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Drogues, accidents de la route, law and order, droit et égalité pour tous, violences envers les femmes... : trois décennies à être la vitrine de la société

2 janvier 2021

Alain Jeannot de l'association Prévention Routière Avant Tout (PRAT) : «Il est temps de se ressaisir et de profiter du progrès dans la sécurité...»

 

«Ces 30 dernières années, le paysage économique et social de notre pays a considérablement changé. La route a connu une augmentation de véhicules motorisés de 1989 à 2019. Contrairement à ce que nous pensions, le taux de fatalité par 100 000 habitants a baissé de presque 11% et celui du nombre de fatalité par 1000 véhicules a chuté de 76%. Par contre, le nombre de morts par 100 blessés (fatalilty index), n’a connu qu’un très faible recul : 7%. Ces chiffres viennent nous dire que certaines mesures phares au cours de ces 30 dernières années ont donné des résultats. Ces mesures sont, entre autres : le port obligatoire du casque, la ceinture de sécurité exigée, les lois contre l’alcool au volant, le port des gilets réfléchissants etc. Ils indiquent aussi, à l’image du fatality index, que certains comportements tels que le non-respect des limites de vitesse n’ont pas changé. Il est temps de se ressaisir et de profiter du progrès dans la sécurité et le respect de la vie. Pour renverser la tendance, il faudrait : éduquer, sensibiliser sans relâche pour un partage respectueux de la route, multiplier les contrôles v/s la vitesse inappropriée, multiplier les facilités infrastructurelles pour les piétons et les usagers de deux roues motorisées. Il faudrait aussi un entretien strict des marquages de route et des panneaux indicateurs, encore plus de sécurisation, d’amélioration et d’encouragement pour l’utilisation accrue du transport public et le respect du code et de la courtoisie. Je souhaite que la publication la plus lue du pays puisse perdurer car elle est un atout dans le combat contre les drames routiers en déployant la souffrance des victimes et de leur proches qui sensibilise grandement, en soutenant ces derniers et en mettant en lumière des thèmes relevant de la sécurité routière à travers des articles-débats, par exemple, et en faisant même des campagnes de prévention nationale à l’image de "Pour ceux qui restent" en 2017. Campagne à laquelle j’ai eu l’honneur de participer.»

 

Marie-Noelle Elissac-Foy, engagée dans la lutte contre la violence envers les femmes : «N’est-ce pas urgent de trouver des solutions dissuasives et pérennes pour enrayer une violence qui frappe 50% de la population»

 

«La violence envers les femmes reste une véritable problématique dans notre société. Elle s’est intensifiée avec des crimes de plus en plus barbares. Premier constat, nous nous sommes accommodés de cette violence. D’où son intensification. Mais ce que nous venons de vivre depuis 2019 est inacceptable et inquiétant. 14 féminicides en 14 mois. Le plus triste, c’est que l’on retrouve cette perception chez les hommes et les femmes ! Le fait que certaines femmes décédées entre 2019 et 2020 aient, à un moment donné, sollicité la police et obtenu un Protection Order, est extrêmement alarmant. La police et la cour doivent assumer leurs responsabilités ! N’est-ce pas urgent de trouver des solutions dissuasives et pérennes pour enrayer une violence qui frappe 50% de la population, 50% de la force économique et 51% de l’électorat de ce pays ? La mise sur pied du High Level Committee par le Premier ministre est un game changer. Il engage son gouvernement et cela doit donner de vrais résultats. L’application mobile Lespwar devra, dans le long terme, devenir un outil de traçabilité, de monitoring et, au final, d'accountability. Cette notion de mettre tous ceux qui sont payés, ceux qui sont élus et ceux qui ont prêté serment pour protéger les femmes, devant leurs responsabilités, est essentielle. Pendant trop longtemps, l’on a pensé que la lutte contre la violence conjugale ne regardait que les ONG et le ministère de la Femme. Il faut une autre approche. Avec la plateforme, on plaide pour l'accountability. Une notion jusqu'à présent absente de toute cette lutte. Il faut mettre TOUS les stakeholders devant leurs responsabilités. Par exemple, il y a un cadre légal. Pourquoi n’est-il pas appliqué ? Lorsqu’un conjoint violent passe à l’acte et tue, c’est que pendant des années, il a été violent, il a proféré des menaces de mort et il ne s’est jamais inquiété ni de la police, ni de la justice. Ensuite, il faut enrayer les premiers signes de violence conjugale. D'où notre initiative de lancer le Violentomètre à Maurice. En identifiant ces signes, l'on peut sauver des vies. Nous comptons demander l’introduction du bracelet électronique. C’est une méthode dissuasive qui a fait ses preuves en Espagne, un des pays les plus à l’avant-garde dans la lutte contre les féminicides. J’ai un lien particulier avec 5-Plus dimanche. J’ai fait mes débuts dans la presse avec Finlay Salesse et Georges Chung. Une bonne école. Aujourd’hui, 5-Plus dimanche est un titre de référence. Vous avez redéfini, de la meilleure façon qui soit, la notion de journal populaire. Restez ce journal engagé. Exprimez vos valeurs. Votre team spirit fait plaisir à voir.»

