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Ces événements qui ont marqué la vie de 5-Plus dimanche

1 janvier 2021

Nad Sivaramen, directeur des publications de La Sentinelle : «Ma première fois au Parlement...»

 

«Cela devait être en 1996. Notre premier assignment pour couvrir les travaux parlementaires – jusque-là réservés aux aînés aguerris de la rédaction des 5 Palmiers. 5-Plus dimanche déployait ses ailes et voulait que le traitement de la chose politique soit décalé afin qu’il devienne, au côté des faits divers, un pilier de l’hebdomadaire. Michaëlla et moi, en jeunes journalistes studieux, avions pris grand soin de lire l’ordre du jour. On avait compris que la séance allait débuter avec une PNQ, puis des Questions addressed to the Prime Minister (PMQT), suivies des traditionnelles PQs. Malins (supposément), on avait identifié les auteurs des questions, leurs perspectives et intérêts sur les interpellations qu’ils allaient soulever. Après avoir discuté avec nos collègues de la rédaction, nous avons eu un dernier briefing avec Finlay Salesse avant de mettre le cap sur Port-Louis.

 

Avant, bien évidemment, on avait pris soin de notre look : elle s’était mise sur son trente-et-un de manière sobre et solennelle, et moi j’avais choisi ma plus belle cravate car on allait, ce jour-là, entrer dans la cour des grands, dans la galerie de la presse de l’Assemblée nationale. Miracle du père Laval, avant de quitter son bureau, Finlay s’était transformé en père protecteur et avait posé son redoutable bâton de rédacteur en chef qui nous apprenait les rudiments du métier en utilisant la méthode forte, directe, sans prendre de gants, technique adaptée du Dr Philippe Forget, rédacteur en chef mythique. Cela nous a surpris quand il a déclaré avec une rare empathie : "Tout va bien se passer, vous vous êtes bien préparés mes enfants, et puis si vous ne comprenez pas quelque chose, demandez à Josie Lebrasse de Week-End. Elle maîtrise le fonctionnement du Parlement sur le bout des doigts."

 

À l’époque, on connaissait Josie Lebrasse que de nom et de réputation. Alors, pour ne pas nous laisser intimider par le personnage, Michaëlla et moi avons mis sur papier notre message essentiel : «Bonjour, nous sommes Michaëlla Seblin et Nad Sivaramen. Nous sommes de la rédaction de 5-Plus et c’est notre première fois au Parlement. Finlay Salesse nous a demandé de nous référer à vous si on ne comprend pas le déroulement des travaux… Merci d’avance !» Morceau qu’on lui a remis timidement dans la galerie de la presse. On ne savait pas où nous mettre mais on s’est quand même placés à l’avant pour ne pas rater une miette des travaux.

 

On a tout noté conformément aux instructions reçues et peut-être même au-delà : tenue et attitude des parlementaires, les interactions entre eux, ou leurs interactions avec d’autres journalistes ou parlementaires, leurs moindres faits et gestes, le nom ou le descriptif des gens présents dans la galerie des invités, la valse incessante des messengers dans leur uniforme d’un gris maussade, le bruit militaire des claviers sous les doigts fins des charmantes typists de l’Assemblée dont les notes vont nourrir le Hansard qui devrait être inscrit au patrimoine de l'Unesco, l’arrivée d’une autre époque du speaker. Lorsque le Motherland a retenti, les haut-parleurs ont grésillé sur une bonne moitié de l'hymne. On s’est mis debout. Puis, tout est allé très vite, trop vite pour nous. Les questions s’enchaînaient plus vite que les réponses. Je crois que mon stylo s’est arrêté d’écrire, pas question que Michaëlla me laisse le sien. On avait oublié, malgré tout, d’apporter des stylos supplémentaires.

