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Deux victimes de violences conjugales retrouvées mortes le même jour : la tragique histoire de ces femmes martyres racontée par leur entourage

29 mars 2022

Fadillah Futtingah, 31 ans, étranglée par son époux Jiten

 

Sa mère Nazmoon : «Mo ti dir li sa boug-la pou touy li enn zour»

 

Nazmoon Singh (à dr.) regrette de n’avoir pu contempler le visage de sa fille lors des funérailles.

 

Le cœur de cette maman est complètement brisé depuis l’agression mortelle de sa fille unique, Fadillah Futtingah, par son gendre Jiten. Ce dernier, un toxicomane, est sorti de prison en décembre, après avoir purgé une peine de deux ans pour une affaire de «sexual intercourse with female under 16». Ce jeune homme fiché à la police comme récidiviste notoire n’aurait pas digéré l’infidélité alléguée de son épouse pendant son emprisonnement. Nazmoon Singh nous raconte sa détresse.

 

Le visage est le miroir du cœur, dit un célèbre proverbe français. On peut généralement y décrypter les sentiments et émotions qui animent une personne.  Sur celui de Nazmoon Singh, 59 ans, plus connue comme Pooja, on peut lire, depuis quelques jours, une douleur, une révolte et une incompréhension infinies. Cette habitante de Nehru Nagal, à Argy, est complètement abasourdie depuis le décès tragique de sa fille Fadillah Futtingah, née Fuzurally, plus connue comme Preety. Sa plus jeune fille, âgée de 31 ans, a été étranglée par son époux Jiten, un récidiviste de 29 ans surnommé Ponn, puis jetée dans un champ de canne. Il est déjà passé aux aveux.

 

«Mo ti dir mo tifi sa boug-la pou touy li enn zour. Mo zann ti kontan bate. Li ti pe bat li divan mo mem. Linn deza bat mwa ousi kout helmet», confie avec tristesse Nazmoon. Quand elle a appris, dans la matinée du mardi 22 mars, que sa fille Fadillah n’était pas rentrée chez elle depuis la veille, elle a pressenti que quelque chose n’allait pas. C’est le fils de cette dernière, âgé de 14 ans, qui l’a appelée pour le lui dire. Selon Nazmoon, à partir de là, «so mari inn zwe enn mari fim ek nou». «Linn dir mwa lor telefonn ki Preety inn sorti aswar avek enn kamarad me ki li pankor retourne. Monn dir li ki kalite zom twa to les to fam sorti ek enn lot zom o milie la nwit. Linn res trankil, li pann dir mwa nanye.» Intriguée, Nazmoon a débarqué au domicile de sa fille peu après et a beaucoup insisté auprès de son gendre pour qu’il aille signaler la disparition de Preety au poste de police de Flacq. «Monn bizin mari fors li pou li al la polis. Linn ale kan monn donn li ID Card mo tifi», se souvient-elle.

 

La quinquagénaire s’est alors occupée des enfants du couple, âgés de 6 et 5 ans – le fils aîné de Fadillah est né d’une précédente relation. «Je n’ai plus eu de nouvelles de Jiten après. Il ne prenait pas les appels. Vers 17 heures, il a fini par décrocher pour me dire qu’il se trouvait dans les locaux de la CID. Ce n’est qu’après que j’ai su pourquoi», souligne Nazmoon. La police avait retrouvé le cadavre de Fadillah Futtingah dans un champ de cannes à Allée Mangue Road, Poste-de-Flacq, vers 16 heures, ce jour-là. Selon la police, le corps se trouvait à 200 mètres de la route.

 

Par la suite, la CID de Flacq a arrêté cinq suspects, dont Jiten Futtingah. Pressé de questions, il est passé aux aveux. Il a expliqué avoir mortellement étranglé son épouse parce qu’elle lui aurait été infidèle. Les enquêteurs n’ont pas eu à forcer pour le faire avouer ; ils l’ont confronté aux preuves existantes, dont un morceau de peau se trouvant sous les ongles de la victime, nous dit une source policière. Le suspect avait, lui, des marques de griffures au dos et aux mains. Jiten Futtingah est provisoirement accusé de «murder». Un autre suspect, Roopsing Heeralall, un Cleaner de 36 ans, a été inculpé d’une accusation provisoire de «conspiracy to commit murder». Il est soupçonné d’avoir aidé à transporter le cadavre. Les trois autres suspects ont été autorisés à rentrer chez eux après leur interrogatoire.

