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Circulation d’armes illégale à Maurice

28 avril 2014

Les armes à feu entreraient assez facilement à Maurice.

Apparemment, se procurer une arme à Maurice relèverait d’un jeu d’enfant. Comme en témoigne un gros bras qui a souhaité garder l’anonymat pour des raisons évidentes. Notre interlocuteur affirme avoir, pas plus tard que la semaine dernière, vendu deux Smith & Wesson pour la somme de Rs 30 000 à des particuliers. Des armes qu’il avait lui-même achetées d’un autre contact local. «Kan ena buku larzan en sirkilasion tou posib. Si ou amenn Rs 300 000 la mo donn ou enn kof rempli ek tou kalite zarm», nous dit-il. Et d’ajouter : «Ena zarm ek bal plin tink dan moris.»

 

Il en veut pour preuve la fusillade de la semaine dernière à Petit-Verger, Saint-Pierre, où Yoven Velangany, 23 ans, a péri sous les balles. Son ami Steven Mootoocarpen et lui ont été attaqués par une bande armée, le samedi 19 avril. Une affaire qui a choqué toute l’île Maurice et qui démontre que les armes à feu circulent effectivement dans certains milieux.

 

Selon notre interlocuteur, celles-ci sont couramment utilisées par diverses personnes, notamment des bouncers. «Bann gro bra inn aret servi couteau de komba ek samourai kan lager parski lepok shaolin inn fini sa», dit-il. Des gros bras à qui il vend aussi sa marchandise. Outre les Smith & Wesson, celle-ci comprend des Beretta et d’autres fusils automatiques munis de lunettes infrarouges. 

 

L’homme dit aussi connaître des amis qui ont des bazoukas et des lance-flammes à leur disposition. Pour appuyer ses dires, il cite en exemple la démonstration de force de plusieurs gros bras dans les rues de Plaine-Verte, il y a quelque temps, après une altercation entre un de ses amis et un habitant de cette localité. Ceux qui résident dans ce quartier se souviennent encore de la panoplie d’armes qui avait été exhibée ce jour-là. Mais d’où proviennent donc toutes ces armes à feu ?

 

Aux dires de notre source, «une bonne partie de ces armes proviennent de l’étranger». Et comment entrent-elles au pays : «C’est par voie maritime qu’elles entrent sur notre sol. Tout le monde sait que souvent des voiliers jettent l’ancre dans les marinas de Tamarin ou de Grand-Baie sans être soumis à une inspection. Il y a aussi des speedboats qui vont récupérer des colis spéciaux hors de nos côtes. Rezo vagabond pli bien organize ki lapolis», explique cet homme pour qui ce milieu n’a pas de secret.

 

Un revolver pour Rs 25 000

 

Un autre gros bras souligne qu’il suffit de connaître une prostituée qui fréquente des marins étrangers en escale à Port-Louis pour avoir un revolver pour la somme de Rs 25 000 : «Plusieurs personnes ont acheté des revolvers de cette façon. Le seul hic, bien souvent, ce sont les balles. On n’en trouve pas à chaque coin de rue.»

 

Si ces derniers temps, on a l’impression que les armes à feu circulent avec beaucoup de facilité dans notre île, cela n’est pas un phénomène tout à fait nouveau car de nombreux affaires du passé ont mis cette réalité en lumière. D’ailleurs plusieurs délits ont été commis par des armes emportées du Sylvergate en 1978 alors que ce navire était en rade à Port-Louis, des armes qui sont pour la plupart toujours dans la nature. En février 1982, un des revolvers volés aurait servi lors du hold-up du siège du Central Electricity Board à Curepipe, au cours duquel un jeune policier, Jean Nelzir, avait été abattu de sang-froid. La police avait retrouvé l’arme du braquage en décembre 1983. 

