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Début d’année meurtrier sur nos routes : Le terrible deuil des familles des victimes

11 janvier 2016

Nisha Neerunjun, 34 ans, renversée par un chauffeur «endormi»

 

Sa belle-sœur Jotee : «Elle est morte d’une façon atroce»

 

Manish, 10 ans, est plongé dans l’album de photos de famille. Silencieux, les yeux remplis de larmes, il contemple les derniers clichés pris avec sa mère Nisha pour son anniversaire. Le garçon est complètement perdu. Il n’arrive pas à croire que sa maman n’est plus de ce monde. Son père Rishi est également au plus mal. Cet habitant de Mapou s’est enfermé dans sa chambre. Il vient de rentrer chez lui après avoir incinéré la dépouille de son épouse au crématorium de l’Espérance à Piton, deux heures plus tôt.

 

La veille, la jeune femme de 34 ans est décédée tragiquement. Le jeudi 7 janvier, vers 15 heures, l’employée de maison rentrait chez elle et attendait l’autobus à un arrêt quand une Nissan March grise a foncé droit sur elle. La collision a été d’une violence inouïe. Les deux airbags de la voiture ont même explosé. Les secours ont dû soulever la voiture pour apporter les premiers soins à Nisha Neerunjun, restée coincée en dessous, avant de la transporter à l’hôpital du Nord où elle a rendu l’âme vers 17h35.

 

Le conducteur, Soobeeraj Nunkoo, un habitant de l’Amitié âgé de 48 ans, a été arrêté. Il a subi un alcootest qui s’est révélé négatif. Il a été traduit en cour le lendemainet et fait l’objet d’une charge provisoire d’homicide involontaire. La police a objecté à sa remise en liberté sous caution. Ce technicien de Mauritius Telecom, qui a retenu les services de Me Uttam Hurnauth, a expliqué dans sa déposition qu’il s’était endormi au volant. Il a souligné qu’il souffrait de diabète et d’hypertension.

 

Les proches de la victime, eux, sont partagés entre tristesse et révolte. «Nisha est morte d’une façon atroce. Elle ne méritait pas de mourir ainsi. Cet accident bouleverse l’existence de toute une famille», pleure Jotee, sa belle-sœur. Les deux femmes travaillaient ensemble dans le lotissement Bon-Espoir, à Piton. Jotee était rentrée plus tôt chez elle ce jour-là, car son époux était venu la chercher à moto.

 

«Nou ti abitie pran bis ansam. Sa zour la, linn sorti travay ver 14h40 pou al pran bis. Mo ti kit travay vers 15h mwa. Apenn mo rant kot mwa mo gagn nouvel mo belser inn fer aksidan. So lamor bien dir pou nou. Se enn fami net ki afekte la», souligne Jotee.

 

Rishi, bar supervisordans un hôtel de la région, et son épouse avaient de nombreux projets pour 2016. Ils avaient emménagé dans leur nouveau logement, construit au premier étage de la maison familiale, il y a un mois. «Ils n’étaient pas encore bien installés car ils n’avaient pas encore tous les meubles. Ils pensaient les acheter cette année. Nisha avait aussi d’autres projets. Le plus important était l’éducation de son fils qui entre en Std Vce lundi. C’est très dur pour cet enfant.»

 

Les proches de Soobeeraj Nunkoo se disent eux aussi terriblement bouleversés par cet accident et tiennent à présenter des excuses à la famille de la victime. Quoi qu’il en soit, le chagrin des proches de Nisha n’est pas près de s’estomper.

 


 

Manish Deepu, 9 ans, décède après huit jours dans le coma

 

Sa mère Leena : «Je demande à mon fils de me pardonner»

 

Affalée sur un banc, à quelques pas de l’unité des soins intensifs de l’hôpital de Rose-Belle, Leena fait peine à voir. En ce jeudi 7 janvier, elle vient d’apprendre de la bouche du médecin que son fils Manish Deepu, 9 ans, ne survivra pas à son accident. Le choc est terrible pour cette habitante de Mare-d’Albert. «Il va me quitter. Comment vais-je pouvoir vivre sans lui ? Je me sens coupable. Je lui demande de me pardonner», murmure Leena en pleurant chaudement, alors que le cœur de son fils bat encore grâce aux équipements médicaux auxquels il est relié.

