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17 avril 2021 13:02
Il était indissociable de la reine. Il a consacré sa vie à la monarchie et était connu pour son engagement pendant plus de 70 ans au sein de nombreuses actions caritatives. Alors qu’il aurait pu être éclipsé et évoluer dans l’ombre de son épouse, la reine Elizabeth II, le prince Philip, duc d’Edimbourg, a été vite adopté par de nombreux Britanniques qui le considéraient comme un «personnage drôle» ou encore «un grand-père attachant» qui a toujours été au service de l’Angleterre.
Depuis l’annonce de sa mort le vendredi 9 avril, à l’âge de 99 ans – il s’en est allé paisiblement, selon le communiqué officiel –, les hommages se sont multipliés au Royaume-Uni et à l’étranger, notamment à travers des messages de condoléances qui saluent la mémoire d’un homme dévoué à l’Angleterre et dont le rayonnement dépasse le monde politique. Et alors que le Royaume-Uni, comme de nombreux pays, vit au rythme du coronavirus, avec ses restrictions et ses chamboulements, l’annonce de la disparition du prince consort a provoqué une grande émotion à travers le pays, certains même n’hésitant pas à faire le déplacement jusqu’à Londres pour se recueillir devant Buckingham Palace et saluer la mémoire de celui qui, grâce à son mariage avec la souveraine, était un symbole de force, de stabilité et d’espoir car l’union et la complicité du couple ont, au fil des années, inspiré des millions de personnes en Grande-Bretagne.
Au cours de la semaine écoulée, des coups de canon ont été tirés depuis la Tour de Londres, jusqu’au château d’Édimbourg, en passant par les navires de la marine royale, où le prince consort a servi, et les cloches de l’abbaye de Westminster ont retenti. Les drapeaux sont en berne et en cette période de deuil national, Londres a affiché en plein centre-ville le portrait géant de celui qui a été le fidèle garant de l’institution monarchique. La reine, elle, ne doit pas participer pendant quelque temps à des fonctions officielles mais pourra, après la période de deuil officiel, honorer ses engagements, tout en continuant à se reposer sur son fils, le prince Charles, et son petit-fils, William.
La Mauricienne Kovila Mareemootoo fait partie de ceux qui, dès que la mauvaise nouvelle est tombée, ont choisi de se rendre devant le palais pour exprimer leur soutien à la famille royale. Notre compatriote et ses enfants ont été, disent-ils, représenter Maurice dans ce moment de tristesse. «Malgré le froid et le temps pluvieux, beaucoup de personnes se sont rendues à Buckingham Palace ainsi qu’au Château de Windsor pour rendre un dernier hommage au prince Philip. Comme nous vivons à Londres, nous nous sommes rendus devant le palais royal pour exprimer nos sympathies», nous confie la Mauricienne qui n’a pas manqué de déposer un bouquet aux côtés des nombreux autres qui ornent depuis une semaine les grilles du château.
Quadricolores en main, Kovila et deux de ses trois enfants, Caellia et Yosh, ont ainsi tenu à participer à cet élan de sympathie avec la famille royale et tous les Britanniques pour montrer leur solidarité mais aussi faire savoir que cette perte dépasse les frontières. «Ma fille avait préparé une carte de condoléances pour la famille royale et elle m’a dit que cette carte était au nom de tous les compatriotes mauriciens touchés par cette perte», ajoute celle qui n’a pas hésité une seconde à entamer ce déplacement. «Nos compatriotes ici ont beaucoup de respect pour la famille royale. Vivant moi-même au pays de Sa Majesté, ayant déménagé ici pour une vie meilleure, j’estime que je dois participer aux hommages et présenter mes condoléances à la reine Elizabeth II. On ne peut pas oublier que son époux a été à ses côtés pendant plusieurs décennies et comme nous avons assisté à d’autres événements royaux, je me devais aussi d’être là dans ce moment difficile.»
Kovila et ses enfants ne sont pas passés inaperçus devant le château, attirant l’attention des journalistes : «Ayant vu le drapeau de Maurice dans les mains de mes enfants, des photographes les ont pris en photo. Ils les ont interrogés sur le drapeau et son pays d’origine. Ils nous ont aussi complimentés pour la petite carte. Cela nous a beaucoup touchés.» Sur place – crise sanitaire oblige –, les Mauriciens ont été touchés par la simplicité des dispositifs : «L’ambiance était très calme et il n’y avait qu’une place dédiée aux fleurs. On pouvait y voir beaucoup de familles et d’enfants avec des cartes et des bouquets en main.» Après son recueillement devant le château, Kovila ne manquera pas non plus de suivre les obsèques royales : «Je me suis aussi fait un devoir de laisser un hommage sur le livre de condoléances que la famille royale a mis en ligne sur son site officiel.»
Le prince Charles, héritier du trône et fils du prince Philip, a été le premier à prendre la parole au nom de la famille royale. «Mon cher papa était une personne très spéciale, il nous manque énormément», a-t-il déclaré. D’autres membres de la famille royale ont, eux, exprimé leurs sentiments sur les réseaux sociaux à travers des photos notamment. Harry et Meghan ont réagi sobrement par quelques mots sur leur site Internet. Le prince, qui vit maintenant aux États-Unis, sera présent pour les funérailles mais pas son épouse qui ne pourra faire le déplacement à cause de sa grossesse. Le prince William a aussi publié un message touchant sur le compte Instagram du palais de Kensington : «Mon grand-père va me manquer...»
