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Chagos : Tensions diplomatiques, fermeté et stratégies…

28 juin 2016

Sur le dossier des Chagos, sir Anerood Jugnauth a décidé de ne pas se laisser faire !

Le torchon brûle.Tout a commencé par une déclaration du Premier ministre sir Anerood Jugnauth à l’Assemblée nationale le 17 mai, est-il expliqué dans un communiqué émis le vendredi 24 juin par les ambassades britannique et américaine. Le chef du gouvernement faisait alors état de son intention de référer le dossier Chagos à la Cour internationale de justice. Dans cette correspondance conjointe, il est clairement explicité, pour faire court, que cette démarche mauricienne pourrait porter préjudice aux relations bilatérales entre Maurice, le Royaume-Uni et les États-Unis (avec tout ce que cela implique). Les deux partis ont également exprimé leur souhait que le Premier ministre donne l’assurance qu’il n’ira pas de l’avant avec cette démarche légale et que ce dernier poursuivra les pourparlers avec le Royaume-Uni et les États-Unis.

 

Le bureau du Premier ministre n’a pas tardé à répliquer par le biais d’un communiqué le même jour. On peut y retenir les informations suivantes : le communiqué conjoint fait suite à une rencontre entre sir Anerood Jugnauth, Patrick F. Kennedy, Under Secretary for Management at the US Department of State, et Neil Wigan, Africa Director at the UK Foreign and Commonwealth Office, le jeudi 23 juin, à la demande de ces derniers. La déclaration du chef du gouvernement lors de cette réunion : que l’État mauricien n’objecte pas à l’utilisation de la base militaire de Diego Garcia «for defence purposes»si les autres îles de l’archipel reviennent à Maurice et que les Chagossiens puissent rentrer chez eux. Il a également demandé aux représentants des deux ambassades de venir avec une proposition d’ici le 30 juin afin de prévenir le recours à la Cour internationale – la décision du Premier ministre de ne pas modifier sa position concernant la souveraineté des Chagos, suite au communiqué Royaume-Uni/États-Unis : il estime que le communiqué fait part d’une «menace» et que cette dernière est «hostile, totalement inacceptable et en violation avec leurs obligations de part les lois internationales».

 

Que doit faire Maurice ?La question est posée et les réponses sont multiples. Certains estiment que le gouvernement mauricien doit tenir bon et ne pas se laisser intimider par des «menaces». Le combat pour les Chagos et les Chagossiens est une bataille de principes (mais aussi de gros sous), qui mérite d’être menée. D’autres estiment par contre que, pour le bien-être économique et sécuritaire de l’île, il serait nécessaire d’être moins exigeant sur la question de la souveraineté des Chagos. Se priver du soutien de deux puissances économiques ne serait pas la meilleure des solutions, en somme. Pour l’instant, sir Anerood Jugnauth tient ferme. Est-ce la bonne stratégie ?

 

Pression

 

Oui, soutient Shafick Osman, docteur en géopolitique :«Je suis d’accord avec le ton de fermeté de sir Anerood (…) Nous ne devons absolument pas avoir peur, il ne faut surtout pas nous laisser intimider. Au contraire, il faut que tout le peuple mauricien soit derrière les autorités pour porter cela aux Nations unies d’abord et surtout, et ensuite considérer la cour pénale internationale si besoin est.»

 

Il estime que le communiqué conjoint des ambassades britannique et américaine est une façon de mettre la pression aux autorités mauriciennes : «Le délai du 30 juin expire très vite et c’est pour cela que les États-Unis et le Royaume-Uni mettent de la pression et commencent leurs opérations de chantage !Du très vilain, du postcolonial et surtout une attitude impériale d’un autre temps.»Pour Shafick Osman, c’est le moment de prendre avantage de la vague Brexit : «Le Brexitaidant, Maurice doit sérieusement commencer à se positionner de telle manière à n’avoir presque plus de dépendance ni des États-Unis ni du Royaume-Uni.»

 

L’ancien président de la République, également tuteur des enfants chagossiens, Cassam Uteem, a une autre lecture de la situation. S’il estime que le communiqué britannique et américain s’apparente à du «bullying», il pense néanmoins qu’il ne faut pas agir avec précipitation. Il est nécessaire de retourner à la table des négociations, d’entamer à nouveau le dialogue. «Nous avons les mains et les pieds liés. Il faut s’assurer que le dialogue reprenne», affirme-t-il, en confiant vouloir apporter son aide pour faciliter ce retour des discussions.

 

Paul Bérenger, leader du MMM, estime quela Grande-Bretagne et les États-Unis ont adopté un «ton très peu diplomatique et menaçant». Il l’a déclaré lors de son point de presse hebdomadaire hier, samedi 25 juin. Il a été très pessimiste pour l’avenir : «Les relations entre ces pays et Maurice risquent de se dégrader.»Pour lui, sir Anerood Jugnauth et le gouvernement ont, pour la énième fois, mal géré cette affaire. La meilleure stratégie aurait été de poursuivre son travail, a-t-il affirmé : «Après les élections, le gouvernement aurait dû reprendre la stratégie lancée par moi en 2001.»C’est-à-dire, établir des contacts avec la présidence des États-Unis et le gouvernement britannique, aller vers le dialogue au lieu de l’altercation.

 

Du côté du Ralliement Citoyen pour la Patrie,on conseille une stratégie de fermeté. «Maurice doit faire preuve d’intelligence et de perspicacité, et définir toute alliance diplomatique nécessaire pour la revendication de ses droits inaliénables», expliquent ses membres dans un communiqué. Avec une petite fioriture : convoquer le haut-commissaire britannique et l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique pour leur indiquer que la question des Chagos«ne peut être traitée qu’au niveau central et non des représentations diplomatiques».

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