 

Le lendemain, vendredi 8 janvier, le petit garçon s’en est allé pour toujours, confirmant le diagnostic sans appel du médecin. En apprenant la nouvelle, Leena, complètement dévastée, ne peut cacher sa colère, mais aussi et surtout sa tristesse. «Mon fils avait toute sa vie devant lui. Mais l’imprudence de mon beau-frère qui roulait très vite sous l’effet de l’alcool a tué mon fils», lâche-t-elle.

 

Le 1er janvier, le petit Manish, accompagné de sa mère et de son père Krishna, se trouvait à bord d’une voiture conduite par le beau-frère de Leena, Kamlesh Jamnasing, quand l’accident est survenu. Le conducteur a perdu le contrôle du véhicule qui s’est écrasé contre un parapet sur la route Royale à Plaine-Magnien.

 

Après l’impact, le conducteur aurait pris la fuite en emmenant son fils de 3 ans qui se trouvait aussi à bord, abandonnant le reste de sa famille sur place. «Il s’est sauvé avec son fils alors que mon époux avait les deux pieds coincés sous un tas de ferrailles. Aujourd’hui, mon fils est mort, mon mari est toujours à l’hôpital et il ne sait pas qu’il a perdu son enfant. On ne peut rien lui dire car il est encore fragile», confie Leena qui ne peut contenir son émotion.

 

Testé positif à l’alcootest, Kamlesh Jamnasing a reçu des soins à l’hôpital juste après l’accident, avant d’être autorisé à rentrer chez lui. Vendredi, après le décès du petit Manish, il a été arrêté. Une charge provisoire d’homicide involontaire a été retenue contre lui et il a été remis en liberté contre une caution de Rs 10 000.

 

Manish Deepu avait fêté son neuvième anniversaire le 28 décembre.  Ayant réussi brillamment ses examens du troisième trimestre, il avait été généreusement récompensé par ses parents à Noël. Leena se souviendra toujours de ce jour qui est désormais inscrit parmi les meilleurs souvenirs de son fils chéri.

 

«On lui avait offert une tablette et un jeu de carrom. Il était aux anges et profitait pleinement de ses cadeaux. Pour la rentrée scolaire, on avait déjà tout acheté.»Les funérailles de Manish ont eu lieu le samedi 9 janvier. Son père Krishna, qui a subi deux délicates interventions chirurgicales, se remet lentement de ses blessures. Mais jusqu’ici, il ignore que son fils n’est plus de ce monde.

 


 

Seelochund Sobhanand, 33 ans, fauché devant sa maison

 

Sa mère Saroundi : «Que vont devenir ses deux enfants ?»

 

«Shyam, Shyam, tonn kit moi tonn ale», répète Saroundi Seelochund dans un sanglot interminable. Cette mère de 63 ans connaît une souffrance que nul ne peut apaiser. Les nombreux proches venus lui rendre visite chez elle à l’Espérance, Piton, le jeudi 7 janvier, essaient tant bien que mal de la soutenir. «Leur présence est importante, mais rien ne pourra me rendre mon fils, rien ne pourra me consoler», murmure Saroundi, les yeux remplis de larmes. Le mardi 5 janvier, son fils Sobhanand Seelochund, 33 ans, plus connu sous le nom de Shyam, a été mortellement renversé par un minibus devant sa maison. 

 

«Il y a avait de la famille chez nous ce jour-là. On célébrait la nouvelle année. Après le dîner, on a rangé la maison et il m’a aidée à sortir les poubelles. Il les déposait dans un coin, sur le trottoir, quand il a été balayé par un minibus. Tout s’est passé tellement vite. J’ai entendu un bruit et ensuite, j’ai vu mon fils qui baignait dans une mare de sang», soupire cette femme qui est veuve depuis de nombreuses années et mère de quatre autres enfants.

