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COP26 en Écosse : les engagements de Pravind Jugnauth à la loupe

9 novembre 2021

À Glasgow, le Premier ministre Pravind Jugnauth multiplie les initiatives pour alerter la communauté internationale sur le sort des petits États insulaires en développement (PIED) face à l’urgence climatique.

Les yeux du monde sont actuellement tournés vers l'Écosse. La conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26), un événement majeur qui réunit des dirigeants de tous les pays du monde afin de convenir de la manière d'intensifier l'action au niveau mondial pour résoudre la crise climatique, s'y tient, à Glasgow précisément, jusqu'au vendredi 12 novembre. Le sommet abrite ainsi, en ce moment, les négociations et discussions entre les différentes délégations car les conférences sont l'occasion pour les dirigeants des pays présents de faire des annonces sur leurs actions contre le réchauffement climatique.

 

Boris Johnson, le Premier ministre britannique, a précisé que si la COP26 sur le climat échoue à Glasgow, «tout échoue», insistant sur l’urgence à agir. Présent à ce sommet, Pravind Jugnauth – dont la participation est questionnée par certaines voix qui militent pour l'environnement sur le plan local du fait qu'il a présenté un Offshore Petroleum Bill à quelques jours de l'ouverture du sommet sur le changement climatique – a énoncé les engagements de notre île en faveur du climat d’ici 2030. Lors de sa prise de parole le lundi 1er novembre, le PM a rappelé l’urgente nécessité de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050, et a indiqué que le réchauffement de la planète et la montée du niveau de la mer représentent un défi existentiel pour les petits États insulaires comme Maurice.

 

Pravind Jugnauth a aussi pris plusieurs engagements à la COP26, soulignant que Maurice vise à réduire ses émissions de gaz à effet de serre par 40 % à l’horizon 2030. Il a expliqué que, pour y parvenir, le pays compte produire 60 % de son mix énergétique à partir des énergies vertes, éliminer progressivement le charbon dans la production de l’électricité et encourager l’économie circulaire en exploitant au moins 70 % des déchets dans le site d’enfouissement. Le Premier ministre a précisé que Maurice entend promouvoir l’utilisation des véhicules électriques et s’est aussi lancée dans un programme de plantation d’arbres à l’échelle nationale.

 

Des plans de soutien sont, par ailleurs, proposés aux agriculteurs pour accompagner leur transition vers une agriculture raisonnée. Pravind Jugnauth a également lancé un appel aux dirigeants de la planète pour que le Glasgow Package puisse se concentrer sur la mise en œuvre de l’engagement pour un financement climatique annuel de 100 milliards de dollars américains, avec un accès plus facile au profit des petits États insulaires en développement (PIED) et d’autres pays vulnérables à la crise du climat.

 

«Extinction de masse»

 

Cette actualité est suivie avec beaucoup d'attention par tous ceux qui militent pour l'écologie, dont David Sauvage de Rezistans ek Alternativ. Par rapport aux engagements qui concernent la réduction des émissions de gaz à effets de serre et le mix énergétique, il souligne que «l’énergie doit être déclarée comme un bien commun, hors du marché capitaliste, produite par le peuple et pour le peuple» : «Nous faisons face à la sixième extinction de masse, la plus grande contribution que Maurice puisse faire à notre planète concerne la protection de la biodiversité. Maurice doit signer et faire l'ensemble des organisations dont elle est membre (UA, SIDS, COI, etc.) signer le traité de non prolifération des énergies fossiles (https://fossilfueltreaty.org/).»

 

Pour le militant écologique, «ce gouvernement ne va pas dans le sens de l’Histoire avec l’Offshore Petroleum Bill qui fait honte aux peuples de l’océan Indien. Les Environmentally Sensitive Areas (ESAs) doivent être mises dans le domaine public et dans leur écosystème restauré. La Zone économique exclusive (ZEE) de la République de Maurice doit être déclarée comme patrimoine mondial de l'humanité, avec la pêche industrielle interdite, et zone de paix démilitarisée. La République doit avoir des relations multilatérales avec tous les peuples et n’être soumise à aucune puissance coloniale ou néocoloniale».

