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Cogestion des Chagos : La proposition qui fâche… ou pas

11 août 2014

Navin Ramgoolam encadré par Barack et Michelle Obama, à la Maison Blanche.

Il aime bien ça, Navin Ramgoolam. Sortir des petits trucs de son chapeau de chef ! Des petites choses auxquelles les principaux concernés ne s’attendent pas. Comme une proposition de cogestion des Chagos, lors de l’US-Africa Leaders Summit, qui s’est tenu cette semaine aux États-Unis. Certains parlent déjà de cadeau empoisonné et de trahison. D’autres, d’idée bancale et irréalisable. Partager la responsabilité de l’archipel avec le géant américain est-il vraiment possible ? Opter pour cette solution ne bloquerait-il pas les chances des Chagossiens de rentrer chez eux ? Et qu’en est-il de la souveraineté de notre pays sur cet archipel ? Autant de questions qui ont alimenté les conversations politiques cette semaine.

C’est arrivé comme ça. Lors d’une rencontre avec Susan Rice, la conseillère à la sécurité nationale de la Maison Blanche. Navin Ramgoolam a évoqué une nouvelle «formule» : «(Elle) pourrait être dégagée par rapport aux Chagos à la manière de celle portant sur la cogestion de Tromelin par Maurice et la France. Cette formule ne devrait aucunement compromettre l’existence de la base américaine de Diego Garcia», peut-on lire dans un communiqué émanant du Bureau du Premier ministre. Il a également demandé à ce que Maurice soit partie prenante des négociations entre les Britanniques et les Américains concernant le renouvellement du bail de l’archipel des Chagos.

Ce qui retient l’attention, surtout, c’est cette idée de cogestion. Quelles en sont les modalités ? Impossible de le savoir pour le moment. Il ne s’agit pour l’instant que d’une idée, laisse-t-on entendre du côté des travaillistes. «Je n’ai pas compris ce déferlement de commentaires. Pourquoi juger aussi durement une proposition ? Les critiques ne sont que le résultat de magouilles politiques de plus», lance un député rouge. C’est vrai que la proposition de Navin Ramgoolam a créé le buzz cette semaine. Pour ou contre, chacun y allait de son petit commentaire. «Attendons voir. D’ailleurs, ce n’est pas vrai de dire que la cogestion remettrait en doute la souveraineté de Maurice», poursuit notre interlocuteur.

Pour Olivier Bancoult, la prudence est de mise. Le leader du Groupe Réfugiés Chagos, figure emblématique de la lutte pour le retour des Chagossiens dans leur archipel, préfère ne pas se prononcer pour l’instant : «Il faut consulter le comité exécutif d’abord.» Néanmoins, il lui semble qu’il y a un réel «manque de coordination» entre les différents acteurs du dossier Chagos. De quoi donner des munitions à l’opposition, véritable chien de garde ! Ça y est, le leader va tirer à tout va… Pas vraiment. Paul Bérenger est en mode zen.

Lors d’un point de presse hier, le chef de file du MMM a indiqué qu’il souhaiterait rencontrer Navin Ramgoolam pour discuter de cette cogestion (et d’alliance). C’est vrai que cette semaine les rumeurs de rapprochement ont perdu leur statut de rumeurs (voir hors-texte). Néanmoins, face à un Paul Bérenger tout doux, tout miel, l’autre opposition, celle qui ne fait pas – ou plus – dans la loyauté, a repris le flambeau. Mahmad Khodabaccus, le secrétaire général du PMSD, estime que cette cogestion serait une «traîtrise» envers les «frères chagossiens» : «Nous nous opposons fermement à la proposition faite par le Premier ministre. Proposer une cogestion des Chagos par Maurice et les États-Unis constitue une renonciation de nos revendications de souveraineté. Je trouve cela dramatique.»

Les Jugnauth, sir Anerood et Pravind, ont tenu plus ou moins le même discours lors du congrès du MSM, en fin de semaine à Midlands. L’ancien président de la République Cassam Uteem s’est également exprimé sur le sujet. Pour lui, le Premier ministre prend le dossier par le mauvais bout. Les aspects les plus importants sont le retour des Chagossiens sur leurs îles et la souveraineté de Maurice : «C’est une guerre politique. Depuis longtemps nous aurions dû avoir choisi l’option politique. À travers l’Union africaine, il faudrait ameuter l’ensemble des États en Afrique et tous les États qui sont solidaires avec les pays dits du tiers-monde et faire une lutte politique.»

Si concernant le dossier des Chagos, le combat n’est pas assez politique, ce n’est pas le cas des réactions liées à la proposition de cogestion. Néanmoins, pour certains observateurs politiques, il est plus qu’improbable que la proposition de Navin Ramgoolam intéresse les États-Unis. Mais tous ne sont pas du même avis. Le fait que le chef du gouvernement mauricien promette de ne pas contester la présence de la base américaine à Diego Garcia pourrait faire pencher la balance. À moins que Navin Ramgoolam réserve autre chose !

Il a dit aussi…

Navin Ramgoolam n’a pas parlé des Chagos qu’à Susan Rice. Il est aussi  intervenu sur le sujet dimanche dernier lors d’une rencontre organisée à Washington par l’African Presidential Centre et la firme d’avocats Nelson Mullins & Scarborough LLP.  «Il ne reste qu’une dernière initiative à prendre pour compléter la décolonisation du continent africain. Il s’agit de restituer l’archipel des Chagos aux Mauriciens», a-t-il déclaré. Pour adoucir ses propos, le chef du gouvernement a précisé que «Maurice reste un pays ami des États-Unis».



PTr-MMM : c’est chaud bouillant

Il n’attend qu’une chose : le retour de son désiré. Il lui demandera  alors une rencontre, à Clarisse House. C’est ce qu’a déclaré Paul Bérenger hier lors d’un point de presse. Avec Navin Ramgoolam, il prévoit de discuter de la cogestion des Chagos, de la situation dans le transport public et… d’alliance bien sûr. Sur la fréquence koz-koze, c’est visiblement le temps des mamours. Avant le désamour… encore ?  
Rappelez-vous les épisodes «on» et «off» concernant l’alliance PTr-MMM. La «frustration» quant aux points importants – pour concrétiser une coalition – approuvés et désavoués par Navin Ramgoolam. Tout ça, c’est visiblement de l’histoire ancienne. Aujourd’hui, Paul Bérenger parle de Navin Ramgoolam en ces termes : «J’ai d’excellentes relations avec lui.» Le leader du MMM a d’ailleurs indiqué qu’une assemblée des délégués se tiendrait le 31 août pour décider si le parti ira seul aux élections ou en alliance avec le PTr. Un nouvel épisode de la version locale des Feux de l’amour. À suivre…

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