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Christina*, 10 ans, séquestrée pendant plus de 24 heures : ses parents racontent le cauchemar et le soulagement

16 décembre 2019

La kidnappeur et agresseur présumé de la petite dit ne pas savoir ce qui lui est passé par la tête.

D’abord, l’angoisse. Terrible, terrifiante. Puis, le soulagement, la joie. Immense, indescriptible. Mais aussi une colère, une révolte, tout aussi grandes. Patrice* et Nathalie* (nous avons choisi de modifier les prénoms dans le souci de protéger l’identité de la jeune victime) sont passés par toutes ces émotions, tous ces états, en un peu plus de 24 heures, cette semaine. Entre le moment où leur fille Christina*, 10 ans, a disparu aux alentours de 11h20, le lundi 9 décembre, en allant faire des courses à la boutique du coin, et celui où elle a été retrouvée, vers 14 heures, le mardi 10 décembre. Un fait divers qui a également tenu en haleine les proches de la famille ainsi que toute l’île Maurice.

 

Car dès la disparition de la fillette, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre après que des proches ont publié sa photo sur les réseaux sociaux afin de demander de l’aide pour les recherches. Les parents de Christina, domiciliés à Cité Ste-Catherine, Saint-Pierre, aidés de plusieurs volontaires et de la police, ont remué ciel et terre pour qu’elle rentre à la maison. Au bout d’interminables heures, la petite a été retrouvée, ligotée et bâillonnée, au domicile de Satyam Goodur, plus connu sous le nom de Raju, un habitant de L’Agrément, Saint-Pierre, âgé de 40 ans. Il a été arrêté et placé en détention. Il est accusé de kidnapping et de causing a child to be sexually abused. Il a avoué avoir commis des attouchements sur la fillette durant sa captivité.

 

Pour Patrice et Nathalie, le retour de leur petite à la maison est synonyme de miracle. «Lorsque j’ai vu arriver un officier de la CDU avec ma fille dans les bras, j’ai hurlé de joie et j’ai serré très fort ma petite dans les bras. J’étais si soulagée qu’elle soit en vie», s’exclame la maman, encore sous le choc de tout ce qui s’est passé. Malgré cela, les parents de Christina sont désemparés en repensant aux terribles heures qu’elle a passées entre les mains de celui qui l’a enlevée, à la peur qu’elle a dû ressentir pendant tout ce temps. Des heures durant lesquelles ils ont eux-mêmes vécu une terrible angoisse à la recherche de leur trésor. Les heures les plus longues de leur existence.

 

Terreur

 

Lorsque nous leur rendons visite à leur domicile un jour après que leur petite chérie a été retrouvée, ils sont à bout de forces et n’ont pas encore pu récupérer du cauchemar qu’ils ont vécu en début de semaine. Le pire que des parents puissent vivre. Pendant que se déroulaient les recherches, ils n’ont pas fermé l’œil, ni avalé quoi que ce soit, rongés par la terreur. «Ce que nous avons vécu a été vraiment dur. Pa ti pe kapav manze, ti pe zis bwar delo, fim sigaret», se remémore Patrice. À mesure que les heures s’écoulaient, son épouse et lui n’ont pu s’empêcher de penser au pire. «Plus le temps passait, plus notre inquiétude grandissait. Nous nous attendions au pire. Nous craignions de recevoir une mauvaise nouvelle.»

 

Cela fait plusieurs années que Patrice et Nathalie, ainsi que tous les membres de leur famille, habitent à Cité Ste-Catherine. Parents de quatre enfants, dont Christina, qui est l’aînée, ils se décrivent comme des gens sans histoires. «Dans notre quartier, tout le monde connaît tout le monde. Nous n’avons jamais eu de problèmes avec qui que ce soit et nous nous entendons bien avec tous nos voisins. Nous n’avions aucune raison de craindre d’envoyer notre fille faire des courses à la boutique du coin», expliquent-ils. Sauf que le lundi 9 décembre, la fillette est sortie pour aller acheter des nouilles mais n’est jamais rentrée. «Elle avait quitté la maison vers 11h10. Mais à la mi-journée, elle n’était toujours pas rentrée. Je me suis tout de suite inquiétée car cela n’a jamais été dans ses habitudes.» Après discussion avec ses proches, elle s’est rendue au poste de police de Saint-Pierre pour rapporter la disparition. Si dans un premier temps, les policiers ont voulu attendre 24 heures pour passer à l’action – comme le veut le règlement –, ils ont fini par entamer les recherches aux alentours de 18 heures, le même jour, face à l’insistance de Nathalie.

