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2 mai 2020 14:34
Il est considéré comme un role model. Car son courage, son intégrité et son implication sans limite dans son travail de médecin, ne peuvent que servir d’exemple, selon ses proches, à tous ceux et celles qui évoluent dans le domaine médical. Jusqu’au bout, le Dr Bruno Cheong, 63 ans, passionné de médecine, riche d’une longue carrière et ayant le goût des autres, est resté fidèle à son poste «sur le champ de bataille». Et il y a rendu son dernier souffle, le lundi 27 avril, après avoir lutté de toutes ses forces contre le coronavirus qui le rongeait.
C’est dans l’exercice de ses fonctions que le Dr Cheong, spécialiste, chef de service en médecine interne à l’hôpital de Flacq et qui consultait aussi à la clinique Darné, a été contaminé. Le médecin, dixième victime du Covid-19 à Maurice, avait examiné le patient zéro - qui est décédé depuis - qui avait omis de lui transmettre certains détails importants, comme le fait qu’il avait voyagé à un moment où le virus ne cessait de gagner du terrain et de faire des ravages dans le monde. L’état de santé du médecin s’étant détérioré, il avait été transféré à l’hôpital ENT où il avait été placé sous respiration artificielle jusqu’à son décès.
Depuis que cette triste nouvelle est tombée, c’est non seulement l’ensemble du personnel médical du pays - actuellement au front dans la bataille contre le virus mortel et que le monde et les Mauriciens applaudissent tous les soirs pour sa dévotion - qui est en deuil mais aussi toute la population qui est ébranlée par cette perte. Car depuis que le coronavirus s’est invité dans nos vies, ici comme ailleurs, les soignants sont considérés comme des héros du quotidien qui, malgré la menace, bravent les dangers, mettent leur propre vie mais aussi celle de leurs proches en péril pour soigner les malades et faire reculer ces chiffres qui font peur. Et le décès de l’un d’eux, comme celui du Dr Cheong, fait penser à ces soldats tombés sur le champ de bataille et qui ont donné leur vie pour une mission. Et c’est ce qui touche de nombreux Mauriciens.
Depuis que le médecin a été testé positif au Covid-19, les messages de soutien et les prières se succèdent sur les réseaux sociaux et l’annonce de sa mort a grandement attristé ceux qui espéraient sa guérison. Son épouse Sandra, ses deux enfants, Julia et Oliver, et d’autres membres de sa famille lui ont dit un dernier au revoir le mardi 28 avril. Sollicité pour une déclaration, Oliver Cheong nous a fait savoir que la famille affligée ne souhaitait pas faire de témoignages pour l’instant. Mais sur les réseaux sociaux, les hommages n’arrêtent pas de tomber en faveur du médecin. Les messages d’amour et de tristesse ne cessent de souligner la vocation du Dr Cheong pour son métier et dans son entourage, ils sont nombreux à le regretter.
«Nous sommes vraiment touchés par les élans de sympathie et d’hommage pour le Dr Cheong. C’est une belle façon de lui dire que le pays lui est reconnaissant pour son dévouement, lui qui est tombé malade dans l’exercice de ses fonctions. Cette vague de solidarité est un signe de respect pour la profession de soignant. C’est un frontliner qui a perdu la vie en voulant sauver celle de quelqu’un d’autre», nous confie le Dr Preeatum Ancharaz, néphrologue à l’hôpital de Flacq où travaillait le Dr Cheong. L’établissement hospitalier ainsi que d’autres hôpitaux et cliniques de l’île n’ont pas manqué de rendre hommage au disparu, au lendemain de sa mort, lors de cérémonies en simultanée, ponctuées d’une minute de silence et d’applaudissements en signe de respect pour ce soldat qui a marqué plus d’un de par sa personnalité.
Il était considéré comme un professionnel hors pair, qui avait une vraie vocation pour la médecine et qui savait écouter. Plus qu’une passion, sa profession, aux dires de son entourage, était sa raison de vivre. «J’ai côtoyé le Dr Cheong depuis 2008, quand je suis arrivé à l’hôpital de Flacq. Il avait une immense connaissance. Il répondait toujours présent quand on faisait appel à lui et il était un administrateur très compétent. On savait qu’on pouvait toujours compter sur lui et il savait toujours trancher et prendre les bonnes décisions. Il savait écouter et sa porte était ouverte pour tout le monde ; les généralistes, les spécialistes, les internes ainsi que le personnel non médical. Il avait beaucoup d’amis parce qu’il était humble et professionnel. J’ai perdu un mentor. On a perdu un grand leader, un boss et c’est dommage qu’il ait perdu la vie parce qu’un malade lui a caché des informations importantes sur son état», témoigne le Dr Ancharaz.
