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Par Yvonne Stephen
7 mars 2017 17:24
Des histoires d’eau… et de sable. De partages et de moments inoubliables. De dépaysement et de retrouvailles. De départs et de retours. Piquer une tente, s’approprier un bout de plage, c’est comme se perdre (ses habitudes et son confort) pour mieux se découvrir. C’est un peu comme ça que Mirella Armance, son mari Alain, ses neuf filles et ses sept petits-enfants vivent leur passion pour le camping. Ce retour à la nature est pour eux un retour vers eux-mêmes. Une bouffée d’oxygène pour casser le quotidien et le vague à l’âme. Pour apporter des grains de bonheur aux souvenirs. Alors, la proposition de la Beach Authority souhaitant appliquer la loi (avec, entre autres règlements, le paiement d’une caution de Rs 3 000 et le déboursement de Rs 1 000 par jour de camping) est quelque peu passée de travers.
Chez les Armance mais aussi chez beaucoup d’autres Mauriciens, adeptes du camping, qui ont fait entendre leur colère ces derniers jours. Néanmoins, il semblerait que ces provisions faites par la loi ne devraient pas être mises en application, selon le ministre Showkutally Soodhun. Alors la famille Armance peut continuer à rêver à son prochain trip, prévu pour Pâques. Elle ne va pas très loin. À un kilomètre de chez elle, sur la plage publique de Palmar. Ce n’est pas la distance à parcourir qui compte. C’est celle qu’on met entre soi et «la technologie», confie Mirella : «Notre but, c’est de nous retrouver en famille, de discuter, de partager des beaux et bons moments.»
Pas de générateur pour profiter du confort du quotidien, on campe «à la dur» : «Avec des bougies et des torches.» Et avec le temps, les Armance ont pu mettre en place une liste de must have : des seaux d’eau, les tentes, de quoi manger, une table pliable… et les bikinis, bien sûr. La seule concession faite au niveau du confort : une petite cuisinière à gaz pour ne pas faire de feu et abîmer l’environnement. Parce que les «vrais campeurs», ceux qui ont le «dife kanpe» dans le sang, ne laissent pas de détritus sur la plage et nettoient après leur passage (et même après ceux des autres). Et là, les journées et les soirées sont faites de moments essentiels pour l’âme : «Nous prenons le temps de parler, nous chantons et batt ravannjusqu’à 3 heures du matin». Et puis, avec un «décor de rêve gratuit», les journées au camping filent même sans Internet et la télé.
Il y a des jeux, des histoires qui font peur à raconter, du savoir à transmettre. Anielle, une des filles de Mirella, adore ces moments où elle passe du temps avec ses sœurs qui vivent ailleurs : «Et on transmet cette joie que l’on ressent d’être ensemble aux plus petits. Ce bonheur, il est difficile de l’exprimer. Il faut essayer. Et puis, on apprend tellement de choses sur la vie de nos parents, sur les souvenirs d’avant, sur l’histoire de notre famille.» Même le patriarche de la famille, le grand-père de 100 ans, vient y passer ses journées et une partie de la soirée : «Il faut le ramener dans son lit parce qu’il est amputé et que c’est plus confortable pour lui», explique Mirella. Et d’année en année, de séance de camping en séance de camping, les liens se sont tissés avec d’autres campeurs : «Pour Pâques, par exemple, chacun a son emplacement. On se retrouve, on partage des moments, les enfants jouent ensemble.»
La convivialité, Juanita Jean-Louis la retrouve aussi sur la plage de Flic-en-Flac, là où elle s’offre ses séances annuelles de camping avec sa famille. Pourtant, avant 2013, pour cette mère de famille, habitante de Vacoas, campe ça voulait dire passer le week-end dans un campement. Puis, sous l’impulsion de son papa, elle tente l’expérience nature il y a quatre ans : «Et c’était une catastrophe.» Le 30 mars 2013, alors que la capitale est inondée, que des personnes y perdent la vie, Juanita et ses proches se retrouvent à chercher un refuge : «Nos tentes ont été inondées. Toutes nos affaires trempées. Et quand on a appris pour tous ces gens qui sont morts, le cœur n’était plus à la fête.» Cette fin de week-end, cette famille la passera dans un campement.
Mais Juanita décide de ne pas rester sur cette mauvaise expérience. Et retente l’aventure du camping quelques mois plus tard. Là, elle découvre le bonheur de vivre les pieds dans l’eau, loin des quatre murs d’une maison et des contraintes du quotidien : «S’endormir au son des vagues, c’est vraiment quelque chose de magique. Tou traka ress lakaz» Contrairement aux Armance, cette famille ne renonce pas au confort lors de ses jours de camping. Avec un générateur, tout est possible. Cafetière, bouilloire… rien n’est trop beau pour se sentir un peu comme chez soi ailleurs. Lors d’une de ces sorties, une soirée karaoké a même été organisée, confie la fille de Juanita, Gwendolyne : «C’est le camping paradisechez nous.»
Et puis, quand on devient expert en nuits à la belle étoile, on peut même improviser une salle de bains avec miroir. «Mes parents se préparent et vont à la messe sans problème le dimanche matin», raconte Juanita. D’ailleurs, explique sa sœur Angélique Vencatachellum, tout est possible pour pouvoir profiter du camping tout confort : «Il y a les matelas gonflables, les grandes tentes, le mobilier qu’on peut transporter, donc c’est une activité très sympathique.» Surtout qu’elle revient moins chère que de louer un campement (si la loi n’est pas appliquée) : «Ce serait dommage de priver les ti dimunn de ces moments-là.»
Alors, au fil de ces sorties camping, il y a des histoires d’eau et de sable qui parsèment les plus beaux souvenirs…
Une vague d’indignation. C’est ce qu’ont provoqué les propos de Dhuneeroy Bissessur, directeur général de la Beach Authority, concernant les sommes d’argent que devront débourser les campeurs et les 21 jours de préavis à donner avant de s’adonner à une séance de camping. Il s’exprimait en prenant en compte les suggestions des consultants qui ont planché sur un plan d’aménagement des plages. Il l’a précisé lui-même, ces «rules» sont prévues par la Beach Authority (Use of Public Beach) Regulations 2004. On peut lire qu’il est nécessaire qu’un préavis de 21 jours soit donné avant la tenue d’un «public gathering, public entertainment or activity».
Que si le permis est alloué pour ce genre de rassemblement, il est nécessaire de faire un dépôt de Rs 3 000 et de payer Rs 1 000 par jour d’utilisation. D’ailleurs, cette loi est déjà appliquée. Par exemple, les membres des scouts qui organisent des activités de camping s’y soumettent. Néanmoins, la mise en pratique de cette loi ne devrait pas se faire si on en croit les propos des ministres Sinatambou et Soodhun cette semaine. Par ailleurs, une pétition a été lancée en ligne pour qu’elle ne devienne pas une réalité.
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