 

Selon Nazmoon, son gendre avait bien planifié son coup. Cela faisait seulement quelques jours qu’il était revenu vivre avec Fadillah, à Camp Poorun, Poste-de-Flacq. À sa sortie de prison en décembre après deux ans, le jeune homme était allé habiter chez son père qui habite la même localité. Il avait été condamné dans une affaire de «sexual intercourse with female under 16». Il est d’ailleurs fiché comme récidiviste notoire au poste de police de Flacq pour avoir été impliqué dans plusieurs affaires de vol et de drogue. «Ponn ti fek revinn res ek mo tifi de-trwa zour avan li touy li. Li ti dir li ki li pou sanz so lavi ek inn demann li pardon pou tou seki linn fer avan. Mo tifi inn fini par krwar li. Zis apre sa, lot misie-la kinn arete li ousi la inn vinn lwe enn lasam ar zot», affirme Nazmoon.

 

Le voisinage du couple avance que Jiten serait entré dans une grande colère à sa sortie de prison lorsqu’il aurait pris connaissance d’une photo de son épouse en compagnie d’un autre homme sur les réseaux sociaux. Il n’aurait pas non plus digéré le fait que Preety aurait vu d’autres hommes en son absence. Selon des voisins, la jeune femme «ti pe bizin rod lavi» pour faire bouillir la marmite et nourrir ses trois fils.

 

Nazmoon dit tout ignorer de cela, ainsi que de cette histoire de photo avec un autre homme. «Jiten kapav dir seki li anvi. Si mo tifi inn mal tonbe, se akoz li mem. Linn fer li tonb dan la drog ousi. Monn koz ek mo tifi plizir fwa pou sa me li pa ti pe ekout mwa. Mo tifi osi ti pe bwar», s’insurge Nazmoon. Cela faisait sept ans que Jiten et sa fille étaient mariés civilement, raconte-t-elle. «Mo tifi ti deza ena so gran garson ek enn lot misie. Kan Preety inn marye ek Ponn, monn donn zot sa lakaz isi-la pou zot reste. Lakaz-la pa ti ankor fini me ti kapav reste selma. Mo ti res lamem ek zot mwa ousi me monn oblize sove. Ti pe gagn mari problem ek li. Li droge ek voler. Li ti pe mem kokin mo bann zafer. Linn ale vini prizon plizir fwa. Li kontan bate ousi», affirme Nazmoon.

 

La vie de martyr de sa fille auprès de Jiten a continué, entre les séjours de ce dernier en prison. Et après un répit de deux ans, le cauchemar n’a pas tardé à recommencer jusqu’au drame qui a coûté la vie à la jeune femme. C’est une Nazmoon complètement brisée qui a finalement pu organiser les funérailles de sa fille le jeudi 24 mars, après beaucoup de difficulté. Et elle est doublement affligée car le décès tragique de Fadillah a engendré une autre tragédie. «Mo nepli gagn nouvel mo bann ti zanfan. Seki gran-la inn al res kot mama so papa. Granper 2 tipti-la inn refiz pran zot. Enn vwazinn ti pe get zot me la, mo pa mem kone kot zot ete», s’indigne Nazmoon qui ne sait pas quoi ni comment faire pour se relever de cette terrible épreuve qu’elle vit actuellement…

 


 

Jaya tuée par son mari dans le même quartier, il y a deux ans

 

Elle est morte dans des circonstances horribles. Jaya Bunghooye, 23 ans, habitant également à Camp Poorun, Poste-de-Flacq, avait été agressée mortellement par son époux Kriteshsingh le 2 février 2020. Ce toxicomane de 27 ans, en liberté conditionnelle pour non-respect du Domestic Violence Act, lui avait tailladé le cou après une énième dispute conjugale. Cela s’était passé en pleine rue, sous les yeux épouvantés des passants. La police avait arrêté le suspect le lendemain, alors qu’il se cachait dans un champ de cannes non loin du domicile de ses parents, à Flacq. Il était passé aux aveux et avait allégué qu’une histoire d’infidélité serait à l’origine du drame. Ce qu’avaient nié fermement les proches de la victime. Jaya et Kriteshsing vivaient séparément depuis un an et demi. La jeune femme travaillait comme valet de chambre dans un hôtel. Le couple avait deux enfants : une fille et un garçon, âgés aujourd’hui de 8 et 5 ans.