Cette triste actualité est aussi suivie de très près par Pritam Bhujun, un autre Mauricien installé en Angleterre. «Je vis ici depuis 27 ans et je travaille à la House of Parliament. J’ai ainsi souvent eu l’occasion de voir la reine et le prince Philip. Ce qui force mon admiration, c’est la longévité du couple. Pendant 73 ans, il a été loyal», nous confie le Mauricien qui est aussi ambassadeur de l’Ascot Horse Race, ce qui lui a également permis de voir des membres de la famille royale. Et comme lui, ils sont nombreux à avoir suivi la longue histoire du couple royal.
Le prince Andrew a d’ailleurs livré cette semaine la première réaction de sa mère après le décès de son mari. Interrogé par les télévisions britanniques, il a expliqué que la reine a dit ressentir «un grand vide». À l’occasion de leurs noces d’or en 1997, la reine Elizabeth II avait dédié un vibrant discours à son prince : «Il a été, tout simplement, ma force et mon soutien pendant toutes ces années, et moi, ainsi que toute sa famille, et ce pays et bien d’autres, avons envers lui une dette plus grande que celle qu’il pourrait jamais réclamer, ou que nous ne pourrions jamais connaître.»
À l’heure où nous mettions sous presse, il était prévu que les funérailles du prince Philip se déroulent ce week-end, soit ce 17 avril. «Mes pensées et mes prières vont à la famille royale et à tous les Britanniques. Que Dieu les accompagne dans ce moment difficile. Jusqu’aux funérailles, le pays observe un deuil national», nous confie Reezwana Kalloo, une autre de nos compatriotes installés au pays de Sa Majesté. La cérémonie religieuse en hommage à l’époux de la reine Elizabeth II aura lieu à la chapelle St Georges du château de Windsor, en présence de seulement 30 personnes à cause de la pandémie. Toutefois, la cérémonie sera retransmise à la télévision pour permettre à tous ceux qui le veulent de participer à la pluie d’hommages saluant la mémoire de celui qui était indissociable de la reine...
Les histoires de roi, de reine, de prince et de princesse ont toujours fasciné. Dans notre petite île, qui a aussi un passé de colonie anglaise, la famille royale d'Angleterre a une place de choix dans le cœur des Mauriciens. La visite du couple royal en mars 1972 a ainsi marqué bien des esprits. Christophe Leroux de la Vintage and Classic Car Owners' Association travaille sur un documentaire qui cadrerait avec les 50 ans de cette visite officielle. «J'ai fait de nombreuses recherches autour de la fameuse voiture qui a véhiculé le prince Philip et la reine Elizabeth II dans les rues de Port-Louis et qui a permis à de nombreux Mauriciens de les voir ce jour-là», nous confie-t-il.
La passion qui l'anime pour les anciennes voitures se ressent dans sa voix : «Il faut savoir que la voiture n'était pas exactement comme on la voit sur les photos. C'est-à-dire qu'elle n'était pas à la base une décapotable. C'était une Jaguar XJ6, la voiture officielle qui véhiculait sir Gaëtan Duval, à l'époque ministre et maire de Port-Louis. Il veillait aux préparatifs pour la visite et a eu l'idée de transformer la voiture. Il s'est tourné vers le Chantier Naval de Taylor Smith. Il a parlé à Denis Taylor, le responsable, et il lui a dit, je cite : “Découpe cette voiture pour que les Mauriciens puissent voir ta reine…”»
Toute une équipe mauricienne a travaillé sur la transformation de la voiture qui a véhiculé le couple royal sur les routes de la capitale et qui a aussi eu beaucoup de succès dans la presse anglaise. Kamini Tulwa connaît très bien cette histoire car c'est son père Ramchurn Gowry qui a eu l'honneur, ce jour-là, de conduire le couple royal. «À chaque fois que je revois ces images, je replonge dans les souvenirs et je me dis que mon père a eu l'honneur de les voir et de les rencontrer. Mon papa m'a raconté une histoire que peu de personnes connaissent.
À l'époque, c'était confidentiel. Ce jour-là, la voiture officielle avec le couple royal à bord a failli avoir un accident. Une dame s’était approchée trop près de la voiture, sans doute pour voir la reine et le prince. Mais mon père a pu éviter un accident. Il croyait alors que la reine ne s’en était pas rendu compte mais en fait, elle avait bien compris. Le même soir, alors qu'il y avait une garden party au Château du Réduit, la reine a envoyé une voiture chez nous pour récupérer mon père et c'est pendant l'événement qu’elle a décoré mon papa d'une Royal Victorian Medal. La reine lui a même parlé. C'est une fierté pour nous et nous partageons la douleur de la famille royale actuellement», nous confie Kamini Tulwa, émue par cette histoire... particulièrement en ce moment avec le décès du prince Philip.
Andrew Slome, ex-directeur de l'hôtel La Pirogue, a, lui, eu le privilège de rencontrer le prince en 1994. «Je me souviens que je me posais beaucoup de questions sur la façon dont j'allais m'entretenir avec le prince de par son rang. Or, j'ai été très surpris par sa personnalité. Il était très amical, accessible et drôle. Comme il avait un emploi du temps très chargé, on avait tout fait pour faciliter son séjour. Par exemple, on s'était proposés de le servir afin de lui éviter de devoir aller au buffet. Mais il avait voulu se servir lui-même. Et il avait été très amical avec le personnel et avait même accepté d'être photographié avec des invités au restaurant. C'est son côté accessible qui m'a marqué.»
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