 

Jean-Daniel Wong, ancien président du Collectif Arc-en-Ciel : «Le combat évolue certes et prendra du temps...»

 

«Il y a eu pas mal d’avancées je dirais. Par exemple, nous avons aujourd’hui plus de militants pour faire avancer la cause LGBT à Maurice alors que le Collectif Arc-en-Ciel a été pendant longtemps la seule organisation LGBT. Par exemple maintenant, il y a la Young Queer Alliance et la Rainbow Team de PILS. Les personnes soutenant et militant pour la cause, indépendamment de leur orientation sexuelle ou identité de genre, se montrent lors de la Marche des Fiertés. Les personnes de la communauté LGBTQI osent et vont de l’avant pour faire respecter leurs droits. Il y a trois cas qui ont été logés en cour. Bravo à Enri Kums, Ryan Ah- Seek et Najeeb Fokeerbux. Le combat évolue certes et prendra du temps car nous sommes assez conservateurs à Maurice. Il serait peut-être temps que nos dirigeants pensent à une deuxième république beaucoup plus inclusive, avec et pour les personnes LGBTQI. L’homophobie et ses actes devraient être pénalisés, comme c’est le cas en Suisse depuis peu. Il faut combattre les idées reçues et conscientiser les parents également afin qu’ils soutiennent leurs enfants dans leur différence et non pas qu’ils soient dans le jugement par rapport aux regards des autres. Il faut que les parents puissent parler de sexualité avec leurs enfants de manière différente. Le système éducatif doit inclure la sexualité au cursus secondaire ; cela évitera que les jeunes qui découvrent leur différence ne soient marginalisés, maltraités ; le bullying pousse trop souvent au suicide. Merci avec un grand M de vous engager, de suivre et d’inclure l’actualité locale LGBTQI dans vos éditions. Je vous souhaite encore de longues années de publication pour ce titre de presse avec lequel j’ai grandi et continuez d’évoluer comme vous l’avez si bien fait ; continuez à mettre l’être humain en avant, au-delà du sensationnalisme. Vous êtes aussi un acteur important et engagé pour la transformation sociale de Maurice et le combat LGBTQI en fait partie.»

 

Brigitte Michel, responsable de l'ONG AILES : «Il faudrait prendre exemple sur d'autres pays et ne pas utiliser que la répression pour vaincre le problème de la drogue»

 