 

Les volets économie circulaire et gestion des déchets dans le discours du PM retiennent aussi son attention. «Une économie écologique est d’abord une économie démocratisée. Nous dénonçons avec force le fait que les projets du gouvernement suivent encore une fois l’agenda du grand capital dans les domaines de l'économie circulaire et du tri des déchets», explique-t-il, avant de commenter une autre partie des engagements du Premier ministre : le programme de plantation d’arbres. «Nos forêts endémiques sont réduites à une peau de chagrin, surtout lorsqu’on fait les calculs par rapport aux canopées en bonne santé. Il faut faire de la reconquête écologique, enlever les espaces végétaux invasifs – goyave de Chine, arbre du voyageur – mais aussi faire nos universités étudier et adresser la question des animaux introduits par l’homme, notamment les rongeurs, qui posent problème concernant la restauration des forêts endémiques. L’introduction du service écologique obligatoire peut aider dans cet effort national à mettre en place.»

 

D'autres aspects du discours de Pravind Jugnauth, comme les plans de soutien proposés aux agriculteurs pour accompagner leur transition vers une agriculture raisonnée, l'interpellent, tout comme sa proposition concernant l'usage du Glasgow Package de 100 milliards de dollars : «Les 11 300 milliards de dollars accumulés dans les paradis fiscaux doivent être saisis et alloués aux peuples des pays du Sud. Les technologies en rapport avec la crise écologique doivent être ouvertes. L'état d'urgence planétaire doit être voté par les Nations Unies et une instance permanente doit être mise en place pour adresser la crise écologique. De même qu'il existe des lois et instruments pour empêcher le blanchiment d'argent, nous sommes dans une telle situation d'urgence que nous devons avoir des mécanismes pour empêcher les flux financiers qui ne contribuent pas à adresser la crise écologique d'opérer. Enfin, les fonds des Nations Unies doivent pouvoir aller jusqu'aux peuples sans être capturés et détournés par les gouvernements et des conglomérats.»

 

Nicolas Leong, Mauricien installé au Japon et qui évolue dans le domaine de l'énergie pour la région Asie du Sud-Est, s'est aussi senti bien concerné par le discours du PM. «Pour moi, le CEB devrait envisager de convertir les centrales électriques au fioul lourd (HFO) existantes en centrales électriques au gaz, plus efficaces et plus propres. Le gouvernement devrait également encourager davantage de développeurs et de propriétaires industriels internationaux et locaux à investir dans des centrales solaires photovoltaïques et des systèmes de stockage d'énergie», souligne-t-il.

 

Ce discours de Pravind Jugnauth a aussi été décortiqué par le très engagé Krishna Pentayah du collectif Sov Lanatir. «Work Together To Deliver fait partie des principaux objectifs que la COP26 souhaite atteindre. Le sommet a décrit concrètement le terme comme tel : “Nous devons transformer nos ambitions en actions en accélérant la collaboration entre les gouvernements, les entreprises et la société civile pour atteindre nos objectifs climatiques plus rapidement.” Mais suivant le discours du Premier ministre et des réactions des ONG, des intellectuels et des universitaires de l'île Maurice, il semble que ce ne soit pas le cas en ce moment. Des Nationally Determined Contributions (NDCs) telles que réduire les émissions de gaz de 40 %, atteindre 60 % d'énergie verte dans notre mix énergétique et l'élimination progressive du charbon dans la production d'électricité semblent inaccessibles sans vraiment travailler ensemble en toute transparence. L’Offshore Petroleum Bill n'aide pas. Une étude de faisabilité a-t-elle été réalisée et communiquée à la société civile ? Dans quelle mesure le projet de loi, s'il était adopté en une loi, contribuerait davantage au réchauffement climatique ? Combien cela coûterait-il au pays ? Au lieu de l'Offshore Petroleum Bill, nous devrions nous concentrer sur l’Offshore Wind Energy si nous voulons atteindre nos objectifs NDC d'ici 2030», nous confie le jeune homme, étudiant en ingénierie mécanique à l’UoM, à l'heure où les yeux du monde sont tournés vers l'Écosse.

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