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«De nouvelles drogues détruisent des familles entières»

17 juin 2015

Dean Rungen : «De nouvelles drogues détruissent des familles entières»

Si je vous dis «C’est pas bien», que me répondez-vous ?

 

Je vous réponds que c’est une substance de synthèse qui fait, en ce moment, de gros ravages. C’est une drogue qui se fume et qui se compose de gandia et d’autres produits dont un spray qui plonge tout de suite dans le coma.

 

Qu’est-ce qui pousse une personne à tenter ce genre d’expérience ?

 

Cette drogue est actuellement populaire chez les jeunes. Ces personnes sont généralement à la recherche de ce qu’on appelle nisa, l’état second dans lequel se trouve quelqu’un sous l’emprise d’une substance psychotrope. C’est cet état de nisa que ceux qui se droguent recherchent constamment. Ils veulent tout le temps replonger dans cet état d’emprise, d’où le besoin de se droguer encore et encore. Ils deviennent alors dépendants et doivent avoir leur dose pour se sentir bien. Quand ils n’ont pas leur nisa, ils sont tentés de goûter à autre chose. Voilà comment les drogues de synthèse arrivent à trouver des clients.

 

Qu’est-ce qui fait la popularité de ces drogues de synthèse ?

 

Les dealers expérimentent eux-mêmes des choses. Ils font des mélanges et c’est ainsi qu’ils arrivent à créer d’autres substances. Avec C’est pas bien, il y a aussi le D4, en référence à la salle de soins intensifs de l’hôpital, et le 114 qui est le numéro pour le Samu. Ces drogues sont tellement violentes qu’elles plongent tout de suite dans un état proche du coma. Ces drogues affectent directement le cerveau et peuvent provoquer des dommages graves et irréversibles.

 

Que recherchent les personnes qui expérimentent ces nouvelles drogues ?

 

Elles veulent connaître autre chose, une sensation différente voire plus puissante que celle qu’elles connaissent avec leur drogue habituelle. En ce moment, par exemple, je suis un jeune dans la région de Bel-Air. Celui-ci est sous l’emprise des nouvelles drogues de synthèse. Il est accro à l’héroïne et il a voulu tenter autre chose, influencé par des amis. Il n’a que 18 ans et depuis qu’il y a goûté, il ne peut plus s’en passer. À tel point qu’il a même pris de l’eau de Javel dans un moment où il était en manque.

 

Comment cela se passe-t-il pour lui en ce moment ?

 

Ces drogues sont en train de l’anéantir, de même que sa famille. Comme une dose de ces drogues est en vente aux alentours de Rs 250, il est capable du pire pour s’en procurer. La vie de sa famille est devenue un enfer. Quand il ne harcèle pas ses parents, il se tourne vers ses voisins et ses tantes. Ces derniers, du coup, font des reproches aux parents du jeune homme. Cette famille ne peut rien laisser dans la maison, de peur que le jeune homme s’en accapare pour ensuite le revendre. Il est même allé jusqu’à acheter sa drogue à crédit en disant aux dealers d’aller prendre leur argent avec sa mère. Cette dernière s’est retrouvée à devoir faire face à des gens louches. Le père, de nature calme, a même cédé à la violence devant les actions de son fils. Chez eux, ils sont pour l’heure sans électricité tant leur situation financière s’est détériorée à cause de leur fils. Ces nouvelles drogues sont en train de détruire des familles entières, elles représentent un vrai danger.

 

Comment aidez-vous ce jeune homme ?

 

Voilà deux semaines que je le suis. Je fais tout pour qu’il rejoigne le centre de solidarité. Quand je lui parle, je sens qu’il est conscient qu’il s’est retrouvé dans un cercle vicieux et qu’il  veut en sortir, mais il ne peut pas y arriver seul.

 

Ces nouvelles drogues font beaucoup de dégâts chez les jeunes de toutes les régions et de tous les milieux. Un ado de 12 ans a même fait une overdose et se fait actuellement soigner. Ces jeunes se font berner par des dealers qui leur parlent de ces drogues et de leurs «bienfaits» en termes de nisa, et que soi-disant cela va les plonger dans un état de relaxation extrême et sans précédent.

 

En quoi consiste votre travail ?

 

J’interviens auprès des personnes qui se retrouvent prisonnières du cycle infernal de la drogue. Je travaille avec l’ONG Saphire et avec le Groupe A de Cassis. J’accompagne des jeunes et je les aide à se libérer de l’emprise des drogues. Je fais beaucoup de travail de terrain. À Bel-Air, par exemple, j’ai invité les habitants de la région à collaborer avec la police et les ONG pour chasser ce fléau, car trop de gens en souffrent.

 


 

Bio express

 

Récipiendaire de The Outstanding Young Person Award l’année dernière, ce jeune homme engagé suit les traces de ses parents, Cadress et Ragini Rungen. Ces derniers ont fait du social le centre de leur vie. Dean Rungen, diplômé en Community & Social Work de l’Institut Charles Telfair en avril, «carbure  à l’entraide». Quand on le croise, il est soit avec ses «frères» alcooliques, car il est actif au sein de divers organismes, soit avec ses «amis» toxicomanes, ou encore avec des travailleurs du sexe, des ex-prisonniers ou des SDF, sans oublier les enfants de rue. Pour cet éducateur, «tendre une main à l’autre», à «celui qui est à terre», «aux plus démunis des démunis», c’est «essayer d’apporter une différence dans leur vie, même si la récompense n’est qu’un sourire et un merci».

 


 

Ma semaine d’actu

 

Quelle actualité locale a retenu votre attention cette semaine ?

 

Cette semaine, j’ai suivi avec beaucoup d’attention l’actualité concernant le Club M qui accueille, en ce moment, des Mauriciens qui évoluent dans des clubs à l’étranger. Je trouve très bien ce partenariat et j’espère que cela va aider le Club M. Je suis de ceux qui pensent que le sport véhicule les bons messages et qu’il peut être un soutien ou encore une échappatoire pour les jeunes.

 

Qu’avez-vous retenu de l’actualité internationale ?

 

Je suis de très près l’actualité du pape François. C’est l’un de mes role models et c’est pour cette raison que je cherche toujours à savoir ce qu’il fait. Par exemple, cette semaine, j’ai appris qu’il a financé le pèlerinage au Saint Suaire, à Turin, des SDF de Rome. J’admire cet homme pour ce qu’il véhicule.

 

Que lisez-vous actuellement ?

 

Je lis beaucoup les journaux, les magazines, mais aussi les sites internet, car j’aime bien me tenir au courant de l’actualité. J’ai aussi commencé un livre, Tattoos on the heart, qui parle des enfants de rue, mon univers, d’où mon intérêt pour ce bouquin. Je le conseille à tous d’ailleurs.

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