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1 septembre 2015 21:14
Villas de luxe, plage de sable fin : Riambel a tout pour plaire. Ce village côtier du Sud fait rêver, tant le lieu est idyllique. Ici, la misère ne saute pas aux yeux. Pourtant. Il faut aller à la rencontre des lieux pour trouver ce qui se cache derrière l’image de carte postale. À quelques mètres seulement de la plage, la Cité des Dieux est loin d’être un gigantesque palace, contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire. Et les gens qui y vivent n’ont ni or, ni argent.
À Cité des Dieux, autrefois appelée African Town, la pauvreté règne en maître. Il y a environ quatre ans, plusieurs familles sont venues squatter les terres de l’État en y construisant des maisons en tôle. Sans eau ni électricité, le soir, certaines familles s’éclairent à la lueur des bougies. D’autres, plus chanceuses, empruntent de l’électricité à des habitants qui vivent non loin. Alors que, pour s’approvisionner en eau, elles doivent se rendre quotidiennement à un distributeur d’eau du gouvernement, situé à plusieurs mètres de leurs habitations de fortune.
La situation de ces familles va-t-elle bientôt connaître un dénouement heureux ? Showkutally Soodhun, ministre du Logement et des terres, a, lors d’une visite des lieux le mardi 18 août, annoncé que, d’une part, le gouvernement régularisera leur situation en leur offrant une portion de terre de 60 toises. De l’autre, elles bénéficieront du soutien de la National Empowerment Foundation et de la National Housing Development Company pour construire leur maison. De quoi rassurer les squatters de Cité des Dieux qui espèrent un avenir meilleur ? Ici, les avis sont mitigés.
Pamela Françoise, 42 ans, est mère de cinq enfants. Comme la plupart des habitants de Cité des Dieux, elle attend que sa situation soit régularisée. «J’ai rempli un formulaire, maintenant j’attends. Ici, la situation laisse à désirer. La maison s’inonde dès qu’il pleut. De plus, j’ai une fille diabétique de 12 ans à ma charge, ce n’est pas facile. Surtout sans eau, ni électricité», explique-t-elle. Au cœur de ce bidonville, les enfants ont, pour terrain de jeu, des petits sentiers d’eau boueuse. Sur notre route, nous croisons un ado qui fait le va-et-vient sur son vélo de fortune, pieds nus.
Blanche Coco, 46 ans, sillonne chaque jour ces mêmes sentiers pour se rendre au travail. Cette femme de ménage, qui travaille chez une famille d’un quartier huppé de Riambel, cultive l’espoir d’un avenir meilleur : «Je me suis également enregistrée pour avoir un lopin de terre. Le ministre a promis de régulariser notre situation. J’espère qu’il tiendra parole.» Ramona Simonette, elle, émet des réserves, alors que des questions se bousculent dans sa tête quant à la déclaration du ministre Showkutally Soodhun. Cette mère célibataire de 36 ans est la première habitante à s’être installée à Cité des Dieux. Elle a été témoin de son peuplement, de sa métamorphose. En ces lieux, elle a fait de la débrouillardise son maître mot. «Si pa trase tase», dit-elle.
Depuis janvier, elle tient un petit commerce de vente de légumes. «Je suis la seule à faire ce travail ici. Cela fonctionne, car le marché est loin. Je fais partie de ceux qui devraient avoir un lopin de terre. Mais quand, je ne sais pas, on ne nous a rien dit. Il faudrait plus de communication sur ce sujet. J’ai l’impression que depuis cette visite, il ne se passe rien. Nous a-t-on déjà oublié ?» se demande Ramona.
À quelques pas de sa maison, le même sentiment habite Maryline Salsane. Alors que son concubin, Jean Fricot, moins loquace, ne veut rien dire pour ne pas diminuer ses chances d’avoir un terrain. Contrairement aux autres familles, ce couple n’a fait aucun enregistrement pour avoir une portion de terre. Du coup, il ne sait pas s’il sera relogé. «Le ministre est venu. Certains ont eu des formulaires à remplir. Mais pas nous. On ne sait pas comment les choses se sont déroulées. Et je ne sais pas si je vais bénéficier d’un terrain ou si une équipe reviendra pour voir les familles. Nous vivons à quatre personnes dans une maisonnette en tôle qui s’inonde à chaque averse. De plus, je ne peux pas travailler pour cause de maladie. Mais au centre social de la localité, j’ai suivi des cours d’artisanat. Je fabrique des sandalettes, je fais de la broderie et des bouquets de fleurs. Mais où écouler mes produits ? La situation est compliquée», fait ressortir Maryline Salsane.
En attendant de voir la lumière au bout du tunnel, les habitants de Cité des Dieux, entassés dans leur maison en tôle, continuent de vaciller entre espoir et incompréhension. Cela, à quelques pas seulement des villas de luxe et de l’image de carte postale…
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