Publicité
14 février 2016 23:21
«Quellemère laisserait mourir son enfant ? Si je n’avais pas la conscience tranquille concernant le meurtre de Stacey, je ne serai plus de ce monde depuis longtemps.» C’est ainsi que Béatrice-Rouillon Sookur répond aux témoins de la poursuite qui ont défilé à la barre lors du procès aux assises intenté à son mari Jayraj Sookur pour le meurtre sa fille Stacey Henrisson. Étiquetée de «mère irresponsable»qui n’a pas été à l’écoute de sa fille qui avait «un immense besoin d’aide»et qui ne l’a «pas protégée», Béatrice vient aujourd’hui dire haut et fort qu’elle a la conscience tranquille.
«Je n’ai aucun sentiment de culpabilité envers Stacey. Ma conscience est claire. Tout ce qu’on a pu dire sur moi m’a beaucoup touchée et m’a fait très mal», confie-t-elle, les larmes aux yeux, lorsque nous la rencontrons dans la grande maison de sa défunte fille à Pointe-aux-Canonniers, peu après l’énoncé du verdict par le juge Benjamin Marie-Joseph en cour d’assises. En ce jeudi 11 février, le juge a annoncé que Jayraj Sookur, trouvé coupable par le jury le 5 février, purgera une peine de prison à vie, qui équivaut à 60 ans.
Pour justifier la sentence, le juge Benjamin Marie-Joseph a pris en compte la gravité de l’offense et les circonstances dans lesquelles la victime a été tuée, le 5 mars 2012, avant d’être retrouvée, en état de décomposition avancée, dans un sac au fond d’un ravin à Plaine-Champagne, le 13 mars 2012 (voir hors-texte). Béatrice Rouillon-Sookur, qui estime avoir toujours été aux côtés de sa fille, se dit soulagée que justice ait été rendue à celle-ci et que son époux ait été condamné. «Il le mérite pour tout le mal qu’il a causé.»
Vêtue d’un haut noir et d’un pantalon rouge, la maman de Stacey nous reçoit devant l’entrée de la demeure de son défunt ex-époux, Wills Henrisson, que ce dernier avait léguée à sa fille à sa mort en 2011. Ses cheveux bruns relevés en chignon laissent échapper quelques mèches ondulées qui encadrent des traits complètement tirés. Dans ses yeux bleus, on peut lire de la tristesse. Peu à peu, l’émotion la submerge. Des larmes lui viennent aux yeux. «Les gens me jugent. Personne n’essaie de comprendre ma souffrance. Les gens ne font que se demander pourquoi je n’étais pas en cour lors du procès de ma fille, lors de l’énoncé du verdict et de la sentence. Les questions fusent. Mais tout le monde refuse de comprendre. Je suis aussi une victime dans toute cette affaire. Jayraj m’a manipulée», lâche-t-elle d’une petite voix entrecoupée de sanglots.
Elle avance qu’elle a beaucoup souffert tout au long du procès intenté à son mari Jayraj Sookur. «Je ne voulais pas le revoir. Il a détruit la vie de ma fille, la vie de notre famille. Plus rien ne sera comme avant. Cet homme a tout manigancé dans mon dos. Il a toujours projeté l’image d’un homme bon et surtout très pieux. Je croyais le connaître. Mais aujourd’hui, je me rends compte que c’est quelqu’un d’inhumain pour avoir pu tuer ma fille et jeter son corps dans les bois. Un humain ne peut pas faire ce genre de choses.»
Sa vie, dit-elle, est devenue un cauchemar depuis le drame. Quand on lui demande si elle arrive à dormir le soir, elle répond qu’il lui est quasiment impossible de fermer l’œil la nuit. «Je ne jouis plus d’une bonne santé. Je ne vis plus. Je survis. Je me suis réfugiée dans la prière pour tenter de surmonter tout cela. La famille m’est aussi d’une grande aide», ajoute-t-elle. Et son fils, issu de l’union entre elle et Jayraj Sookur, comment se porte-t-il ? En décembre dernier, sa grand-mère Margaret Rouillon, la mère de Béatrice, était alarmée le concernant. «Il dit à chaque fois qu’il veut mourir pour rejoindre sa sœur», nous disait-elle. Mais selon Béatrice, il va beaucoup mieux depuis :«Il va à l’école et mène une vie normale. Il n’est pas suivi psychologiquement. Il est courageux.»
