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Par Yvonne Stephen
24 août 2015 13:27
Les données biométriques seront détruites à partir de demain. Un sentiment de satisfaction ?
C’est un move, d’accord. Mais je ne suis pas pleinement satisfait. Mon combat, en cour et ailleurs, n’est pas seulement contre les données biométriques et contre la banque de données, il est contre la carte elle-même. J’avais de l’espoir avec le nouveau gouvernement. Sir Anerood Jugnauth disait en pleine campagne électorale : «Bizin fou sa deor.» Pravind Jugnauth était du même avis. Aujourd’hui, la carte est encore là. Comment être pleinement satisfait ?
L’Alliance Lepep s’était effectivement montrée très virulente envers cette nouvelle carte d’identité en période préélectorale. Comment expliquer le maintien de la carte et ce changement de position huit mois après son arrivée au pouvoir ?
Cette carte intéresserait n’importe quel dictateur. Elle servirait parfaitement un Etat policier, un Etat qui veut se donner des allures de Big Brother. La façon dont le nouveau gouvernement essaie, à tout prix, de conserver cette carte, me fait dire une chose : il y a anguille sous roche ! Navin Ramgoolam pensait introduire, à un moment, l’electronical voting à Maurice. Je lui ai servi une mise en demeure, ainsi qu’à la Commission électorale, pour empêcher cela. L’élection de Modi, en Inde, nous a démontré qu’un scrutin par voie électronique peut être truqué. Aujourd’hui, ce désir de contrôle à outrance n’a pas disparu avec la nouvelle équipe au pouvoir.
Pas de carte d’identité «moderne», pas de vote électronique… Seriez-vous réfractaire au changement ?
Dites-moi, est-ce que ces outils sont synonymes de modernité ? Absolument pas ! Signes d’un Etat policier, oui. Qu’est-ce que c’est que cette manie de vouloir ressembler à Singapour ? Est-ce que ce pays est un role model ? Uniquement pour Maurice, peut-être.
Que reprochez-vous au juste à cette carte ?
Pas de photo en couleurs ? Celle en noir et blanc ne permet pas une reconnaissance facile. Pourquoi avoir une puce qui peut être piratée ? Pourquoi prendre dix empreintes alors que seules quatre sont utilisées ? Pourquoi faut-il un tracker device ? Il vaut mieux utiliser le passeport ou encore le permis de conduire (en version polycarbonate).
La destruction des données ne peut donc pas être présentée comme l’aboutissement d’un long combat ?
Ça ne va absolument rien changer.
Mais vos craintes que les données stockées dans la banque de données peuvent être piratées ne tiennent plus…
Vous croyez ? Pourquoi avoir pris trois mois pour détruire les données biométriques ? Je pensais que le gouvernement allait agir rapidement après le jugement de la Cour suprême. Il y est clairement explicité que le stockage des données biométriques pour une durée indéterminée est anticonstitutionnel. Qui sait, peut-être qu’une personne a déjà fait des copies des données avant leur destruction. D’ailleurs, il y a déja eu plusieurs fuites sur Internet. Des informations ont déjà filtré.
Vous poussez la théorie du complot un peu loin…
Pas forcément. Il reste une interrogation de taille : pourquoi continuer à prendre les données biométriques alors qu’il n’y a plus de banque de données ? Qui va lire ces informations sur les cartes ? à qui et à quoi vont-elles servir ? Il n’y a même pas de card readers ! Il y a bien trop d’interrogations dans cette affaire, un manque de transparence criant qui ne peut que donner lieu à des interprétations. Que l’on nous dise, une bonne fois pour toutes, à quoi vont servir ces informations.
Pourtant, la majorité des Mauriciens ne semblent pas s’opposer à ce nouveau document. Qu’en pensez-vous ?
J’ai goûté à la démocratie, la vraie. à la méritocratie et à la liberté aussi. J’ai vécu pendant de nombreuses années en Angleterre. Le Mauricien ne connaît pas la vraie liberté. Il a peur. Pendant plusieurs semaines après les dernières législatives, les gens étaient contents, ils avaient un sourire sur leur visage. Ils sentaient un nouveau souffle, un vent libérateur. Il n’y avait plus de menace de dictature. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ils ont peur d’exprimer leurs opinions ouvertement, peur d’être sur la liste noire du gouvernement, peur que leurs proches n’obtiennent pas de travail, entre autres. C’est la même pression, la même peur qu’avant.
A partir du 1er octobre, tous les Mauriciens devront avoir en leur possession leur nouvelle carte d’identité. Aurez-vous la vôtre ?
Bien sûr que non ! Et qu’est-ce qui va m’arriver ? Je vais finir en prison ? je devrais payer une amende exorbitante ? Je pense que je vais discuter avec mon avocat pour une injonction afin de faire bouger cette date limite en attendant de poursuivre mon combat au Privy Council. Mon objectif est clair : que ces cartes soient détruites !
Leader du parti The Liberals, créé quelques mois avant les législatives de 2014, le Dr Rajah Madhewoo s’est battu contre la nouvelle carte d’identité dès le premier jour. Après des années passées en Angleterre, où il se sentait très bien, précise-t-il, il a décidé de rentrer pour venir en aide à son pays. Ce médecin a logé une affaire en cour contre l’État et le ministère de la Technologie, de la communication et de l’innovation. Son but : faire stopper les procédures pour le changement de l’ID Card qu’il juge anticonstitutionnel.
Quelle actualité locale a retenu votre attention cette semaine ?
Je suis de très près les affaires Suntan, BAI et Soornack.
Qu’avez-vous retenu de l’actualité internationale ?
Le crash d’avion en Indonésie. Comme je voyage beaucoup, ce genre de catastrophe m’interpelle. Et puis j’ai suivi la découverte des débris du MH370 à La Réunion.
Que lisez-vous actuellement ?
Pour le moment, je ne lis rien de particulier. Mais, en général, j’aime les livres sur l’astrologie ou encore sur les secrets du management.
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