Analyser la culture sous toutes ses formes : comportementales, biologiques, communicatives et historiques. Telle est la profession de Claudia Pandolfo, anthropologue à l’Université de Milan-Bicocca, en Italie. Depuis janvier de cette année, elle a une mission : analyser et observer la situation des migrants de la classe ouvrière à Maurice. Celle-ci, explique-t-elle, a été mise en place dans le cadre d’un projet international financé par l’Union européenne, incluant les nouvelles formes de classe ouvrière dans l’économie mondiale.
Durant son séjour à Maurice, Claudia Pandolfo a observé les conditions des migrants et les changements liés à la globalisation qui ont lieu dans le marché du travail. «Les conditions des migrants n’ont jamais été les meilleures dans le monde. Il y a différents niveaux d’analyse. Suivant le fil politique ou économique, on peut soulever les conditions de vie quotidiennes et prendre en considération les changements culturels», observe notre interlocutrice.
Lors de sa recherche, Claudia Pandolfo a ciblé les Bangladais, les Malgaches et certains Mauriciens. Et elle a fait un constat : il y a beaucoup de préjugés sur la présence des immigrants. «C’est un peu inutile d’avoir une approche trop émotionnelle. Il faut bien considérer les structures et par la suite regarder comment les gens se situent dans celles-ci», précise Claudia Pandolfo.
Pourquoi Maurice ? Eh bien l’anthropologue explique que la situation mauricienne est différente de celle de l’Europe : «L’Europe, historiquement, a des populations indigènes, contrairement à Maurice qui est née comme une société d’immigration, multiculturelle et sans population autochtone. J’ai travaillé avec les migrants qui travaillent dans les usines, la construction et la boulangerie, les syndicats et les employeurs, pour connaître leurs propres conditions de travail. Les migrants arrivent dans la société pour des raisons qui leur sont propres et distinctes. En analysant le poste choisi, il est inévitable de découvrir les causes qui ont engendré ces choix.»
Autre observation : certains Mauriciens accueillent mal l’idée de remplacer la classe ouvrière par des travailleurs internationaux. Cette logique opposant les migrants et les Mauriciens est à son avis inutile. Les conditions de travail et les salaires bas sont à la base de leur refus. Le niveau de vie est plus élevé et en général, les prix des produits qu’on achète à Maurice ne sont pas les mêmes qu’au Bangladesh ou à Madagascar. «C’est pour cette raison que le salaire qu’un migrant considère convenable est inacceptable pour un Mauricien», explique l’anthropologue. Ce qui peut conduire à l’exploitation.
La pauvreté oblige certaines personnes, que ce soit les migrants ou les Mauriciens, à accepter toutes les conditions pour survivre. «Le vrai problème, c’est le manque de communication car souvent, les migrants ne connaissent pas bien les lois mauriciennes, donc ils ne comprennent pas que certains fois, leur salaire n’est pas correct», avance-t-elle.
Claudia Pandolfo s’arrête également sur certains aspects négatifs de la situation des migrants et de certains Mauriciens. Elle cite, par exemple, «la pression, qui baisse la confiance en soi, mais qui est aussi utilisée chez les migrants comme chez les Mauriciens». C’est une pratique qui ne dépend pas, dit-elle, de la nationalité des travailleurs, mais d’une mauvaise attitude de certains employeurs ou superviseurs : «C’est cette pratique que je considère comme néfaste.»
Pourtant, la présence des migrants est indispensable. La société étant faite de sous-parties, chaque petite pièce est nécessaire pour construire le grand puzzle de l’économie.