Le chagrin de cette mère ne semble pas feinte mais une chose, parmi d’autres, intrigue dans toute cette histoire : quatre ans après le drame, Béatrice Rouillon-Sookur n’a enclenché aucune procédure de divorce et porte toujours le nom de l’assassin de sa fille. Attendait-elle que son mari soit condamné pour entamer les démarches en ce sens ? N’est-elle pas gênée de toujours porter le nom de celui qui a froidement assassiné sa fille unique ? Autant de questions qui resteront sans réponse. La mère de Stacey précise juste qu’elle a «l’intention de demander le divorce dans un proche avenir».
Mais plusieurs personnes qui côtoyaient Stacey et sa famille mettent en doute son intention de demander le divorce. Elles décrivent Béatrice Rouillon-Sookur comme étant une personne «intéressée par l’argent»et «manipulatrice». «Toutes les preuves étaient contre son mari. Une mère digne de ce nom aurait demandé le divorce immédiatement. Mais au bout de quatre ans, elle n’a pas jugé nécessaire de faire cette démarche. On a l’impression que tout ce qui l’intéresse, c’est l’argent. C’est dommage que la police n’ait pas enquêté davantage sur cette femme. Elle aurait dû tomber pour non-assistance à personne en danger. Elle savait que Stacey était en danger. Mais elle a choisi de fermer les yeux et n’a pas écouté ce que sa fille avait à lui dire», nous confie un proche de Stacey Henrisson.
Lors du procès, Hugues Vitry, un témoin de la poursuite et voisin de la victime, avait également avancé que l’adolescente l’appelait parfois plus de 20 fois par jour. «C’est qu’elle avait vraiment besoin de se confier. Et elle me disait que sa maman refusait de l’écouter. Stacey se confiait aussi à une de ses enseignantes. Cette dernière avait à mon avis, bien plus d’affection pour Stacey que sa propre mère.» Une déclaration que réfute Béatrice Rouillon-Sookur qui assure qu’elle était très proche de sa fille et qu’elle n’était nullement intéressée par son argent.
Mais une autre personne qui connaissait bien la famille estime aussi que c’était le cas. «Alors que le père de Stacey était admis en clinique, elle est allée lui rendre visite. Elle voulait s’assurer que tous les documents concernant ses biens étaient à jour et que tout avait bien été mis au nom de Stacey. Ce jour-là, Béatrice était accompagnée de Jayraj Sookur», confie notre source. Elle avance aussi que juste avant la mort de Wills Henrisson, Béatrice avait téléphoné à sa fille pour lui demander de ramener les documents qui la désignaient comme son unique héritière.
«Stacey avait beau lui dire qu’elle allait mal et que le moment était mal choisi pour parler de ces choses-là, sa maman insistait et j’étais terriblement peinée pour Stacey. Depuis la mort de son père, la vie de cette gamine pleine de vie avait changé du tout au tout. Elle était privée de nourriture chez Jayraj Sookur. On l’obligeait à manger seulement des légumes. Elle n’avait plus d’argent pour s’acheter quoi que ce soit. C’est dire à quel point elle était maltraitée, elle qui n’avait jamais manqué de quoi que ce soit lorsque son père était toujours en vie.»
Selon Clude Henrisson, le frère de Wills Henrisson, Béatrice Rouillon-Sookur a épousé celui-ci, qui est également son cousin germain, alors qu’elle n’avait que 17 ans. De cette union est née Stacey. Mais Clude Henrisson, c’est son frère qui passait le plus clair de son temps à s’occuper de sa petite fille. «À l’époque, ils habitaient au-dessus du magasin de mon frère. Ce dernier a commis l’erreur de sa vie en épousant cette femme. Elle avait même quitté le toit familial alors que Stacey avait seulement 2 ou 3 ans. Et Wills l’avait ramenée à la maison quelque temps après», raconte une autre source.
Le couple continuait à battre de l’aile. Un beau jour, Béatrice souffrant de quelques problèmes de santé, son mari l’a conduite chez Jayraj Sookur pour qu’elle se fasse soigner. Très vite, une histoire d’amour a débuté entre les deux et Béatrice a convolé en justes noces avec Jayraj Sookur en 2011. «Elle croyait que cet homme allait lui offrir une vie meilleure. Mais il a pris la vie de sa fille.»
