Publicité

Deux garde-côtes périssent noyés dans la rade de Port-Louis

3 novembre 2014

Les éléments de la National Coast Guard ont rendu un vibrant hommage à leurs collègues disparus.

La vérité, rien que la vérité. C’est tout ce que les familles Balloo et Harpal réclament. Deux des leurs, Mohesh Kumar Balloo, 24 ans, et Homjaysing Harpal, 31 ans, des officiers de la National Coast Guard (NCG), ont péri noyés dans la rade de Port-Louis, dans la nuit du vendredi 31 octobre au 1er novembre. Tous deux effectuaient une patrouille en mer lorsque leur embarcation a chaviré après avoir heurté un remorqueur. 
 
Si, pour l’heure, peu d’informations transpirent sur ce drame, des langues se délient et avancent une autre version des faits. «Les deux officiers avaient déposé des marins indiens à bord d’un navire de la Marine indienne, et le drame est survenu juste après. Leur bateau a heurté un remorqueur et s’est renversé, projetant les deux hommes dans l’eau. Ils ne portaient pas de gilet au moment du drame», soutient une source, sous le couvert de l’anonymat. Tout en précisant qu’un «garde-côte porte son gilet de sauvetage lorsqu’il est en mission en mer, mais que cette mesure n’est toutefois pas obligatoire. Il faut impérativement amender cette clause et faire en sorte que le port du gilet en mer soit obligatoire, pour la sécurité des officiers». 
 
Contacté à cet effet, aucun haut gradé de la NCG n’a souhaité commenter le drame (voir hors-texte), dans la mesure où une enquête a été ouverte. Quoi qu’il en soit, les familles des disparus pleurent, elles, deux êtres qui leur étaient chers. 
 
Rue Albatros, à Pointe-aux-Sables, de nombreux proches et amis sont venus témoigner de la sympathie à la famille de Homjaysing Harpal, connu sous le sobriquet de Kaushal. Ce dernier, âgé de 31 ans, avait rejoint cette unité de la police il y a huit ans. «Il nageait très bien. D’ailleurs, il s’entraînait régulièrement et faisait du sport pour garder la forme. On a du mal à comprendre ce qui s’est réellement passé ce soir-là. Portait-il un gilet ou pas ? Est-ce que l’embarcation sur laquelle il se trouvait contenait tout le matériel nécessaire en cas de danger ?» se demande Brinda Harpal, la belle-sœur de la victime, complètement bouleversée. Pour elle, il est urgent que la police fournisse des éléments de réponse : «On est en droit de savoir. Il faut qu’on connaisse la vérité.» 
 
Benjamin d’une fratrie de deux enfants, c’est à Vallée-des-Prêtres que Kaushal a grandi. Il a fait la rencontre de Nisha – qui deviendra plus tard sa femme – alors qu’il était inscrit au Bhujoharry College (Boys) à Port-Louis, raconte Brinda, les larmes aux yeux. Son Higher School Certificate (HSC) en poche, Kaushal ne tarde pas à trouver un emploi et fait son entrée dans la force policière en 2006. «Après son training, il a été affecté à la NCG. Et deux ans plus tard, il a épousé Nisha», explique-t-elle. De cette union est née une petite fille. «Kaushal était un bon vivant et faisait tout pour que sa famille ne manque de rien et soit heureuse, dit-elle. Il y a deux ans, il a construit sa maison à Pointe-aux-Sables. Sa femme est mère au foyer et leur fille est à l’école pré-primaire. Le rez-de-chaussée terminé, il voulait également construire à l’étage.» 
 
Orphelin de père depuis plusieurs années, Kaushal envisageait l’avenir avec sérénité. «Il était discipliné et s’appliquait assidûment dans ses études, en vue de décrocher une promotion», souligne notre interlocutrice. Mais le destin en a décidé autrement.
 
À Beau-Bassin, c’est la même désolation qui se lit sur le visage de ceux qui vont et viennent chez les Balloo. Alors qu’il y a quelques jours encore, c’est la joie et la bonne humeur qui prévalaient dans la maison. Le 17 octobre, Mohesh Kumar Balloo, aussi appelé Avinash, fêtait en effet ses 24 ans. «On avait passé un agréable moment en famille, comme chaque année. Et, aujourd’hui, il n’est plus de ce monde. C’est trop dur à accepter», confie Deoraj, son père, qui peine à contenir son émotion. 
 

