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Carte d’identité : Destruction des données biométriques : oui, mais…

2 février 2015

Jeff Lingaya, Stefan Gua et le Dr Maharajah Mahadewoo mènent un combat acharné contre la carte biométrique.

Au placard, les armes. Le combat est fini ! Le méchant dragon sera brûlé avec son donjon. Tout partira en fumée. La bataille a été remportée. Sortez les confettis et les cris de guerre (de vainqueurs).

 


Depuis que vous avez compris que les données de la nouvelle carte d’identité biométrique seront détruites (mesure annoncée dans le discours-programme du nouveau gouvernement, cette semaine), vous vous dites que les anti-nouvelle carte d’identité sont en mode : «Yes ! We did it !» Pas du tout ! Ils ne sonnent pas – encore ? – les pétards. Ils restent toujours 900 000 petits dragons en circulation (oui, il y en a peut-être un dans votre portefeuille). Et d’autres verront certainement le jour. Vous avez jusqu’au 31 mars pour vous enregistrer afin d’obtenir cette nouvelle pièce d’identité polémique.

 


Si les autorités procèdent actuellement au tri des informations –  entre les données «normales» et les données biométriques – à détruire, aucune date n’a été avancée, pour l’instant, quant au grand feu de joie. Mais pour le Dr Maharajah Mahadewoo, le problème est ailleurs : «Éliminer la banque de données, d’accord. Mais il faut aussi éliminer les informations biométriques sur les pièces d’identité.» Il estime que la nouvelle pièce d’identité est anticonstitutionnelle. D’ailleurs, il a pris position, en cour de justice, contre la carte d’identité biométrique (comme Pravind Jugnauth et Neelkanth Dulloo). Il souhaite que le jugement dans cette affaire soit rendu public au plus vite. En attendant d’être fixé, son combat n’est pas terminé, dit-il.

 


Et il ne compte pas patienter en silence. «Qui me dit que certaines des informations ne sont pas déjà la propriété de Google ?» se demande-t-il. Dans sa tête, la thèse que les informations, même détruites, seront toujours accessibles, tourne en boucle. Un peu farfelue ? Absolument pas, estime-t-il : «Il faut avoir tous les détails concernant cette procédure.»

 


Jeff Lingaya, de la plate-forme No to Biometric Data on ID Card, s’interroge également sur cette étape de destruction : «Comment ça va se faire ? Est-ce qu’il y aura une commission indépendante au moment du transfert des données afin de s’assurer qu’il n’y ait pas maldonne ? Ce nouveau gouvernement va-t-il mettre en place un système démocratique afin que les techniciens, qui ont un pouvoir total, ne soient pas les seuls à opérer ? La société civile pourra-t-elle participer à cet exercice ?»

 


Des multiples interrogations auxquelles il souhaite avoir des réponses. Et il pense qu’il sera bientôt fixé : «Le nouveau gouvernement a l’air d’être de bonne foi.» Assez pour faire disparaître la carte d’identité biométrique ? Sur la question de l’abandon de ce nouveau document, les avis sont partagés au sein de la plate-forme, précise Jeff Lingaya : «Si les données contenues sur la carte ne peuvent être utilisées pour la reconnaissance faciale et la reconnaissance d’empreintes, ça ne nous dérange pas plus que ça. Il faudrait également que le gouvernement nous rassure sur ce point : que les mini-fichiers ne sont pas utilisables. Et s’ils le sont, de quelle façon ? Bien sûr, ce n’est pas la seule opinion au sein du mouvement. C’est normal.»

 


Stefan Gua, membre de Rezistans ek Alternativ et de la Koalisyon Nou Lanprint Nou Drwa, pense qu’il faudrait avoir une consultation nationale. Que les Mauriciens aient la carte qu’ils souhaitent : «Il faut avoir un débat, un dialogue sur la question. Si les Mauriciens estiment que la nouvelle carte d’identité dans le format actuel, sans banque de données, leur convient, il faudra l’accepter. Même si moi je suis contre. Si ce n’est pas le cas, il faudra prendre des mesures. Le tout, c’est de trouver un consensus.»

 


«À la poubelle»

 


Le Dr Maharajah Mahadewoo souhaite, lui, une mesure plus drastique. Évidemment : «À la poubelle ! J’attends avec impatience le jugement de la cour à ce sujet. Et si on souhaite une nouvelle pièce d’identité, il faut se baser sur la carte des invalides. Elle est sécurisée et il n’y a pas de photo biométrique, de microchip (NdlR : puce) ou encore d’empreintes digitales. Il faut une nouvelle carte qui permettra aux Mauriciens de jouir de leur liberté.» Mais est-ce que la décision de détruire la banque de données empiète sur les trois affaires en cour ? Non, estime le docteur.

 


Stefan Gua, lui, explique que «la décision de munir la population de nouvelles cartes d’identité est gouvernementale. Elle peut donc légiférer sur ce dossier. C’est son droit de faire des amendements à la loi et de rendre caducs les cas en cour». D’ailleurs, c’est principalement sur la constitutionalité – ou pas – de la carte que doivent statuer nos instances de justice. Néanmoins, le discours du gouvernement fait sourciller Stefan Gua : «Il était question d’attendre le jugement de la cour. Et là, il s’agit de détruire les données. On ne sait pas trop si c’est une décision prise parce que le gouvernement connaît déjà les décisions de justice, ou alors si c’est une décision prise sans ces données-là ? C’est un peu flou.»

 


Ce qui n’est pas clair non plus, c’est ce qui sera fait pour ceux qui ne veulent pas se munir de la nouvelle carte, estime Jeff Lingaya : «Nous avions écrit des lettres officiels, adressées à sir Anerood Jugnauth, Roshi Badhain et Pravind Jugnauth, fin décembre. Le but : leur demander de trouver une solution pour ceux qui ont perdu leur carte laminée et ceux qui vont avoir 18 ans et qui ne veulent pas de ce nouveau document sous sa forme actuelle. Pour l’instant, rien n’a été fait. Et c’est dommage. Nous attendons des solutions pratiques. Nous allons œuvrer pour qu’il y en ait.»

 


Au placard les pétards et les confettis, donc. Le combat n’est pas fini.

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