 

La ministre Kalpana Koonjoo-Shah condamne les quatre féminicides qu'il y a eu en un mois

 

«Li vreman sagrinan pou konstate ki dan lespas enn mwa, kat madam inn perdi lavi dan bann sirkonstans atros. Dan enn zour, 2 madam perdi lavi dan bann sirkonstans dramatik. Mo prezant mo kondoleans fami bann viktim. Mo fini donn instriksion Family Protection Unit mo minister pou donn sipor ek soutien fami bann viktim. Sa bann dram-la rapel nou ankor enn fwa ki nou bizin kontign travay dir lor bann stratezi, mezir ek solision pou protez bann madam. Bizin ousi atak bann problem a la sours. Bizin pa atann bann dram pou reazir. High-Level Committee fini diskit lor solision dirab kont violans kont madam. Finn deza ena bann konsiltasion ek amend bann lalwa. Mo profite pou lans enn lapel bann dimounn pou denons bann ka violans kont madam. Bann viktim bizin pa res trankil. Fode zot denonse pou nou kapav ed zot.»

 


Jean Marie Gangaram

 


 

Le mari de Swaleha Khoyratty la tue le jour de son 50e anniversaire avant d’ingurgiter du poison

 

Une proche : «Elle me racontait comment cet homme lui menait la vie dure…»

 

La quinquagénaire a été étranglée par son époux dans son appartement à Plaine-Verte.

 


Elle célébrait son 50e anniversaire ce mardi 22 mars mais les célébrations ont laissé place aux larmes amères. Ce jour-là, Swaleha Khoyratty a été étranglée par son époux Feizal Mohabuth, 53 ans, dans l’appartement qu’elle louait, à Plaine-Verte. Le quinquagénaire, qui avait ingurgité du poison avant de donner l’alerte, a rendu l’âme à l’hôpital le lendemain. Bouleversés, choqués, ceux qui les ont côtoyés se confient...

 

Elle avait entamé cette journée dans la joie et la bonne humeur. Le mardi 22 mars, Swaleha Khoyratty, une habitante de Plaine-Verte, avait choisi de ne pas se rendre au travail parce qu’elle avait prévu de prendre du temps pour elle. Elle célébrait, ce jour-là, son 50e anniversaire et prévoyait d’aller dîner avec ses enfants issus de son premier mariage ; un moment qu’elle attendait avec impatience. Malheureusement, cette journée spéciale a fini par prendre une tournure tragique et n’aura plus jamais la même signification pour ses proches. Pour cause, la vie lui a été ôtée tragiquement en ce 22 mars, dans son appartement. Son meurtrier n’est nul autre que son deuxième époux, de qui elle vivait séparée depuis plusieurs mois.

 

La vie ne lui a pas fait beaucoup de cadeaux. Après s’être séparée du père de ses enfants, Swaleha Khoyratty pensait retrouver le bonheur dans les bras d’Abdool Feizal Mohabuth, un Traffic Controller de 53 ans, habitant la région de Phoenix. Ce dernier est également séparé et a des enfants issus de sa première union. Il y a deux ans, les deux tourtereaux ont contracté le nikah et espéraient vivre une belle vie ensemble. Cependant, leur relation a commencé à battre de l’aile lorsque l’attitude du quinquagénaire aurait changé vis-à-vis de sa nouvelle compagne. C’est, du moins, ce que laissent entendre certains proches de Swaleha Khoyratty.

 

La victime travaillait à la foire de Curepipe depuis un bon moment. C’est sur place qu’elle avait fait la connaissance de Sybille* qui allait devenir l’une de ses plus proches amies. Sollicitée, cette dernière raconte : «Je l’ai connue en venant rencontrer un membre de ma famille. Nous nous sommes vite liées d’amitié. Elle était gentille, souriante et très populaire. Li ti enn bon madam. Li ti kontan riye, badine.» De fil en aiguille, les deux femmes se sont rapprochées et ont commencé à parler de leur vie respective. «Même si elle faisait toujours en sorte de ne pas montrer qu’elle allait mal, je le voyais. Elle me racontait que son deuxième époux lui menait la vie dure. Li ti pe lager ek li toultan. Li ti zalou. Li ti abitie vinn dan so travay pou diskit ek li devan dimounn.»

