Goder est bien d’accord. Blue-Bay a besoin de se refaire une petite santé.  D’ailleurs, dit-il, ça fait plusieurs mois que les toilettes publiques sont hors d’usage. Les travaux s’éternisent et, depuis peu, une solution temporaire a été trouvée :«Nous ne pouvons même pas envoyer nos clients là-bas.»

 

Le jeune homme bosse pour une petite entreprise qui propose des toursen mer. Il n’habite pas ce petit village côtier, il vient de Bambous-Virieux. Mais il passe de nombreuses heures sur la plage et peste contre le fait qu’une plage plus petite équivaut à moins de travail : «Le sable s’en va. Mais les autorités ne font rien. En week-end, les gens n’ont pas de place et ils n’osent pas aller devant l’hôtel où la plage est accessible. Moins il y a de plage, moins il y a de travail.»

 

La peur pour le Mauricien de se faire remonter les bretelles de maillot par un membre de la sécurité est présente. Même si elle est irrationnelle : «Zame inn gagn problem.»Alors, il invite les visiteurs de Blue-Bay à découvrir ce petit coin sympa en face de l’hôtel. Il y a des arbres, un kiosque, un sentier de béton et une magnifique vue. Et un bel espace où il est possible d’installer ses natcolorés…

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