 

Vite, la séance a pris fin. On a fait signe à Josie Lebrasse, confiants qu’on avait tout noté. Dans la voiture en remontant au bureau, Michaëlla avait mis un peu d’ordre dans nos idées et dans nos notes. On s’est réparti le travail de compte-rendu à Finlay et aux collègues. On était fiers d’avoir assuré. Trop excités, nous avons sans doute oublié de manger. Mais la satisfaction a vite disparu quand Le Mauricien est arrivé au bureau dans l’après-midi. Le quotidien du soir avait barré sa une avec le rapport de l’Audit, déposé le matin au Parlement. «Rapport de l’Audit ?» est venu me demander Michaëlla, les yeux rougis. «Qu’est-ce que c’est ?» lui ai-je demandé. Ce document n’était pas sur notre radar et personne ne nous avait dit que c’était le happening du jour et qu’il fallait récupérer le document à la bibliothèque du Parlement.

 

Dans notre compte-rendu à la rédaction, et surtout à Finlay, nous n’avons pas pipé mot de ce rapport. «Michaëlla ! Nad !» a hurlé Finlay. Les collègues savaient, de par son ton, qu’on allait se faire brosser la tête comme jamais auparavant. Et c’était le cas. Je dois dire qu’on a mis du temps avant de reprendre le chemin du Parlement. Ma seule consolation, c’est qu’il n’y avait pas de site d’infos à ce moment-là, encore moins de radio libre, c’était l’époque où les gens faisaient la queue pour se procurer leur journal. Michaëlla et moi n’oublierons jamais la copie de ce mardi soir en particulier.»

 

Jean-Claude de l’Estrac, ancien directeur général de La Sentinelle : «Faire du 5-Plus au sein de LSL»

 

«Mon souvenir de 5-Plus est plutôt paradoxal. C’est l’histoire d’une concurrence journalistique qui se termine par une acquisition-fusion. Le groupe La Sentinelle que je dirige alors voit avec inquiétude l’arrivée de cette nouvelle publication sur un marché du dimanche déjà bien encombré. Le nouveau venu qui s’installe sur le créneau des faits divers connaît un succès d’estime qui m’interpelle. Finlay Salesse est à la manœuvre.

 

Je cherchais alors à diversifier les activités du groupe, tout en restant dans le métier qui est le nôtre. Le positionnement commercial de 5-Plus me paraît porteur mais je sais que les journalistes de La Sentinelle, formés à l’école d’un journalisme austère et circonspect, ne sauraient faire. Au conseil d’administration de La Sentinelle qui débat de la question, une stratégie s’impose : puisque nous ne savons pas faire du 5-Plus, autant faire 5-Plus faire du 5-Plus au sein de LSL. Ce sera la formule gagnante.

 

La famille de Georges Chung, qui avait créé 5-Plus, était vendeur. D’une part, Georges est déçu par la faiblesse des recettes publicitaires du magazine et voilà que Finlay Salesse, son plus proche collaborateur, veut partir vers d’autres horizons. J’avais proposé à Finlay de se joindre à l’équipe de la première radio privée pour animer son émission-phare, Enquête en direct. Georges étant un ami de longue date, nous avons négocié et nous sommes parvenus à un accord rapidement, d’autant plus que je souhaitais absolument garder la même équipe de journalistes. Elle est largement la même aujourd’hui, menée avec professionnalisme et passion par Michaëlla Seblin qui a accédé, entre-temps – et heureusement – à la rédaction en chef.

 

Au fil des années, 5-Plus est resté le même journal populaire, avec un léger infléchissement éditorial. Je me souviens avoir théorisé la formule en expliquant aux journalistes que 5-Plus ne serait pas qu’un journal de faits divers plus ou moins morbides, il devient aussi un magazine people qui met en exergue les réussites. 5-Plus est devenu un énorme succès qui ne se dément pas.»

 

Georges Chung, fondateur de 5-Plus dimanche : «Un symbole de l’innovation»

 

«Permettez-moi de revenir sur les raisons profondes entourant la décision d’investir dans le lancement d’un journal, alors qu’il était de notoriété à l’époque, dans les années 80, que lancer un journal relevait de la folie. Toute tentative par rapport à cela était vouée à l’échec, tant la domination des trois ou quatre journaux était importante dans les années 80. Il aura fallu l’avènement d’une innovation technologique, précurseur de l’Internet, pour tout bouleverser. Désormais, fabriquer et publier un journal, ce ne sera plus comme avant. C’était le début de ce qui allait être l’avènement du journal en ligne en temps réel. Certes, il fallait être brave et croire dans la technologie destructive et dérangeante de la publication par ordinateur assisté (POA). Une station Macintosh et ses softwares coûtaient Rs 400 000 à l’époque et il en fallait au moins cinq unités pour faire un hebdomadaire. Mais l’astuce était qu’on pouvait modifier à toute épreuve et en temps réel les textes, les titres et les grands titres au fur et à mesure que tombaient les news feed de Reuters. Ainsi, avec la démocratisation à outrance de l’Internet quelques années plus tard, l’adaptation était bien plus facile pour les journaux ayant investi dans la PAO, même si la concurrence des journaux online est aujourd’hui plus redoutable que jamais.

