Publicité

David Cité arrêté pour «sextorsion» : Comment le présumé pervers aurait piégé ses victimes

28 août 2017

Un homme respectueux, serviable, sans histoire. C’est comme cela que David Cité est décrit par ses proches (voir hors-texte). Pourtant, le jeune homme de 27 ans fait l’objet d’une charge provisoire de sextorsion et aurait «partly confess» les faits qui lui sont reprochés, selon une source policière. Il a été arrêté le jeudi 24 août, sur son lieu de travail à Beau-Bassin. A-t-il le profil d’un pédophile ? C’est ce que tentent de déterminer les limiers de la Cyber Crime Unit (CCU) du Central Criminal Investigation Department (CCID), avec l’aide du Department of Homeland Security (DHS), filiale du Federal Bureau of Investigation (FBI), basée à Pretoria. 

 

Le même jour, une descente a été effectuée à son domicile. Son ordinateur, quatre téléphones portables, une carte mémoire, un hard disk externe et une caméra ont été saisis pour les besoins de l’enquête. L’analyse de ces objets est prévue cette semaine et les enquêteurs vont officiellement consigner la version du suspect demain, lundi 28 août, en présence de son avocat, Me Yatin Varma (voir hors-texte). Des éléments qui devraient permettre aux enquêteurs de déterminer le modus operandi de David Cité. Pour l’heure, ils seraient déjà sur une piste. 

 

D’après les enquêteurs, David Cité aurait commencé ses activités fin 2016 et aurait sévi à plusieurs reprises en avril de cette année. Une source policière nous explique qu’il envoyait des friend requests à travers le réseau social Facebook à de jeunes filles en utilisant de faux profils (14 au total). Sa demande d’amitié acceptée, le suspect, un habitant de Cité Barklyemployé commeMaintenance Officer dans une usine, aurait commencé, toujours selon notre source, par échanger des conversations amicales afin de mettre en confiance ses victimes, des filles âgées de 10 à 15 ans. 

 

Au bout de plusieurs messages, la police soupçonne que celui qui se ferait notamment passer pour une adolescente blonde envoyait une photo topless à ses interlocutrices avant de leur demander d’en faire de même. Et c’est là que le chantage aurait commencé. Notre source nous explique que le suspect envoyait une autre demande d’amitié à la même personne via un autre faux profil. Cette nouvelle demande acceptée, il demanderait à sa victime si elle connaissait la personne du premier faux profil. Si la réponse était oui, il lui envoyait une photo d’elle nue et menaçait de la publier sur Facebook si elle ne lui envoyait pas d’autres clichés. Quand les victimes se sont rendu compte qu’elles ont été piégées, certaines ont posté des messages de désespoir sur Facebook

 

C’est d’ailleurs ce qui a mis la puce à l’oreille des administrateurs de ce réseau social qui comptait plus de deux milliards d’utilisateurs dans le monde en mai. Du coup, ils compilent un dossier et se rendent compte qu’une même personne se cachait derrière ces sextorsions, des échanges entre le suspect et ses victimes à l’appui. Les administrateurs décident de dénoncer ces cas à plusieurs agences américaines, dont le FBI. À son tour, cette instance alerte sa filiale à Pretoria, le DHS. 

 

Ce sont les enquêteurs de cette unité qui sont remontés jusqu’à David Cité grâce à son adresse Internet Protocol (IP), numéro qui identifie chaque ordinateur connecté à Internet. Le bureau du commissaire de police a, lui, été informé il y a deux semaines dans une correspondance officielle. Mario Nobin a alors demandé à Devanand Reekoye, patron du CCID, de mettre une équipe de la CCU sur cette affaire. 

 

Cette unité de la police criminelle mauricienne n’a pas tardé à découvrir comment le présumé pédophile de Cité Barkly opérait pour piéger ses nombreuses victimes, une cinquantaine au total. Trente-cinq d’entre elles seraient des Mauriciennes. D’autres vivraient à La Réunion, aux Seychelles, à Rodrigues, au Bénin, en Belgique ou encore en France. 

 

Cependant, les proches du suspect soutiennent qu’il est innocent (voir hors-texte). La version de David Cité, attendue demain, est donc déterminante pour la suite de l’enquête. 

 

L’inspecteur Bundhoo : «Les parents ont un rôle important à jouer»

 

La Cyber Crime Unit tire la sonnette d’alarme. Robin Bundhoo, inspecteur de police affecté à cette unité du Central Criminal Investigation Department, explique que le sextorsion est un délit qui peut être évité. Selon lui, «les parents ont un rôle important à jouer. Ils doivent avoir le contrôle sur la technologie. Ils doivent bannir, par exemple, les portables et tablettes pendant les dîners familiaux. Ils doivent communiquer avec leurs enfants pour éviter que de tels drames se produisent.»