 

Témoin de cette scène atroce, Saroundi continue son terrible récit : «Lorsque j’ai vu mon fils dans cet état, je ne pouvais pas le laisser sur l’asphalte. Je l’ai traîné jusque dans la maison où il est mort dans mes bras. C’est lui qui prenait soin de moi, car il vivait sous mon toit. Maintenant, je ne sais pas ce que ses deux enfants vont devenir. Ma belle-fille ne travaille pas. C’est Shyam qui faisait vivre la famille.» 

 

Dans sa folle course, Sachin Jokhoo, le chauffeur du minibus, a continué sa route. Arrêté plus tard par la police, il a reconnu qu’il se trouvait dans la région au moment des faits, mais nie avoir heurté la victime. Une charge provisoire d’homicide involontaire a été retenue contre lui. La police a objecté à sa remise en liberté et il comparaîtra à nouveau en cour dans les jours qui viennent.

 

Père de deux enfants de 10 et 7 ans, Shyam Seelochund, maçon de profession, avait plein de projets pour sa petite famille. Sa femme Luxmee, choquée et accablée de chagrin, n’arrive pas à exprimer sa douleur autrement que par des larmes.

 

Shyam, ayant grandi dans la localité de l’Espérance, a eu une enfance heureuse, selon sa mère. Après le CPE, il a arrêté ses études et s’est lancé dans le monde du travail. «Il a commencé à travailler très jeune avant de trouver sa voie dans la maçonnerie. Il était très populaire dans la localité. Il nous manquera à jamais», témoigne sa mère. Shyam Seelochund laisse derrière lui un vide que personne ne saurait combler.

 


 

Deosaran Kowlessur, ancien ASP, tué en allant acheter du pain

 

Ses enfants : «Nous réclamons justice pour notre père»

 

À Coromandel chez les Kowlessur, le temps s’est arrêté. La voix de celui qui faisait le bonheur de toute la famille ne résonne plus dans la demeure où régnait toujours une bonne ambiance jusqu’à il y a quelques jours. Très attaché aux siens, Deosaran prenait l’initiative, chaque semaine, de rassembler ses enfants et d’autres membres de la famille autour d’un repas. «Notre père était quelqu’un de très attachant et sentimental. Il était aimé de tous et il semait le bonheur partout où il allait», confie sa fille Bamini Seetul, qui n’arrête pas de pleurer la disparition de cet homme qu’elle chérissait tant.

 

Le dimanche 3 janvier, Deosaran Kowlessur, un assistant surintendant de police à la retraite âgé de 77 ans, a été renversé sur la route Royale à Coromandel, alors qu’il allait acheter du pain. Il a été tué sur le coup. Le conducteur du véhicule, Daniel Félix Lagaillard, un habitant de la cité Richelieu âgé de 23 ans, a été testé positif à l’alcootest. Présenté en cour, il fait l’objet d’une charge provisoire d’homicide involontaire. Il a été reconduit en cellule policière car la police a objecté à sa remise en liberté conditionnelle.

 

«Ce matin-là, on a entendu un bruit assourdissant, raconte le fils de la victime.Et quelques minutes plus tard, un habitant de la localité était devant notre porte. Il nous demandait de venir immédiatement car notre père avait été victime d’un accident. Sur place, nous l’avons vu allongé dans une mare de sang. Ma femme, qui est médecin, a touché son pouls et a constaté son décès. Presque au même moment, une ambulance du Samu est arrivée et son personnel a fait le même constat.»

 

Père de deux filles, dont l’une est établie en Allemagne, et d’un fils, Deosaran Kowlessur a passé 40 ans dans la force policière où il a gravi peu à peu les échelons avant de prendre sa retraite. Depuis, confient ses enfants, il passait le plus clair de son temps à s’occuper de ses petits-enfants. Il se consacrait entièrement à sa famille et au jardinage, sa passion. «Il s’occupait aussi de ses chiens. Il faisait une petite marche quotidienne pour rester en forme. C’était un bon vivant. Il ne méritait pas de connaître une telle fin. C’était quelqu’un de très discipliné, qui nous disait toujours de faire attention lorsqu’on prenait le volant, car il y avait des fous sur la route», témoigne Bamini.

