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Par Yvonne Stephen
23 novembre 2015 13:40
Petite halte désagréable. En bord de route, il n’y a pas que des choses intéressantes à faire. Surtout quand on a changé de lane (du pouvoir à l’opposition). Les rencontres n’y sont pas toujours sympathiques. Anil Bachoo le sait un peu plus, en ce moment. Pourtant, il avait freiné sa vie politique, se consacrant à une existence loin des projecteurs (en attendant la suite de l’affaire Betamax où il a déjà été arrêté et est en liberté conditionnelle). Néanmoins, l’enquête sur des contrats accordés par la National Development Unit (NDU) après les inondations de 2013 a, elle, appuyé sur le champignon. Conséquence de cette dissonance : l’ancien ministre des Infrastructures publiques a pris un morceau d’asphalte dans les dents. Ça fait mal ! Et ça sent la «machination politique», selon un de ses avocats, Me Rama Valayden.
Une souffrance qui fissure l’armure de béton de celui que certains appellent avec une tendresse dissimulée, Anil… Béton. Il a comparu devant la Bail and Remand Court à Port-Louis, hier, samedi 21 novembre. Deux charges provisoires ont été retenues contre lui : complot et Breach of Public Procurement Act. Et l’ex-numéro 4 du gouvernement Ramgoolam n’a pas caché son émotion quand il s’est adressé à la presse : «Nos intentions étaient nobles, nous voulions vraiment aider les gens. Or, on vient dire aujourd’hui que j’ai donné des directives que je n’aurais pas dû donner. C’est inacceptable. Je n’ai pas fait d’erreur dans ma vie. Je n’ai commis aucun crime.» Séquence émotion : à vos drains ! Anil Bachoo a dû s’acquitter d’une caution de Rs 50 000 et signer une reconnaissance de dette de Rs 500 000.
Mais il a dû, surtout, faire face à une situation qui l’a profondément perturbé : «Depuis 38 ans que je fais de la politique, c’est la première fois que je vois une telle façon de faire.» Car sur l’autoroute de ces derniers événements, il y aurait des nids de poule difficiles à éviter. Des influences venues d’ailleurs. Une machination politique contre son client, un viol même, selon Me Rama Valayden qui compte saisir le National Human Rights Council et alerter les associations militant pour les droits humains ainsi que Geoffrey Robertson. Sur le bus stop des accusés : les virages incontrôlés des policiers du Central Criminal Investigation Department (CCID). Pour comprendre ce que l’homme de loi leur reproche, il est nécessaire de faire marche arrière.
Regard dans le rétroviseur. C’est le vendredi 20 novembre qu’Anil Bachoo est convoqué aux Casernes pour l’enquête sur des contrats de Rs 500 millions accordés après les inondations de 2013. Quelques jours plus tôt, Girish Gunesh, ancien responsable administratif de cet organisme, avait confié aux enquêteurs avoir reçu des directives «from higher quarters» pour allouer des contrats additionnels sans l’aval du Conseil des ministres. Suite à ces allégations, Anil Bachoo réagit. L’ancien ministre déclare que chacun doit faire face à ses responsabilités. Au guard room du CCID, c’est donc ce qu’il fait ce vendredi-là. Néanmoins, après plusieurs heures dans ces locaux, où le principal concerné décide de faire appel à son droit au silence, les hommes de loi d’Anil Bachoo s’indignent que les policiers refusent d’indiquer quelles sont les charges retenues contre leur client.
Aux alentours de 17 heures, la nouvelle tombe : il sera dirigé vers le centre de détention de Moka. Et c’est dans le guard room que l’ancien ministre craque, selon une personne présente à ce moment : «Il était au bord des sanglots.» L’idée de passer une nuit en cellule, c’est la fissure de trop ! Très vite, ses avocats le calment et lui assurent de tout leur soutien. Pour Rama Valayden, il s’agit de «tactiques dilatoires» : tout a été orchestré afin qu’Anil Bachoo ne puisse pas être présenté à temps devant la Bail and Remand Court. «La police a suivi des ordres venus d’en haut», estime-t-il.
Néanmoins, Anil Bachoo sera ramené aux Casernes centrales quelques minutes après son arrivée à Moka. Contre toute attente, la police a décidé de libérer l’ancien ministre sur parole en début de soirée. «C’est du jamais vu !» lance Me Valayden, lors de la conférence de presse organisée quelques minutes après la fin de cette longue journée. «This whole process smacks of a political ploy against my client to destroy his reputation, credibility and deeply hurt his fabric as a person», écrit l’homme de loi dans une lettre adressée au commissaire de police avant le dénouement. Quelques voix s’élèvent au sein des Rouges pour dénoncer la façon de faire des autorités.
Mais l’ancien ministre ne bénéficie pas d’une vague de soutien (à la Navin Ramgoolam). Une halte bien désagréable pour Anil Bachoo qui devra visiblement se préparer à d’autres.
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