 

Un autre de ces revolvers aurait également été utilisé par Satanand Sembhoo lors de sa tentative d’assassinat sur sir Anerood Jugnauth en novembre 1988 dans un temple à Stanley. Arrêté, le suspect avait déclaré aux enquêteurs qu’il avait acheté son revolver d’un marin. Mais celui-ci, un Taurus 0.38 mm en provenance du Brésil, ressemblait à ne pas s’y méprendre à ceux emportés du Sylvergate. Les autres armes n’ont jamais été retrouvées à ce jour. Et les coups de feu ont continué à être tirés.

 

En 1996, plusieurs agents du MMM avaient été tués par balle à la rue Gorah Issac, en pleine campagne pour les municipales par des membres du défunt escadron de la mort. Et durant ces dix dernières années, des armes à feu ont aussi été utilisées à plusieurs reprises comme moyen d’intimidation, comme ce fut le cas à Plainte-Verte. Les habitants de Cité Barkly en savent aussi quelque chose. Il y a quelques années, deux gangs de gros bras s’étaient affrontés dans cette localité et des coups de feu avaient été échangés. Il y avait eu des blessés, mais les armes utilisées n’ont jamais été retrouvées. 

 

La police montrée du doigt

 

Autant d’armes en circulation à Maurice… mais comment en est-on arrivé là ? Selon un policier à la retraite, cette situation est le fruit d’un laisser-aller qui perdure depuis longtemps. Il pointe ses anciens collègues du doigt car plusieurs enquêtes n’ont jamais abouti : «Enn ta fizi ek bal inn disparet me zame pann retrouve. Dan zafer Gorah Issac ziska ler pa cone kot sa bann zarm la sorti. Ti ena osi enn ta zarm ki ti perdi dan biro enn compagnie de sekirite. À ce jour, ces revolvers sont toujours dans la nature.»

 

L’ancien membre de la force policière est très critique vis-à-vis de ses anciens pairs : «Est-ce que la police procède à un inventaire des vieilles armes ? Selon mes informations, plusieurs vieux revolvers de la police ont été vendus et sont aujourd’hui entre les mains des malfrats car ils n’ont pas été détruits.» 

 

Interrogé à ce sujet, le service de presse de la police joue la carte de la confidentialité. «La police a sa façon de conserver et de détruire ces armes. Tout se fait dans la transparence suivant des normes bien établies. Je ne peux pas vous donner d’autres détails pour des raisons évidentes. Je peux cependant vous dire qu’il y a des procédures bien claires pour obtenir une arme à feu. La loi est très limpide à ce sujet», explique le constable Dharmarajen Mooroogan.

 

Toujours est-il que, malgré la loi, de nombreuses armes sont en circulation illégale à Maurice. Selon nos informations, le plus gros réseau d’armes se trouverait à Camp-Thorel, à la route Bassin, Quatre-Bornes, et à Plaine-Verte. Un ancien membre de la défunte National Intelligence Unit confirme cet état de choses : «Il y a des gens qui sont en possession de lance-flammes, de grenades et de lance-grenades dans ce pays. Je crains le jour où ces armes seront utilisées. Aucun habitant des cités de Triolet et de Goodlands n’ont oublié ce qui s’était passé lors des émeutes de février 1999 où des maisons avaient été incendiées à coups de lance-flammes. Les différentes enquêtes policières n’ont rien donné à ce jour alors que le National Security Service sait très bien d’où ces armes proviennent.»

 

Autre interlocuteur, autre révélation hallucinante. Selon un gros bras des Plaines-Wilhems, il y a des équipes armées super entraînées dans plusieurs localités de l’île, notamment dans le Nord et des régions de Beau-Bassin/Rose-Hill, entre autres. La formation des hommes, dit-il, a été effectuée par des personnes qualifiées : «Les membres du réseau ont beaucoup d’expérience de combats. Ils ont, entre autres, été formés par des policiers et par des membres de différents commandos venant de l’étranger. Les séances d’entraînements se font dans des terrains de chasse privés et dans les bois à l’abri des regards.» Voilà qui n’est pas pour rassurer la population. 

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