 

Pour l’heure, dit-elle, le plus important est de soutenir leur mère qui souffre énormément de cette disparition subite. «On verra l’aspect légal plus tard. On réclame justice pour notre père, mais pour le moment on veut être en famille.»Une famille déchirée par la souffrance d’avoir perdu l’un des siens, qui plus est dans d’horribles circonstances.

 


 

Jayram Unmar, ex-patron de la MCIT, victime d’un hit and run

 

Son épouse Fazila : «Je ne sais pas comment envisager la vie sans lui»

 

48 ans de bonheur. C’est ainsi que Fazila Unmar parle de sa vie avec Jayram. Mais ce bonheur s’est éteint le dimanche 3 janvier. Son époux, ancien assistant commissaire de police âgé de 69 ans, a été mortellement renversé près de chez lui, avenue Belle-Rose à Quatre-Bornes, par un chauffeur ivre.

 

Ce dernier, Nicolas Fritz Jouanna, un habitant de la localité, ne s’est pas arrêté après l’impact. Ce n’est que vers 1 heure du matin, soit plus de trois heures après le drame, qu’il s’est présenté au poste de police de Quatre-Bornes. Une charge provisoire d’homicide involontaire a été retenue contre lui et il reste en détention policière.

 

Plus connu sous le nom de Gian, l’ancien ACP et patron de la MCIT avait lancé plusieurs initiatives au sein de la police, comme la Rapid Intervention Brigadeet la Crime Prevention Unit. «C’est à force de persévérance qu’il a gravi les échelons», raconte Fazila.À ses débuts, dit-elle, son époux percevait un salaire de Rs 25 par semaine avec lequel il faisait vivre toute sa famille. «À l’époque, on n’avait pas les moyens d’avoir l’électricité. Chaque soir, c’est à la lumière d’une lampe à pétrole qu’il révisait ses cours pour être promu sergent de police.»

 

Petit à petit, Jayram Unmar a gravi les échelons jusqu’à devenir ACP, avant de prendre sa retraite. Père de six enfants, dont deux qui vivent à l’étranger, l’ancien haut gradé laisse un grand vide derrière lui. Sa famille, elle, réclame justice. «C’est trop facile d’enlever la vie des gens comme ça. Le coupable doit répondre de ses actes», lance sa femme fermement.

 


 

Sanjeev Luximon rallonge la liste noire

 

La route a fait une nouvelle victime en ce début de 2016. Samedi 9 janvier vers 16h20, Sanjeev Luximon, un habitant de Mont-Ida âgé de 51 ans, était à moto et négociait un rond-point à Quartier-Militaire quand il a heurté l’arrière d’un van. Le choc a été d’une telle violence qu’il est mort sur le coup.

 


 

Une famille mauricienne victime d’un grave accident en Australie

 

Originaire de Saint-Julien, cette famille établie en Australie depuis sept ans vit un cauchemar depuis le 7 janvier. La voiture dans laquelle elle se trouvait a fini sa course dans un ravin après avoir fait une chute d’environ dix mètres à Batemans Bay, sur la côte sud de New South Wales.

 

Quatre des cinq occupants du véhicule ont dû être hélitreuillés pour ensuite recevoir des soins d’urgence à l’hôpital. Le père, âgé de 44 ans, a eu quatre côtes fracturées alors que son épouse de 38 ans a été blessée à la colonne vertébrale. La mère de cette dernière, âgée d’une soixantaine d’années, souffre de saignements internes.

 

L’une des filles du couple, 16 ans, a eu le poignet fracturé, alors que l’autre, 11 ans, était toujours dans un état critique au Children’s Hospital de Randwick à l’heure où nous mettions sous presse hier. La police australienne a ouvert une enquête pour déterminer la cause de l’accident.

 

Textes : Laura Samoisy et Jean Marie Gangaram

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