Famille modeste

 
Les yeux rougis à force de pleurer, les mots lui manquent pour exprimer son immense chagrin. Ce père de deux garçons a dû s’armer de courage pour conduire Avinash jusqu’à sa dernière demeure hier, samedi 1er novembre. «Mon fils aimait le travail qu’il faisait. Mais ce n’était pas ce à quoi il était destiné. Lorsque ce métier s’est présenté à lui, il n’a pas eu d’autre choix que de l’accepter, car on est une famille très modeste», précise Deoraj. 
 
Avinash avait été recruté par la NCG il y a deux ans seulement. «Après le primaire, il a fréquenté le collège Eden à Rose-Hill et a complété son HSC au collège New Eton. Mais après le secondaire, il voulait devenir expert-comptable et avait opté pour des cours d’ACCA. En parallèle, il avait postulé pour entrer dans la force policière. Lorsqu’il a été retenu, il a foncé. Mais il n’avait pas pour autant abandonné son rêve et poursuivait ses études en ACCA à temps partiel. On est une famille modeste, mais lui avait de grandes ambitions et voulait réussir en travaillant à la sueur de son front», confie Deoraj. 
 
Entre ses études et sa vie professionnelle, Avinash avait su, selon son père, trouver le juste milieu. «Il n’était jamais fatigué, c’était une boule d’énergie. En dehors de son travail et de ses études, il faisait du sport, surtout de la natation. Il nageait d’ailleurs très bien, pratiquait le volley-ball et le basket-ball. C’était un jeune homme bien de son temps», explique-t-il.
 
Hélas, le bel avenir qu’il entrevoyait pour son fils s’est écroulé aux alentours de 1 heure, au matin du samedi 1er novembre, lorsque la police est venue frapper à sa porte. Deoraj, maçon de profession à la municipalité de Quatre-Bornes, ne peut toujours pas y croire. Non, se dit-il, le pire n’a pas pu arriver à son fils. «Le plus dur a été d’annoncer la nouvelle à ma femme Jemila et à mon autre fils Kiran. On ne sait pas vraiment ce qui s’est passé. On veut connaître la vérité. Son collègue et lui transportaient-ils des officiers ce soir-là ou patrouillaient-ils vraiment dans l’eau ? » ne cesse de se demander Deoraj, l’air tourmenté. 
 
Son fils, dit-il, était un garçon qui avance dans la vie : «Sa maison était en construction. Il ne restait plus qu’à poser la dalle. Il n’était pas en couple, mais il avait une vie bien remplie.» Mais il s’en est allé dans des circonstances qui lui sont inconnues. 
 
En attendant des réponses à leurs multiples questions, les familles Harpal et Balloo tentent, tant bien que mal, de panser leurs blessures. 
 
 

 

Le commissaire de police rend visite aux proches des victimes

 
Il a tenu à leur présenter ses condoléances en personne. Ainsi, Dhun Iswur Rampersad s’est rendu chez la famille Balloo à Beau-Bassin et chez les Harpal à Pointe-aux-Sables, hier matin, afin de leur témoigner sa sympathie dans cette dure épreuve. Le commandant Kohil de la National Coast Guard a également fait le déplacement.
 
Lors de sa rencontre avec les proches des victimes, Dhun Iswur Rampersad les a assurés du soutien de la police, tout en précisant qu’une enquête a été ouverte en vue de faire la lumière sur cette affaire. À ce stade de l’enquête, il ne souhaite cependant pas commenter ce drame. En revanche, l’entourage du commissaire de police avance que ce dernier serait très irrité depuis cette tragédie qui a coûté la vie à deux membres de la force policière. 
 
Le TPC Balloo et le PC Harpal effectuaient une patrouille sur un heavy duty boat le soir du drame, lorsque l’appareil a chaviré après avoir heurté un remorqueur. Les deux officiers, qui étaient affectés à la NCG Harbour Security, ont été secourus par le personnel naviguant qui se trouvait dans la rade et par des collègues. Des plongeurs de la NCG sont également intervenus pour leur prodiguer les premiers soins, mais les deux garde-côtes avaient déjà rendu l’âme.
 
Un fait intrigue cependant Dhun Iswur Rampersad : pourquoi ces officiers ne portaient-ils pas de gilet de sauvetage, alors que c’est obligatoire sur toutes les embarcations ? L’opérateur du remorqueur a, pour sa part, été arrêté. Il fait l’objet d’une charge provisoire d’homicide involontaire.

Publicité