Il se souvient parfaitement de la dernière fois où il a vu le Dr Cheong on duty : «C’était le mercredi 18 mars car on avait des réunions tous les mercredis, juste avant que le pays n’entre en confinement et que lui-même n’aille en quarantaine. On espérait qu'il allait se remettre mais, hélas, ce virus a eu le dessus sur lui. Son décès nous rappelle à quel point le personnel soignant est en première ligne dans cette bataille contre le coronavirus. Quand on rentre chez nous le soir, on ne sait pas ce qu’on ramène. We are using whatever we are being provided et on fait notre travail avec conviction et toute notre force parce qu’on veut protéger et sauver la population. Le personnel soignant est à risques mais on fait notre travail sans hésitation, comme le faisait le Dr Cheong.»
Le Dr J. K. Nangu, autre médecin exerçant à l’hôpital de Flacq, est également très touché par la disparition de son collègue : «Je travaille avec lui depuis six ans et je le voyais plus que ma famille. On travaillait ensemble du lundi au samedi, de 9 heures à 15 heures. On ne pouvait qu’apprendre de lui. Il était une encyclopédie vivante qui aimait tellement partager ses connaissances. Le Dr Cheong avait une grande compassion pour tous ses patients et ne faisait aucune distinction entre eux. C’était aussi quelqu’un qui aimait beaucoup la famille. Sa famille était très importante pour lui. Il va définitivement nous manquer.»
Ils sont plusieurs à souligner que la profession perd un grand homme. «C’est avec une grande tristesse que nous avons appris cette nouvelle. C’est une grande perte pour la famille médicale, non seulement parce qu’il était un excellent médecin mais aussi parce qu’il était un être humain chaleureux et très compatissant. Nos plus sincères condoléances vont également à la famille en ces temps difficiles. Je promets que c’est avec un grand engagement que nous, médecins, continuerons à nous battre», nous confie le Dr Shakil Ameerudden, chirurgien à l’hôpital Victoria, Candos.
Derrière chaque témoignage, on découvre de l’admiration pour le médecin. Rahul Seeruttun, Radiographer au Wellkin Hospital, se souviendra toujours de lui comme d’un homme humble et accessible : «Je n’ai pas travaillé en étroite collaboration avec le Dr Cheong mais nous l’avons toujours connu comme une personne très gentille et polie. C’était toujours un plaisir de lui parler chaque fois qu’il passait dans le couloir pour nous interroger sur notre travail et nous donner des conseils. Pour la communauté médicale, c’est une grande perte. Nous avons perdu un guerrier au combat aujourd’hui et cela a affecté le moral d’une certaine manière. Nous le remercions tous pour toutes ces années de service qu’il a consacrées au traitement de tant de patients. Nous devons tous travailler plus dur et plus prudemment si nous ne voulons perdre aucun autre de nos frères d’armes dans cette crise.»
Tous ceux et celles qui ont déjà croisé le chemin du Dr Cheong se rappellent d’une histoire, d’un moment. Parmi, Michèle Etienne qui a eu l’occasion de le côtoyer lors de ses années à la MBC : «Je me souviens de ce jeune médecin venu animer sa première émission sur les maladies des bronches. Il me disait avoir le trac mais une fois la première question posée, c’est le professionnel qui avait pris place. Une collaboration mensuelle s’en est suivie et c’était un vrai bonheur d’animer une émission avec le Dr Cheong, avec ses explications claires et pédagogiques, sa connaissance profonde des thèmes abordés, sa passion pour son métier et son désir de rendre la médecine plus humaine. Et c’est de cette façon que ce grand professionnel pratiquait sa médecine : avec humilité, compassion et sincérité. Je garde un magnifique souvenir du Dr Cheong lors d’un séjour à Rodrigues pour la visite du pape Jean-Paul 2 en 1989. Il faisait partie de la délégation médicale accompagnant le pape. Moments privilégiés où j’ai joué le guide pour Bruno qui découvrait Rodrigues. Le pays a perdu un de ses brillants médecins, tombé au champ d’honneur.»
