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29 juin 2016 04:04
Men Against Violence lance actuellement un appel pour recruter un Project Coordinator. Comment se porte l’organisme ?
Men Against Violence (MAV) a été créée en 2011. Voilà cinq ans que l’aventure a commencé. Et cette année, on a décidé qu’il y aura une direction collective se composant de trois personnes : Bimela Venkatasawmy, Vincent d’Arifat et moi-même. C’est une nouvelle structure mise en place parce qu’on a réalisé que le poste à la direction de MAV demandait pas mal de temps. Il ne faut pas oublier que nous sommes tous des volontaires. Cela fait pas mal de temps qu’on réfléchissait sur un changement de structure. MAV fait partie de Women in Networking (WIN) et nous avons des activités tout au long de l’année. Nous nous sommes rendu compte qu’il faudrait offrir du soutien au Championet on a alors décidé de faire cette Collective Negotiate Team.C’est une décision prise il y a deux semaines.
Quel bilan faites-vous de vos cinq ans d’existence ?
Au fil de ces années, il y a eu pas mal de réalisations. On a pu monter et réviser un programme qui s’adresse aux jeunes pour les conscientiser sur l’attitude à avoir par rapport à la violence et à la notion de gender equality. Nous avons un programme de trois sessions d’une heure avec des jeunes et explorons avec eux la notion de violence. On veut faire comprendre que la violence n’est pas que physique. Il existe beaucoup de types de violence. Il y a des termes qui sont encore inconnus, comme la violence économique.
Qu’est-ce que la violence économique ?
C’est une forme de violence qui survient quand une femme qui travaille, se voit contrainte, à la fin de chaque mois, de remettre son salaire à son mari. C’est l’homme qui contrôle tout. Au fil de nos différentes rencontres, on s’est rendu compte qu’il y a beaucoup de témoignages en ce sens. On a même eu le témoignage d’une femme qui, pour aller rendre visite à sa famille, doit quémander de l’argent à son mari. C’est une situation extraordinaire. La femme travaille, elle a un salaire et elle ne peut même pas disposer de son propre argent. C’est reconnu aujourd’hui comme une forme de violence. La violence,
pour nous, est aussi beaucoup associée au pouvoir. Dans le même ordre d’idée, il y a aussi la violence psychologique, sexuelle, émotionnelle et physique. La violence peut aussi être dans des paroles. Il y a des expressions comme «fer to fifi» qui doivent être condamnées. Et c’est la dimension que nous voulons amener : qu’il y a plusieurs formes de violence et qu’il
faut les combattre.
Quel est l’objectif de MAV ?
Ce que nous avions en tête à l’époque, c’est que les hommes se mettent debout pour dire non à la violence. Nous avons réalisé que les femmes qui sont des victimes comprennent, elles, ce qu’est la violence, qu’elle soit verbale ou qu’il s’agisse de harcèlement. Même le cat calling, c’est-à-dire quand quelqu’un siffle une femme dans la rue, est une forme de violence. Pendant beaucoup de temps, les femmes se sont alignées pour dire non à la violence. Avec la création de MAV, on a voulu que ce soit les hommes qui prennent le standde dire non à la violence, parce que les statistiques montrent qu’un homme sur quatre a été violent. Beaucoup ne le sont pas.
Et qu’en est-il des hommes ? Ne sont-ils pas aussi des victimes ?
Les hommes aussi sont victimes de violence. Ce cas de figure existe. Mais les statistiques démontrent que sur 100 cas, 95 sont des femmes victimes et 5 des hommes. Je ne dis pas qu’il ne faut pas en parler, mais on ne peut définitivement pas comparer les deux. Il y a aussi les hommes qui sont victimes, mais à Maurice, il y a beaucoup plus de femmes dans l’enfer de la violence. En termes de gravité, les hommes sont moins en danger de mort que les femmes. Nous avons donc choisi de mettre l’accent sur la violence contre les femmes. On ne nie pas qu’il existe des hommes violentés. Mais ce n’est pas au même niveau. C’est ça notre réponse.
Comment opérez-vous ?
