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Décès d’Edouard Maunick : cette jeunesse qui veut promouvoir l’oeuvre du poète

17 avril 2021

Adhiveer, Alfred, Vinita et Kirty dans un élan de partage poétique.

Sa dernière anthologie, avec ses poèmes choisis entre 1954 et 2004, s’appelait Manière de dire non à la mort. En fait, Edouard Maunick aimait vivre. Une rage de vivre que l’on voyait bien dans ses nombreux poèmes, où il parlait beaucoup de voyage, de découverte du monde, avec aussi un profond attachement à la nature, à la mer et au métissage qu'il revendiquait fortement. Hélas, il nous a quittés au début de cette semaine à l’âge de 89 ans, des suites d’une longue maladie. Et s’il lègue beaucoup d’œuvres – vous pouvez vous procurer sa dernière anthologie en librairie –, la jeune génération s’y intéresse-t-elle pour autant ? Les connaît-elle ? Les aime-t-elle ? Il semble que oui…

 

2018. Au Caudan Arts Centre, la fondation Artis – qui n’existe plus et qui encadrait énormément les jeunes à l’époque pour un épanouissement artistique dans tous les domaines possibles – avait proposé un spectacle autour du poème d’Edouard Maunick, Ki Koté La Mer, avec slam, musique, etc. Une initiative de la responsable Géraldine Hennequin-Joulia et son équipe, qui a permis à plusieurs jeunes de découvrir le poète et d’entrer dans son univers. Comme nous l’explique Alessandro Chiara, comédien et un des responsables du projet : «L’objectif était d’amener les étudiants à s’éloigner un peu des habitués de la littérature, comme Molière et Shakespeare, et à les emmener au plus près du patrimoine local.»

 

Justement, en plus de faire découvrir Edouard Maunick, cette initiative a inspiré plusieurs jeunes à comprendre et mieux apprécier l’art poétique et à découvrir d’autres poètes. Adrien Beaugendre, 20 ans, aujourd’hui comédien et acteur, faisait partie de ceux ayant fait une performance autour du fameux poème : «À travers Edouard Maunick, j’ai découvert la poésie et j’ai ensuite appris à apprécier d’autres poètes comme William Blake. J’aime autant les histoires que la poésie quand elle est écrite et lue aussi. Et c’est un art qui peut inspirer la jeune génération car elle va au-delà de l’apparence, elle est dans la profondeur. Et dans le cas d’Édouard Maunick, elle parle de nous.»

 

Alfred Schon, 20 ans, étudiant en comptabilité et féru de percussion, avait aussi participé à cette soirée de 2018. C’est en musique que son équipe (la partie musique de la fondation) avait déclamé le poème : «Tout se rejoint, la musique, la poésie ; j’avais découvert une autre forme d’expression qui rejoint les autres. Ce poème, c’était un voyage, comme d’autres que j’ai lu après. J’ai aussi découvert d’autres poètes mauriciens par la suite, comme Jean Fanchette. La clé de cette poésie, c’est qu’elle parle de nous et c’est pour ça que tous les Mauriciens doivent la découvrir.» L’étudiant en HSC, Adhiveer Behari, 19 ans, avait, lui, «chanté» le poème. Et il pense également que l’œuvre de Maunick doit être connue du plus grand nombre. «C’est une œuvre qui mérite plus que jamais d’être davantage connue ici mais je pense que le mieux, c’est un bon encadrement, pour être capable d’aller au plus profond de l’œuvre et de l’apprécier, d’où le rôle de l’éducation.»

 

Métissage, mauricianisme

 

Hors des anciens de la fondation, nous tombons sur deux passionnées de poésie, l’enseignante Kirty Koonjbeeharry et sa cousine Vinita Hoolash, connue comme slameuse. Et ce duo, qui anime tous les après-midi des récitals de poèmes sur Instagram, souhaite que l’œuvre d’Edouard Maunick soit encore plus mise en avant. «Je pense qu’on devrait mettre plus l’accent sur des poètes comme lui dans le circuit éducatif, tout en allant encore plus profondément dans son œuvre, à travers des ateliers, surtout pour les jeunes. C’est d’une grande importance car Maunick parle beaucoup de métissage, de mauricianisme, dans ses poèmes, n’est-ce pas ce à quoi nous aspirons ?» souligne l’enseignante de 32 ans.

 

«Le slam pourrait être cette voie pour découvrir nos poètes d’ici car tellement de jeunes s’intéressent à ce domaine. C’est comme une entrée pour la découverte, hors du circuit éducatif, mais il faut vraiment des connaisseurs pour encadrer les plus jeunes et leur donner cette envie d’apprécier la poésie», poursuit Vinita, 27 ans.  Comme quoi, la poésie semble vraiment vouloir atteindre la jeunesse et avec les poèmes d’Edouard Maunick comme belle entrée, on ne peut qu’espérer cela.

 


 

L’homme du Ward IV

 

Une enfance qui a forgé sa personnalité. Edouard Maunick est indissociable du Ward IV de Port-Louis où il a grandi et découvert la poésie. Frère de l’animateur radio Jacques Maunick et d’Ursule Ramdanee – dont le gendre n’est autre que le Premier ministre actuel –, il est parti à Paris dans les années 60, après des études pour devenir prof, suivies d’une carrière d’enseignant et de bibliothécaire en chef à la mairie de Port-Louis. Une ville qui a forgé encore plus la poésie de celui qui revendiquait plus que jamais son métissage. Entre ses poèmes, il a été journaliste, producteur d’émissions radio et même, par la suite, directeur de l’UNESCO et ambassadeur de Maurice en Afrique du Sud. Il a beaucoup voyagé et ses poèmes sont teintés de cet appel de l’ailleurs. Ici, il sera décoré GOSK. Et en France, il recevra notamment le Prix Apollinaire et le Grand Prix de la Francophonie de l’Académie française et sera fait Commandeur des Arts et des Lettres ou encore Officier de la Légion d’Honneur. Parmi ses poèmes, on compte évidemment son populaire Ki Koté La Mer mais aussi Mandela Mort ou Vif, 50 quatrains pour narguer la mort et Ensoleillé Vif, entre tellement d’autres. En tout, depuis 1954, il a publié 25 recueils de poème.

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