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8 mai 2018 13:49
C’est une première. La décision du Directeur des poursuites publiques (DPP) d’enclencher des poursuites contre des policiers après le décès d’un suspect en cellule policière fait date. Son bureau a annoncé, le vendredi 4 mai 2018, que le sergent Persand et les constables Laboudeuse, Gaïqui, Numa et Ragoo de la Criminal Investigation Division (CID) de Rivière-Noire seront poursuivis sous une charge de torture après le décès d’Iqbal Toofanny survenu dans des circonstances troublantes. Cette décision fait suite à l’enquête judiciaire sur cette affaire, qui s’est déroulée au tribunal de Bambous. La famille du défunt salue la décision du DPP mais reste sur sa faim.
Car l’épouse et les filles d’Iqbal Toofanny estiment que les policiers auraient dû faire face à une charge plus sévère. Elaiya, la cadette, âgée de 19 ans, est catégorique : «Mon père a rendu l’âme alors qu’il était sous la responsabilité des cinq policiers. Le rapport d’autopsie indique qu’il a succombé à un oedème pulmonaire. Deux médecins légistes confirment qu’il portait plusieurs ecchymoses. Ma mère, mes sœurs et moi sommes d’avis que les cinq policiers méritent plus que la charge de torture.»
Iqbal Toofanny, 43 ans, est mort, le 2 mars 2015. Dans la soirée, la veille, cet habitant de Vacoas, qui travaillait comme électricien automobile, avait été arrêté par une équipe de l’Emergency Response Service (ERS). Car lors d’une vérification, les officiers de l’ERS avaient constaté qu’il y avait un problème avec la voiture que conduisait Iqbal. Le numéro d’immatriculation écrit sur le horsepower différait de celui qui était inscrit sur la vignette collée sur le pare-brise.
Puis lorsqu’ils ont fouillé le véhicule, les policiers ont trouvé plusieurs objets suspects : une scie, une lampe de poche, une corde et une clé universelle pouvant faire démarrer n’importe quelle marque de voiture, un tournevis, une pince et trois cellulaires. Interrogé sur place, Iqbal n’a pu justifier la présence de ces objets. Il a alors été conduit au poste de police de Rivière-Noire où il a été livré aux hommes de la Criminal Investigation Division (CID).
Là, le sergent Persand de la CID de Rivière-Noire et ses hommes ont interrogé le suspect à nouveau. Mais l’homme n’a pu expliquer clairement ce qu’il faisait à Rivière-Noire. Acculé par les nombreuses questions, il a finalement déclaré qu’il s’était arrêté à Rivière-Noire parce qu’il avait un besoin pressant et qu’à ce moment-là, des gens l’ont pris pour un voleur et l’ont tabassé. Mais il a insisté sur le fait qu’il «n’est pas un voleur». Le sergent Persand raconte tout cela dans un Diary Book. Il précise que le suspect a refusé d’aller à l’hôpital pour y recevoir des soins.
Les policiers conduisaient Iqbal Toofanny au tribunal de Bambous, le matin du 2 mars 2015, lorsque celui-ci s’est plaint de douleurs au ventre. Iqbal aurait, une fois de plus, raconté à un haut gradé de la police qu’il avait été tabassé dans la soirée par des personnes qui l’avaient pris pour un voleur. Le suspect a alors été transporté à l’hôpital de Candos où il est mort vers 10h50. Lors de l’autopsie, les Drs Gungadin et Gujjalu ont constaté qu’il avait des ecchymoses sur le dos, le postérieur et la jambe gauche. Les policiers qui avaient interrogé Iqbal Toofanny ont par la suite été arrêtés, et Mario Nobin, commissaire de police par intérim, à l’époque, avait promis qu’«il n’y aura pas de cover-up». L’enquête judiciaire a finalement démontré qu’il y avait assez d’éléments contre les policiers pour les poursuivre.
La cadette d’Iqbal Toofanny est toujours aussi révoltée par les circonstances de l’arrestation de son père et son décès tragique. À l’époque, elle avait 16 ans et était en Lower VI au Collège Lorette de Curepipe. Aujourd’hui, elle travaille dans le domaine aérien. Sa sœur aînée Shaninah, 21 ans, travaille et étudie en même temps alors que la benjamine Anzariya, 10 ans, est en Grade 5. Même si elles se battent pour continuer leur chemin, leur vie n’est plus du tout la même depuis trois ans.
«Nous avons gagné une bataille mais il y a toujours beaucoup de souffrance en nous. Ces policiers ne risquent que 10 ans de prison. Pour nous, ils devraient être poursuivis pour assassinat. Nous ne sommes pas non plus au bout de nos peines avec le procès au civil qui n’arrête pas d’être renvoyé. En même temps, la décision du DPP tombe comme une grâce à quelques jours du début du Ramadan», souligne Elaiya. Sa mère, ses sœurs et elle ne cessent de réclamer justice pour Iqbal.
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