Mais que se passe-t-il donc avec les œufs ? À cette question qui taraude les Mauriciens depuis plusieurs jours, quelques cas de figure, certains plus improbables que d’autres, émergent. Scénario numéro 1 : les poules pondent moins en hiver. Scénario numéro 2 : les Mauriciens consomment subitement beaucoup plus d’œufs parce qu’ils n’ont plus les moyens de manger autant de poulet, de poisson, de viande dont les prix sont de plus en plus exorbitants. Scénario numéro 3 : avec l’hiver qui bat son plein, les consommateurs se jettent sur les œufs pour faire le plein de protéine. Scénario numéro 4 : c’est une pénurie artificielle créée par des commerçants malveillants qui cachent les œufs en attendant que leurs prix augmentent.
Depuis la semaine dernière, les œufs sont WANTED partout à travers l’île. Aussitôt les étagères des supermarchés remplies, elles sont aussitôt vidées, à tel point que ceux qui arrivent à mettre la main sur un carton d’œufs ont le sentiment d’avoir gagné à la loterie. Pourtant, les producteurs et distributeurs affirment que leur production et leur distribution d’œufs sur le marché local sont restées inchangées et constantes. Le ministère du Commerce et de la Protection des consommateurs, après enquête, a même conclu qu’il n’y a pas de pénurie. Alors, d’où vient le problème ? Les Mauriciens en seraient-ils la cause en faisant du panic buying comme à l’époque de la Covid ?
Quoi qu’il en soit, cette situation plus ou moins inédite a le don de mettre dans tous leurs états les amateurs d’english breakfast ou d’omelette, mais embarrasse surtout les petits business de catering, de confection de gâteaux ou encore les petits cafés qui utilisent beaucoup d’œufs au quotidien. Sans compter l’augmentation du prix de l’œuf qui est passé de Rs 10 à Rs 13 chez plusieurs commerçants bien que les fournisseurs affirment que les prix de vente aux détaillants n’ont connu aucune augmentation depuis plusieurs mois.
Quand on offre un service dans le milieu de la restauration, difficile de faire sans œufs à moins que l’on fasse du végétarien ou du vegan. Laura Dureau, qui tient un petit service de catering, Les Caprices de Laura, avoue que le manque d’œufs sur le marché a des répercussions considérables sur son affaire. «J’utilise environ quatre plateaux d’œufs pendant le week-end, mais lorsque je vais au supermarché, je ne trouve que des packs de 10 ou de 12 et certaines fois, je n’en trouve pas du tout. Les œufs sont essentiels dans beaucoup de mes préparations et sans œufs, c’est difficile d’avoir la même texture et le même goût», confie la jeune femme.
Par manque d’œufs, elle a été obligée de revoir certains amuses-bouches qu’elle propose. «Normalement, je propose les œufs mimosa à mes clients, mais j’ai été obligée d’annuler certaines commandes et de les remplacer par autre chose. Le manque de communication en ce qui concerne la pénurie n’a pas arrangé les choses.» L’augmentation du prix de l’œuf a aussi contraint Laura Dureau à revoir ses prix pour rester rentable. «Certains clients réservent deux ou trois mois à l’avance et aller leur dire que finalement ils doivent payer plus cher alors qu’on était tombé d’accord sur un prix est difficile. Beaucoup ne veulent pas payer plus.»
La confusion qui règne autour du manque d’œufs, souligne la jeune femme, envenime la situation. «On vous dit qu’il n’y a pas de pénurie mais les étagères sont vides et il y a une limite sur le nombre de plateaux que vous pouvez prendre. Pour le moment, on fait comme on peut avec les moyens du bord, mais j’espère que cette situation ne va pas durer.»
Hemant et Bhoomika Ramphul de Cake’O’Licious ressentent eux aussi les effets du manque d’œufs. «Depuis deux semaines, nous avons remarqué que notre fournisseur nous donne moins d'œufs qu'avant. Même dans les supermarchés, on en trouve moins. Récemment, nous avons découvert que le prix des œufs avait augmenté. Cela nous a grandement affectés, car nous avons déjà pris de nombreuses commandes pour octobre, novembre et décembre, y compris des commandes spéciales pour des mariages, pour lesquelles nous ne pouvons pas revoir les prix.»
Dans la confection de leurs gâteaux, l’œuf est un ingrédient clé sur lequel ils ne peuvent pas faire l’impasse. «Cette hausse subite nous place dans une position difficile et nous sommes obligés de nous adapter rapidement. Nous devons désormais travailler avec de très faibles marges de profit afin de couvrir tous ces coûts. Cette situation rend difficile le bon fonctionnement de notre activité de pâtisserie et affecte également nos clients car nos produits sont plus chers», souligne Hemant.
Cependant, pas question de revoir la qualité de leurs gâteaux. «Malgré ces défis, nous restons déterminés à offrir à nos clients les mêmes pâtisseries de haute qualité. Nous explorons des solutions alternatives, comme nous approvisionner en œufs auprès de différents fournisseurs et trouver des moyens créatifs de réduire les coûts sans compromettre la qualité.»
Évoluant dans le même univers, Josheena et Anisha Puran, deux sœurs qui confectionnent des gâteaux sur commande et tiennent le café Jo&Ann Délice à Curepipe, sont confrontées aux mêmes challenges. Ces deux dernières semaines, affirment les deux jeunes femmes, ont été compliquées : «Avec notre café, où nous proposons des pâtisseries mais aussi des plats pour le petit-déjeuner et le déjeuner, nous utilisons beaucoup d’œufs au quotidien. Pour une génoise, nous utilisons 10 à 12 œufs. Sur une journée, nous utilisons environ 12 plateaux d’œufs. Il y a des jours, le marchand nous dit qu’on aura moins. Quand on se retrouve avec sept plateaux d’œufs au lieu de 10, on doit ajuster afin de pouvoir quand même faire tourner notre café. Ne pas en avoir suffisamment ou devoir payer plus cher les œufs a un impact considérable sur notre business.»
En effet, si elles payaient le plateau d’œufs entre Rs 175 et Rs 200 auparavant, disent-elles, le prix est désormais passé à Rs 300. «Nous payons plus cher les œufs, mais les prix des gâteaux restent les mêmes. En fin de compte, nous ne tirons plus autant de profit. Nous sommes les perdants», souligne Joshneena. Tout ce qu’elle espère, dit-elle, c’est que les personnes concernées trouvent des solutions et que la situation s’arrange rapidement.