 

Sybille ne cache pas que son amie était vraiment malheureuse avec cet homme, même si elle a longtemps fait en sorte de prendre sur elle, de faire fonctionner les choses. «Lerla, monn dir li ki li bizin kit li. Elle s’inquiétait du regard des gens. Monn dir li ki se pa akoz li ti separe enn premye fwa ki li bizin reste. Li ti anvi remet li ek so premye mari. Elle répétait que celui-ci s’était toujours très bien occupé d’elle.» Ainsi, il y a plusieurs mois, elle a fini par prendre son courage à deux mains. Elle a mis fin à sa relation avec Feizal Mohabuth et a quitté leur domicile, à Phoenix, pour  emménager seule dans un appartement à Plaine-Verte.

 

La dernière fois que Sybille l’a vue remonte à une semaine avant son décès. «J’étais passée la voir sur son lieu de travail. Comme d’habitude, elle était très souriante. Nous avons discuté quelques minutes et je suis partie.» Dans la matinée, le mardi 22 mars, elle s’était à nouveau rendue sur son lieu de travail dans l’espoir de la rencontrer pour lui souhaiter un bon anniversaire mais elle a constaté qu’elle ne s’y était pas rendue. «Lorsque j’ai appris son décès dans la soirée, je ne voulais pas y croire. Un membre de ma famille me l’avait annoncé. Mo ti pe dir pa enn badinaz pou fer sa. Puis, j’ai vu sa photo dans les médias et j’ai compris que c’était vrai. J’ai encore du mal à croire qu’elle n’est plus parmi nous», lâche-t-elle, choquée.

 

L’alerte a été donnée par Feizal Mohabuth lui-même. Il était environ 18 heures lorsque ce dernier s’est rendu au poste de police de Plaine-Verte pour avouer son crime. Il voulait, dit-il, se remettre avec la victime mais est entré dans une colère noire lorsque celle-ci l’a repoussé. En se rendant sur place, à la rue Rémy Ollier, les enquêteurs sont tombés sur le corps sans vie de Swaleha Khoyratty dans l’une des pièces. Feizal Mohabuth a, pour sa part, été conduit à l’hôpital Jeetoo parce qu’il avait ingurgité du pesticide après avoir commis son forfait. Il a subi un lavage d’estomac, avant d’être placé sous observation. Le lendemain, une autopsie a été pratiquée sur le corps de la victime et celle-ci a conclu qu’elle avait succombé à une compression de la nuque.

 

La nouvelle de sa mort a également attristé l’ancienne présidente de l’aile féminine du MMM, Jenny Adebiro, qui connaissait la victime. «C’est quelqu’un que j’ai côtoyé. Elle était sincèrement une bonne personne, toujours de bons conseils et très à l’écoute. Elle avait connu des hauts et des bas mais je ne pensais pas que la vie lui réservait une fin pareille. Elle ne méritait pas cela. J’ai une pensée spéciale pour ses enfants, sa famille», dit-elle, bouleversée. Elle poursuit : «Mo extra sagrin ki dimounn pe port bann zizman me sa fam-la tousel ki kone ki li ti pe viv. Elle est en paix maintenant.»

 

Feizal Mohabuth n’aura pas eu le temps de répondre de ses actes dans cette affaire. Pour cause, dans la soirée du mercredi 23 mars, il a succombé à son empoisonnement ; une nouvelle tout aussi choquante pour ceux qui l’ont côtoyé. «Tout le monde le connaissait dans la localité. Il avait de bonnes relations avec tout le monde», relate le travailleur social Ziad Chetty. «Il travaillait comme receveur d’autobus avant d’avoir une promotion. Nous l’avons tous connu comme quelqu’un de discipliné dans son travail. Cela lui arrivait aussi de travailler comme serveur dans les mariages, où il était sérieux et respectueux. Nous nous sommes liés d’amitié à la masjid», dit-il. Il poursuit : «J’ai toujours du mal à comprendre ce qui lui est passé par la tête. Si on m’avait dit qu’il commettrait un tel acte un jour, je n’y aurais pas cru. Il disait toujours que la vie est une leçon. J’espère que ce qui s’est produit, même si c’est malheureux, nous servira à tous de leçon.»

 

Les funérailles de Swaleha Khoyratty, ainsi que celles de Feizal Mohabuth, ont eu lieu le mercredi 23 mars.

 

Elodie Dalloo

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