Nous proposons un workshopqui se compose de trois sessions d’une heure. Ce sont des Facilitatorsformés qui dispensent ces cours. Notre target market, ce sont les jeunes âgés entre 12 et 22 ans. Au départ, on visait les jeunes garçons seulement, mais très vite, nous avons réalisé que les filles avaient aussi besoin du même type d’awareness. Beaucoup de personnes ne savent pas que la violence peut prendre différentes formes. Par exemple, le langage sexiste est aussi une forme de violence.
Qu’est-ce qu’un Facilitator ?
C’est quelqu’un qui a eu une formation et peut venir devant une audience, prendre la parole durant les trois sessions que nous dispensons. Les contenus des workshopssont dynamiques, avec des clips, la projection d’images un peu choc, dans l’idée de toucher, de secouer l’assistance et de la faire réagir. Par exemple, Bimela, notre Champion, a été Facilitator. Elle a été recrutée en 2014. Un premier groupe de personnes a été formé en 2011 et un autre groupe en 2014.
Quel est le but de ces workshops ?
Le message qu’on essaie de passer, c’est qu’on a toujours le choix. Nous disons souvent aux jeunes : quel que soit votre passé, vous n’avez pas à répéter ce que vous avez vu ou expérimenté. Quand on voit tout ce qui se passe dans notre société, par exemple, le ravage que font les drogues synthétiques, entre autres, on se dit qu’il y a un gros souci. C’est pour cela que nous pensons qu’il y a un gros travail à faire avec les jeunes. Pour contrer la violence, le changement doit venir de nos jeunes.
Il y a beaucoup d’initiatives pour faire reculer la violence, pourtant le mal progresse toujours. Qu’en pensez-vous ?
Il y a les lois. Les lois existent et elles sont en train de changer. On salue les initiatives qui sont prises. On a eu l’occasion de travailler avec la ministre de l’Égalité des genres, et il y a beaucoup qui est fait. Mais même dans les pays comme la France, les mentalités bougent lentement. Il y a toujours des réactions envers la femme qui étonnent. J’ai vu récemment un reportage sur le machisme sur une chaîne câblée. L’exemple qui avait été donné était celui de la vice-présidente de l’Assemblée. Comme le président n’était pas là, c’est elle qui présidait. À un moment, un député se lève et dit «madame le président».La femme en question rétorque et dit «Je m’excuse, mais c’est madame la présidente». Mais le député a refusé de faire la correction. Cela démontre tout le machisme qui existe encore et dans un pays développé comme la France. C’est cette façon de penser qu’il faudrait changer. Et c’est ce que nos jeunes doivent comprendre : qu’il ne faut pas voir la femme comme inférieure. Et c’est ce que nous inculquons à nos jeunes. La notion d’égalité. Il faut que cela soit clairement compris à un plus jeune âge, sur les bancs de l’école. On est tous égaux. Malgré les lois, cette façon de penser existe toujours. Il y a toujours une résistance.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Les mentalités évoluent, mais elles évoluent lentement. Aujourd’hui, c’est devenu tout à fait normal que les femmes travaillent et occupent des postes de responsabilité. Ce qui n’était pas acceptable à un certain moment est devenu courant. Mais ça prend du temps. Toutefois, il y a des indications que nous sommes sur la bonne voie. Il y a certes une recrudescence de la violence, mais il ne faut pas se dire que la bataille est perdue. Nous avons aussi lancé un appel pour recruter un Project Coordinator. Ce qui change, c’est que cette personne va être rémunérée pour s’assurer d’un travail plus constant.
C’est la première fois qu’une femme est Championau sein de Men Against Violence. Nommée il y a deux semaines, Bimela Venkatasawmy, directrice d’une société qui fait dans l’immobilier, a à cœur sa nouvelle mission : «J’ai commencé comme facilitatoret j’ai eu l’occasion de travailler avec des jeunes de différents milieux. On sent qu’il y a un manque de connaissance sur les différentes formes de violence. Je suis motivée, avec l’équipe de MAV, à apporter ma contribution pour faire avancer les choses.»
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