 

Lorsque les policiers sont arrivés à Cité Ste-Catherine accompagnés de chiens renifleurs, la nouvelle de la disparition de la petite Christina s’était déjà répandue. Les habitants du quartier avaient d’ailleurs déjà commencé à sillonner la localité à l’affût du moindre indice leur permettant de retrouver la trace de la fillette. «Heureusement que j’ai pu compter sur leur soutien car la police a mis bien trop de temps à agir», déplore la maman. Les images de caméras de surveillance situées sur le trajet que fait habituellement la petite ont été visionnées mais n’ont pas permis aux enquêteurs d’avancer dans leur enquête. Sur l’une d’elles, on voit la petite en train de marcher pour rentrer chez elle mais sur la suivante, elle était introuvable.

 

Le suspect Satyam Goodur, qui figurait aussi sur les images – il marchait non loin de Christina –, a été interrogé dans un premier temps. Toutefois, les limiers ont vite écarté cette piste, le croyant innocent. Les recherches se sont donc poursuivies jusqu’aux petites heures, le lendemain matin. «C’est avec mon fils de 18 mois dans les bras que j’ai fait les allers-retours dans la localité. Je me suis arrêtée vers 4 heures du matin parce que mes proches m’ont recommandée de me reposer. Une fois à la maison, Patrice et moi n’avons pu trouver le sommeil. Nous étions bien trop inquiets», confie Nathalie.

 

«Mon cœur a explosé»

 

À 6 heures, le mardi 10 décembre, ils étaient déjà sur pied, prêts à poursuivre les recherches. «Lorsque je suis sortie de chez moi, je n’ai vu aucun policier dans les parages. Cela m’a agacée. Mais j’ai eu la chance de recevoir la visite des députés de ma circonscription et ils m’ont beaucoup aidée à faire bouger les choses», raconte Nathalie. Après plusieurs heures de recherches, les enquêteurs se sont à nouveau orientés vers la piste de Satyam Goodur. Leurs soupçons se sont confirmés quand ce dernier a pris la fuite dans les champs de canne en voyant arriver la police. Son domicile a alors été passé au peigne fin et la petite Christina a finalement été retrouvée dans l’armoire du quadragénaire, ligotée à une chaise et bâillonnée. «Je me souviendrai de ce moment toute ma vie. Je m’étais tenue loin de la foule pendant que la police fouillait sa maison parce que je craignais de recevoir une mauvaise nouvelle. Mais quand j’ai vu cet officier de la CDU avec ma fille dans les bras, mon cœur a explosé de joie.»

 

Arrêté, Satyam Goodur a été interrogé par les enquêteurs de la Major Crime Investigation Team (MCIT). Il a déclaré ne pas savoir pourquoi il avait invité Christina chez lui et a admis avoir commis des attouchements sur elle. Il a également confié avoir pris peur en voyant la police et les voisins rechercher la petite et que c’est pour cette raison qu’il l’a retenue en captivité. Afin que les soupçons ne se portent pas sur lui, il aurait même participé aux recherches. Christina aurait également confié aux officiers de la Child Development Unit (CDU) avoir subi des attouchements. Elle a été examinée par un médecin et est suivie par un psychologue. Son interrogatoire devrait se poursuivre durant les jours à venir, une fois qu’elle sera un peu remise du traumatisme qu’elle a vécu. Par contre, sa mère avance un autre son de cloche : sa fille, affirme-t-elle, n’a pas été victime d’attouchement. «Je l’ai interrogée et elle m’a dit qu’il ne lui était rien arrivé et que cet homme ne l’avait pas touchée. Je connais bien mon enfant et je suis convaincue qu’il ne s’est rien passé.»