«La drogue a fait pas mal de ravages depuis 30 ans. En 2020, l'héroïne ne fait plus autant de dégâts, grâce au programme de la méthadone, même si cette dernière est offerte dans les postes de police et qu'il reste beaucoup à faire pour rétablir les droits humains des personnes qui utilisent les drogues. Un médicament doit être offert dans un cadre médical et non dans un cadre répressif. Il y a aussi la drogue synthétique qui fait des ravages auprès des jeunes. Les overdoses suite à la consommation de cette drogue ont eu raison de nos jeunes, le prix étant très bas, ce qui permet à ces derniers de se rabattre sur cette drogue fabriquée artisanalement. L'État devrait revoir sa politique de drogues. Le cannabis n'a jamais tué personne. Le légaliser, le contrôler devrait pouvoir aider à enrayer le problème de la drogue synthétique. L'État devrait pouvoir prendre le contrôle de la drogue afin de l'enlever entre les mains des criminels et de régulariser la vente et la consommation de la drogue à Maurice. Il y a 7 894 personnes qui utilisent des drogues à Maurice (IBBS 2017). Le nombre de personnes atteintes par le VIH est de 48% et celles atteintes par l'hépatite C est de 97%. Les nouveaux antirétroviraux permettent aux personnes séropositives de devenir indétectables et de ne pas transmettre le VIH mais beaucoup ne sont pas adhérents à leur traitement à cause de la stigmatisation et de la discrimination et d'autres problèmes sociaux comme le manque de nourriture, d'un toit adéquat, et l'absence de certificat de caractère qui leur permette d'avoir un job, etc.

 

Il y a aussi le traitement pour l'hépatite C pour les personnes qui sont sous méthadone dans les hôpitaux publiques et cela grâce aux plaidoyers de la société civile et la volonté du gouvernement. Un projet qui permettrait de traiter des milliers de personnes.

 

Il faudrait une volonté politique forte pour faire avancer les choses et aussi un gouvernement qui fasse confiance aux ONG. Nous avons besoin d'être des partenaires de l'État et non le contraire. Nous sommes des experts de terrain et l'État a les moyens de diminuer le trafic de drogue. C'est juste la façon de s'y prendre qui n'est pas la meilleure. Il faudrait prendre exemple sur d'autres pays et ne pas utiliser que la répression pour vaincre le problème de la drogue. Vous êtes la voix des ONG et indirectement la voix des sans voix... Bravo pour cet engagement. Sans vous beaucoup de choses n'auraient pas changé.»

 

Jean Bruneau, ex-commissaire des prisons : «La sécurité et l’ordre, c’est l’affaire de tout un chacun»

 

«Je suis de nature positive. Au fil des années, on a certes vu beaucoup de choses concernant le law and order ou encore tout ce qui touche aux ravages de la drogue dans notre pays. Il y a eu beaucoup d'améliorations mais peut-être qu’on n’a pas bougé assez vite avec notre temps et on n’a pas pris en compte le phénomène de changement social qui s’est opéré à Maurice. Je ne dis pas que la situation est 100% correcte mais, par exemple, si beaucoup de touristes viennent à Maurice (hors Covid-19), cela reflète et démontre quelque chose. Quand un touriste va dans un pays, il se renseigne avant et si on voit le nombre de personnes qui choisissent de venir visiter notre île, je me dis qu'elles sont rassurées d’une certaine façon par la situation concernant le law and order. Je ne dis pas que tout va bien, je me dis qu’il y a un niveau de sécurité qui, bien évidemment, demande à être amélioré et contrôlé. La sécurité, c’est quelque chose qui doit toujours être remis en question. Rien n’est acquis en ce qui concerne la question de sécurité. On doit toujours se remettre en question. Pour beaucoup de personnes, la question de law and order c’est l’affaire de la police ou des autorités, sauf que c’est l’affaire de tout le monde. Si on veut d'une société où il fait bon vivre, on ne peut pas s’attendre à ce que 10 000 policiers fassent le travail seuls. C’est la même chose concernant la situation avec la drogue dans le pays. Tout le monde doit s’unir. À Maurice comme ailleurs, il y a ce qu’on appelle la blame culture. Il se passe quelque chose, il y a un crime et on demande tout de suite : "Qui est responsable ?" Mais est-ce que chacun se demande : "Moi, ai-je pris mes responsabilités ?" Je crois beaucoup dans le sport, je pense que c’est un élément unificateur qui peut aider à vaincre bien des fléaux. Chacun a une contribution pour le progrès de son pays et pour améliorer le bon vivre ensemble.»

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