Un «conte de fées» qui s’est achevé de façon brutale et tragique. Et aujourd’hui, malgré ce que les uns et les autres disent sur elle, Béatrice Rouillon-Sookur affirme qu’elle souffre le martyre depuis la mort de sa fille et qu’elle ne veut plus entendre parler de son mari. «Je ne l’aime plus», conclut-elle.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15026","attributes":{"alt":"","class":"media-image","height":"320","typeof":"foaf:Image","width":"480"}}]]
Les preuves réunies contre Jayraj Sookur dans l’enquête sur le meurtre de sa belle-fille Stacey Henrisson étaient des plus accablantes. Et l’avocat de la défense, n’ayant pas été en mesure de les contester, le juge Benjamin Marie-Joseph a, peu avant l’énoncé de la sentence, avancé qu’il ne «voyait aucune raison pour laquelle l’accusé devrait écoper d’une peine de prison de moins de 60 ans». Pour justifier cette sentence, il s’est basé sur les circonstances entourant la mort tragique de l’adolescente, âgée de 17 ans au moment de son assassinat. «L’accusé était le beau-père de la jeune fille. Six mois avant la mort de cette dernière, elle avait perdu son père. Et son beau-père, au lieu de la protéger et de lui donner de l’affection, a choisi de lui ôter la vie de la pire façon qui soit. Pour se défendre, il n’a pas hésité à blâmer sa belle-fille, arguant qu’elle avait un mauvais comportement, qu’elle consommait de l’alcool et qu’elle avait une relation homosexuelle avec une de ses amies. Mais les preuves présentées et les circonstances montrent que la raison probable pour laquelle l’accusé a tué la victime était dans le but de faire main basse sur son héritage.»Le juge Benjamin Marie-Joseph a aussi ajouté que l’accusé «n’a montré aucun signe de remords».
Dans sa plaidoirie précédent la sentence, Me Mehdi Manrakhan, avocat de la poursuite, n’avait pas mâché ses mots, disant que Jayraj Sookur devait être habité par le «diable»pour avoir tué Stacey de manière aussi froide avant de balancer son corps comme celui «d’un animal»dans un ravin à Plaine-Champagne. Il a demandé à la cour de lui infliger la sentence maximale, soit la peine de 60 ans de prison. Après l’énoncé de celle-ci, il s’est dit «très soulagé et satisfait que le juge Benjamin Marie-Joseph ait appliqué la peine maximale à Jayraj Sookur».Et de poursuivre : «Il fallait envoyer un signal fort car trop de gens tuent leur prochain en toute impunité. Stacey avait toute la vie devant elle. Mais elle a été tuée froidement et de manière sordide.»
L’avocat de la défense a, pour sa part, dans sa plaidoirie de pré-sentence, demandé à la cour d’infliger une peine ne dépassant pas 20 ans de prison à son client Jayraj Sookur. Et de prendre en considération l’âge de la victime et le témoignage d’un représentant de la prison qui faisait état de la bonne conduite de Jayraj Sookur en milieu carcéral, tant envers ses compagnons de cellule qu’envers le personnel pénitencier. Allant plus loin dans sa plaidoirie, Me Avineshwur Raj Dayal a souligné le fait que les membres du jury ne s’étaient pas prononcés sur le motif du meurtre de Stacey Henrisson. «Mon client a toujours clamé haut et fort son innocence dans cette affaire. Il compte faire appel de la sentence qui lui a été infligée», nous a déclaré l’homme de loi.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15025","attributes":{"alt":"","class":"media-image","height":"320","typeof":"foaf:Image","width":"480"}}]]
Elle aurait fêté ses 21 ans le 8 février si elle était toujours de ce monde. Et pour rendre hommage à l’adolescente pleine de vie qu’était Stacey Henrisson, quelques proches et amis se sont réunis dans la cour du Plaza à 9 heures hier, samedi 13 février, et ont marché en direction de l’église St Thomas, à Beau-Bassin, pancartes et banderoles en main. Pour dénoncer cet acte atroce qui leur a privé de leur petit ange et dire encore une fois leur tristesse. À 11 heures, une messe d’action de grâce a été dite en mémoire de la jeune fille, suivie d’un dépôt de gerbe sur la tombe de celle qui repose au cimetière située dans la cour de l’église St Thomas.
Publicité