 

L’interrogatoire de la victime, qui devrait avoir lieu dans quelques jours, devrait permettre aux enquêteurs d’y voir plus clair. En attendant, Christina et toute sa famille essaient tant bien que mal de panser leurs plaies et d’avancer sur un chemin de guérison qui prendra le temps qu’il faudra…

 

(*Prénoms modifiés)

 


 

Satyam Goodur, portrait d’un homme «renfermé» et «violent»

 

Ils ont beau repasser en boucle les événements du mardi 10 décembre mais n’arrivent toujours pas à comprendre. Qu’est-ce qui a bien pu lui passer par la tête ? Comment a-t-il pu en arriver là ? Les proches de Satyam Goodur s’interrogent. Aux dires des habitants de la localité, il a toujours été un homme sans histoires. «Nous ne sommes pas amis mais je le voyais souvent seul près de la boutique en train de boire une bière», raconte Patrice, le père de la petite victime. Entre eux, poursuit-il, il n’y a jamais eu d’interaction.

 

Satyam Goodur, affectueusement appelé Raju dans son entourage, vivait dans une modeste maison située à Tamil Temple Road, L’Agrément, Saint-Pierre. Ses plus proches voisins sont ses parents ainsi que ses oncles et tantes. Toutefois, d’après un membre de sa famille ayant souhaité garder l’anonymat, il n’invitait jamais personne chez lui. Ce serait la raison pour laquelle ses parents ignoraient tout de l’enlèvement de la petite Christina. «Ils n’avaient pas le droit d’aller chez lui, qu’il soit là ou pas. Au cas contraire, Raju s’énervait», explique notre interlocuteur. Célibataire et sans enfants, Satyam Goodur ne travaillait qu’à temps partiel. «Il gagnait sa vie comme maçon mais ne travaillait que très rarement. Le reste du temps, il se disputait avec ses parents pour qu’ils lui remettent de l’argent», confie ce proche du suspect. Ce dernier avance que le quadragénaire pouvait même devenir très violent lorsque son père et sa mère lui en donnaient. Cet argent lui servait habituellement à acheter des boissons alcoolisées car il serait porté sur la bouteille, selon notre interlocuteur. Cependant, il dit ignorer si le quadragénaire consommait aussi de la drogue synthétique, comme l’allèguent certains habitants de sa localité.

 

Malgré ses nombreux défauts, indique notre source, Satyam Goodur n’aurait jamais eu, à sa connaissance, de geste déplacé à l’égard de qui que ce soit. «Il marchait toujours la tête baissée. Il regardait à peine les autres femmes. Ce qu’il a fait nous a tous vraiment étonnés.» Le quadragénaire serait aussi quelqu’un de réservé et timide qui n’avait pas d’amis, à en croire notre interlocuteur. «Plus jeune, c’était un enfant turbulent qui ne tenait pas en place. J’ignore ce qui a pu lui arriver pour qu’il se renferme ainsi sur lui-même une fois adulte.» Le mercredi 11 décembre, Satyam Goodur a comparu devant la cour de district de Moka sous forte escorte policière. Les accusations provisoires de séquestration et de causing child to be sexually abused ont été retenues contre lui. Il a ensuite été reconduit en cellule, la police ayant objecté à sa remise en liberté. Sa prochaine comparution est prévue pour le 18 décembre.

 


 

Rita Venkatasawmy, de l’Ombudsperson for Children : «En moyenne un cas d’abus sur mineur par jour»

 

Elle déclare avoir suivi de près les recherches de la brigade criminelle pour retrouver la petite Christina*, en début de semaine. Rita Venkatasawmy, de l’Ombudsperson for Children, se dit choquée par ce qui s’est produit à Cité Ste-Catherine. Elle rappelle qu’«au moins un cas d’abus sexuel sur mineur est rapporté chaque jour à Maurice» ; un constat accablant. Avec autant de prédateurs qui guettent, elle explique que «les parents doivent redoubler de vigilance, plus spécialement s’ils travaillent durant cette période de vacances scolaires».

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