 

Yatin Varma : «Mon client va s’expliquer cette semaine»

 

Ses services ont été retenus pour assurer la défense de David Cité. Yatin Varma et son client ont eu une première séance de travail le vendredi 25 août. Interrogé sur la charge qui pèse sur ce dernier, l’avocat nous a fait la déclaration suivante : «Je confirme que j’ai eu une première rencontre avec mon client de même que les enquêteurs. Mon client va s’expliquer cette semaine. Nous serons fixés par la suite.»

 

David Cité fait l’objet d’une charge provisoire de sextorsion. Ce délit consiste à faire de l’extorsion via Internet pour obtenir des faveurs sexuelles ou de l’argent. Ce crime est condamnable sous l’Information Communication Technology Act. Cette loi stipule qu’une personne risque une amende de Rs 1 million et une peine d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans si elle utilise un outil informatique pour transmettre un message à caractère sexuel. Les faux profils créés sur Facebook pour faire du chantage sont également punissables par la loi. Les coupables risquent une amende de Rs 200 000 et une peine de prison allant jusqu’à 20 ans.

 

Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children : «C’est aux parents de bien éduquer leurs enfants»

 

«Il est du devoir des parents de bien éduquer leurs enfants pour qu’ils ne tombent pas dans ces pièges-là et pour qu’ils n’utilisent pas les réseaux sociaux pour les mauvaises raisons. Il est primordial pour les parents de bien encadrer leurs enfants lorsqu’ils utilisent Internet. Bien souvent, ils se disent qu’il s’agit d’un outil pour étudier mais nombreux sont les enfants à ne pas l’utiliser pour ces raisons. Les parents doivent les sensibiliser sur leurs droits et surveiller avec attention comment ils utilisent Internet, même si leurs enfants viennent à penser qu’ils cherchent à jouer le rôle de police.»

 

Steeven Cité : «Mon frère n’est pas un sadique»

 

Sur son casier judiciaire, il n’y avait pas l’ombre d’un délit. Car jusqu’ici, David Cité n’avait jamais eu aucun démêlé avec la justice. D’ailleurs, à Résidence Barkly où il habite, son voisinage le décrit comme un jeune homme respectueux, toujours prêt à rendre un petit service. Mais depuis le jeudi 24 août, la réputation de David Cité a pris un sale coup. Il est soupçonné d’avoir piégé des mineures âgées entre 10 et 15 ans sur Internet. 

 

Mais pour sa famille, David Cité n’a rien de ce grossier personnage.«Mon frère n’est pas un pervers», lance son frère aîné Steeve.«Il se concentrait sur sa vie de couple. Il vient de se marier civilement», ajoute-t-il, sous le choc. Steeven Cité avoue avoir été extrêmement surpris par l’arrestation de son benjamin, un homme jusqu’ici sans histoire. «Il a étudié jusqu’à la Form V avant de s’inscrire à une école technique pour apprendre l’électrique», nous dit Steeven Cité. Ensuite, le suspect a approfondi ses connaissances en électrique sur des chantiers. Il est jusqu’à présent employé comme Maintenance Officer dans une usine textile. Et il y a trois ans, il a rencontré le grand amour en la personne d’une ouvrière malgache. «Il a fait sa connaissance sur son lieu de travail. Ils ont noué une belle amitié qui s’est transformée en amour. Ils se sont mariés civilement en juin de cette année. Depuis, ils vivaient ensemble chez notre mère et économisait afin de pouvoir s’acheter une maison de la NHDC.»

 

De plus, nous dit le frère aîné, l’emploi de David, entre night et day shift, lui laisserait très peu de temps libre. «Il ne passe pratiquement pas de temps devant son ordinateur. Je me demande à quel moment il aurait pu commettre ce dont on l’accuse. De plus, il y a quelques mois, il a été victime de piratage sur Facebook. On se demande si cela a un lien avec tout ce qui se passe actuellement», s’interroge notre interlocuteur. Quoi qu’il en soit, dit-il, il laisse la justice faire son travail. «Si jamais mon frère est trouvé coupable, il devra demander pardon à ses victimes.» David Cité est pour l’heure détenu au Moka Detention Centre en attendant sa prochaine comparution.

 

 

Jean Marie Gangaram, Laura Samoisy et Elodie Dalloo

Publicité