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Par Yvonne Stephen
30 septembre 2015 03:23
Des mots pour tracer les lignes d’une île désirée. Des actions pour leur donner du corps et du sens. Des échanges et des rencontres pour y apporter des couleurs, des idées et des envies. Prendre le temps de penser, de répondre à une question essentielle, existentielle même : vous rêvez de quelle île Maurice ? Mais aussi, œuvrer dans le concret, dans le quotidien et dans l’immédiateté. S’interroger sur ce qui ne fonctionne pas dans votre quartier. Ce qui vous tape sur les nerfs. Et qui vous fait pester contre les autorités. Ces petites choses qui bluz vos journées mais auxquelles vous finissez par vous habituer. Par la force des choses. Impuissant. Résigné. Linley Moothien connaît bien ce sentiment. Mais, il a décidé, avec la participation d’hommes et de femmes engagés, de faire bouger les choses grâce à la création du mouvement Citizens Participation.
Ce vent de changement, il espère le faire souffler dans sa localité (Sable Noir), d’abord, mais aussi dans les régions avoisinantes (Pointe-aux-Sables, Grande-Rivière, entre autres) et, pourquoi pas, dans le reste de l’île par la suite. Toutes les semaines, il sillonne les quartiers, avec les présidents des différentes forces vives, pour discuter avec les habitants, écouter leurs doléances et leurs souhaits afin de les compiler pour soumettre un dossier complet et détaillé aux autorités. Une route éventrée ? Un pont inutilisable ? Des soucis avec la collecte des déchets ? Tout est noté. Et des lettres sont envoyées régulièrement aux députés de la région et aux ministres.
Comme pour les mettre face à leur incapacité à résoudre des problèmes urgents : «On ne peut pas continuer comme ça. Il faut penser à nos enfants. Il est impensable de poursuivre avec ce système qui ne fonctionne pas. Nous verrons dans quatre ans ce qu’ils auront réalisé. Nous pourrons les mettre devant le fait accompli.» D’ailleurs, Linley et ses amis se cotisent pour payer le salaire d’une employée qui s’occupe de faire le suivi, de relancer les autorités et de toute la paperasse : «C’est la première fois qu’un tel mouvement s’engage dans la durée.» D’ailleurs, toutes les actions de ce mouvement sont autofinancées. Le Citizens Participation est-il l’embryon d’un parti politique ? Pas du tout : «Je n’ai rien à gagner, moi. Je le fais parce que c’est nécessaire, parce qu’on ne peut pas continuer comme ça.»
D’ailleurs, il n’y a pas de hiérarchie dans cette «association» qui ne veut pas, non plus, s’enregistrer à la Registrar of Associations. L’idée de départ ? Elle vient d’un ras-le-bol. Depuis les inondations du 30 mars 2013, un pont et un système d’évacuation d’eau sont en construction à Sable Noir. Pour l’instant, le projet est toujours un work in progress. Et malgré les correspondances et les démarches entamées, cela n’avance pas beaucoup plus vite : «On ne peut plus accepter que pour un trou qui se fait en trois heures, on prenne trois ans pour réparer. Et c’est partout pareil.» Partout, dans les régions qu’il sillonne, Linley Moothien tombe sur ces problèmes-là. Alors, il fait des plans, des dessins, note des explications et trouve même des solutions et fait parvenir le tout aux personnes – supposément – concernées.
Des heures de travail pour que les autorités bougent et fassent ce qui est nécessaire : «Je ne veux pas être pessimiste, mais je crois que rien ne bougera. Mais à la fin du mandat actuel, quand ils demanderont qu’on vote pour eux à nouveau, nous pourrons leur montrer tout ce qu’ils n’ont pas fait.» Pour comprendre la pensée derrière, il suffit d’écouter l’histoire de la rencontre entre Linley et Milate. La dernière arrivée de sa tribu canine composée de toutous rejetés : «Je suis sorti faire une course et je l’ai vue. Elle était parmi des déchets avec un bout de corde qui lui serrait la gorge. Combien de personnes sont passées devant elle sans la voir ? Combien de personnes avec des postes à responsabilité ?»
Linley et sa bande rêvent d’un retour de l’humanité. À une île Maurice bio : plus saine et plus propre… à tous les niveaux. Une écologie dans tous les domaines. Et il est prévu que des soirées soient organisées afin de développer la réflexion : «Pour discuter de l’île Maurice que l’on souhaite dans différents secteurs et comment on peut arriver à la construire sans trop compter sur les politiciens. Parce qu’avec eux, c’est une perte de temps.» De ces réunions larges ouvertes à tous (où tout est partagé : les opinions et le repas) aux réunions de quartier en passant par la collecte de doléances, Linley Moothien souhaite créer un véritable momentum dans le pays afin que cet esprit de changement collectif se propage partout à travers l’île. Que cette idée qui veut que le citoyen prenne sa vie et son quartier en main enflamme le cœur des Mauriciens : «Il est grand temps de ne plus avoir l’espoir que les politiciens changent quoi que ce soit. Par contre, il est nécessaire de prendre notre destin en main.»
D’oser les mots qui traceront les lignes d’une île désirée, les actions pour leur donner du corps et du sens. Et des échanges et des rencontres pour donner vie à ce pays rêvé…
En savoir plus
Vous avez envie d’en savoir plus et/ou de rejoindre ce mouvement ? Vous pouvez contacter Linley Moothien sur la page Facebook «Collectif Sablesnoir». Vous trouverez les prochaines dates des soirées de réflexion. Mais aussi la nouvelle date du Family Day (avec recueil de doléances) que Citizen Participations souhaitait organiser, aujourd’hui, dimanche 27 septembre. Mais faute d’avoir obtenu l’autorisation de la police, cet événement a été repoussé. «Mais nous allons l’organiser», précise Linley Moothien.
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