 

Je pense que 5-Plus reste le symbole de l’innovation dans le domaine de l’édition et de la presse il y a 30 ans, ce qui explique en quelque sort la ténacité de son existence dans ce monde de l’Internet où le faux, le réel et la bêtise coexistent de manière insidieuse et extrêmement informative à la fois. Certes, 5-Plus ne s’est pas développé en un journal online. Mais il s’est forgé petit à petit une place de choix chaque dimanche matin. Bon anniversaire à toute l’équipe. Keep up the good job !»

 

Tanuja Lutchmun, responsable de la publicité : «Mes premiers pas dans ce secteur»

 

«Au sein de la compagnie 5-Plus pendant les 30 dernières années, je peux dire avec fierté que nous sommes une famille unie. C’est de là que vient notre force. Je suis très reconnaissante envers le fondateur Georges Chung qui, non seulement m’a donné la chance de faire partie de l’équipe du marketing de ce nouveau journal d’alors mais qui m’a aussi prodigué quelques précieux conseils qui m’ont été utiles durant ma carrière. Je lui dois une fière chandelle à cet effet. Je me souviens, comme si c’était hier, de mes premiers pas dans ce secteur où la compétition était déjà féroce. Et d’année en année, la situation est devenue plus impitoyable et il faut se fier uniquement aux contacts, faire preuve de tact et de dextérité. Au cours de ces 30 dernières années, il y a eu tellement d’événements que je ne pourrais n’en mentionner qu’un. Je souhaite longue vie à 5-Plus dimanche et que nous continuions à être cette famille solidaire et soudée.»

 


 

Tony Fine, photographe : «J'ai été roué de coups»

 

«J’ai rejoint l’équipe de 5-Plus en janvier 1996 comme photographe de presse. Un mois plus tard, un cas allégué d’enlèvement d’une femme par un commando tombe. C’est Nad Sivaramen qui travaillait dessus et nous sortons avec cette nouvelle en couverture.

 

Deux jours plus tard, la femme réussit à s’enfuir de la maison où elle était retenue contre son gré et les kidnappeurs sont entre-temps arrêtés et doivent passer en cour le lendemain. Nous sommes arrivés en cour de Mahébourg tôt le matin. Le lieu était plein de monde qui attendait l’arrivée des suspects. À aucun moment, on n'a senti un quelconque danger.

 

Les suspects arrivent sous forte escorte policière. Ils sont trois au total à devoir passer devant les magistrats. Alors qu’ils regagnent le véhicule de la police, je me saisis de ma caméra et j’ai à peine le temps de prendre trois photos que, subitement, des gens se ruent vers moi. Je n’ai pas le temps de comprendre ce qui se passe. Je sens des coups de poings, des coups de pieds, des coups de casque de moto et j’entends : «Ki foto to tire ?» Alors que je tombe à terre, je fais tout pour protéger ma caméra qu’on essaie de m’enlever.

 

À ce moment précis, je ne sais pas quoi penser, ni quoi faire. J’ai mal sous les coups. C’est là que cinq policiers de la SSU débarquent. Ils se mettent autour de moi pour me protéger. Je me relève avec peine et les policiers me demandent où se trouve mon véhicule. Ils m’aident à le regagner en m’escortant et la voiture démarre en trombe. C’était un vrai choc.

 

Arrivé au bureau, je me dépêche de faire développer ma négative et par chance, il y a des photos du présumé chef du gang. Cette photo finit par faire la Une. L’image est forte.

 

C’était ma première couverture choc. Je m’en souviendrai toujours, tout comme des conditions dans lesquelles elle a été faite.»

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