Le nom du Dr Cheong, comme celui de tous ceux dont la vie a été profondément bouleversée par le virus, restera à jamais lié à ce triste épisode de l’année 2020 qui porte désormais l’empreinte du Covid-19. On se souviendra ainsi de lui comme d'un valeureux soldat en blouse blanche, tombé au front...
Les messages de soutien se succèdent. Ils ont été nombreux à avoir eu une pensée spéciale pour le Dr Cheong sur les réseaux sociaux, certains proposant même que l’hôpital de Flacq porte désormais son nom. «Je me joins à l’ensemble du service de santé public pour rendre hommage à cet ami et collègue. Nos pensées vont à la famille et aux proches du défunt», a confié le Dr Kailesh Jagutpal, ministre de la Santé, dans un communiqué cette semaine. «Rest in peace Dr Bruno Cheong, a great medical practitioner and physician», a écrit le Dr Zouberr Joomaye, porte-parole du National Communication Committee sur le Covid-19, sur sa page Facebook, en affichant un fond noir comme cover picture et comme photo de profil. Tout le corps médical a ainsi rendu hommage au Dr Cheong. Ce mardi, ils étaient nombreux, dans les établissements de santé, à afficher un ruban noir en guise de deuil. Le Board of Governors du collège St Esprit, où le défunt médecin était élève, a aussi eu des bons mots pour celui qui est parti en héros.
L’hommage est planétaire. Et partout, on parle d’eux comme des super-héros. Eux, ce sont ceux qui, avec les malades, regardent le coronavirus en face tous les jours depuis que ce cauchemar a commencé. Ils se mettent en danger et mettent aussi en péril la vie de leurs proches mais continuent à se donner quoi qu’il arrive. Ils voient la douleur, la détresse, l’impuissance... Ils assistent à des moments de souffrance, à des drames, à des départs, et partagent des instants de bonheur quand le mal est vaincu. Mais il y a également ceux qui, tombés pendant la bataille, n’ont pu se relever. On parle bien évidemment de ces soignants qui sont en première ligne de la guerre contre le Covid-19 partout dans le monde. Leurs sacrifices et leur dévouement sont d’ailleurs soulignés un peu partout, dans des moments d’applaudissement chaque soir comme pour leur envoyer un peu de bonnes vibes en ces moments difficiles ou encore à travers des caricatures ou autres initiatives touchantes et encourageantes qui soulignent leur bravoure. On pense là à ceux qui sont toujours debout et qui continuent le combat mais aussi à ceux qui ont perdu la vie. Tous des héros à qui le monde rend hommage en ce moment.
Des articles et autres reportages ont mis en exergue une panoplie de visages, de familles brisées, d’histoires de passion et de dévotion. Les victimes sont des médecins généralistes, des aides-soignants, des urgentistes, des infirmiers, entre autres, emportés alors qu’ils soignaient les autres. C’est à travers des récits poignants et en dévoilant des visages que Le Parisien, par exemple, a raconté les parcours de ces hommes et ces femmes pas comme les autres. Parmi, deux de nos compatriotes : Mahen Ramloll, 70 ans, médecin généraliste, décédé le 22 mars, et Mohammad Hassen Hossenbux, 68 ans, également médecin généraliste, mort le 14 avril. Des parcours exemplaires, des hommes hors pair.
Le Parisien raconte ainsi comment Mahen Ramloll, «issu d’une famille mauricienne modeste, avait quitté son île natale». Le fils de notre compatriote témoigne aussi : «Pour lui, être médecin, c’était soigner l’humain. Il était très fidèle au serment d’Hippocrate.» Nous avons voulu avoir un témoignage de ce dernier mais il nous a répondu que la famille ne souhaitait pas faire de commentaire. France Info a aussi rendu hommage à notre compatriote. D’autres journaux français et des actions dans d’autres parties du monde, notamment à Londres et à New York, mettent également en lumière ces héros partis trop tôt.
Le pape François a aussi rendu hommage à ces personnes qui étaient au service des autres. Le saint père a décrit le personnel soignant qui combat l’épidémie de Covid-19, dont ceux qui ont succombé au virus, comme des soldats «morts au front» qui ont «donné leur vie par amour»...
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