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25 juillet 2016 23:26
Elle fait peur, inquiète et interpelle. Les drogues synthétiques sont plus que jamais au cœur des préoccupations. Si les travailleurs sociaux martèlent depuis des mois que la situation est inquiétante, du côté du gouvernement, on semble prendre la chose à la légère. Anil Gayan, ministre de la Santé, a assuré à deux reprises que la situation n’est pas alarmante alors les chiffres montrent que 74 personnes ont été admises à l’hôpital Brown-Séquard de janvier 2015 à avril 2016 pour se faire soigner après avoir pris ces drogues. Et selon les organisations non gouvernementales (ONG), bien que le nombre de décès ne soit pas officiellement connu, 22 personnes en seraient mortes.
Selon les travailleurs sociaux, les parents sont désemparés, les responsables des collèges ne cessent d’appeler pour qu’ils viennent sensibiliser les élèves. Mais pour le Premier ministre, il y va seulement de «la responsabilité des parents».Et si la ministre de l’Éducation, Leela-Devi Dookun, a reconnu que des écoliers ont été retrouvés sous l’influence de ces drogues, elle a précisé que celles-ci avaient été «consommées en dehors de l’école». Pourtant, de 2013 à 2016, l’ADSU a retrouvé de la drogue dans 29 collèges.
Face à cette situation qu’elle juge plus qu’accablante, la société civile réclame que les autorités s’investissent davantage. Dans un récent article paru dans nos colonnes, Danny Philippe dénonçait le silence de nos élus. Ce qui est important aujourd’hui, disent les travailleurs sociaux, c’est de travailler ensemble, pas de se renvoyer la balle. Doit-on compter les morts par centaine pour qu’on se réveille enfin ? Combien de nos jeunes doivent être touchés pour qu’on réagisse ? Quelle est la responsabilité de l’État et de nos élus ?
Au niveau du ministère de l’Éducation, on assure que «la situation est prise avec le sérieux requis» et que des mesures sont déjà en place. Outre un contrôle accru quant au comportement des élèves et pour que les drogues n’entrent pas dans les écoles, les chefs d’établissements et le personnel sont priés de rapporter tout cas suspect à leur directeur de zone, qui, à son tour remontera l’information au ministère qui travaille en étroite collaboration avec la police. Aurore Perraud a, elle aussi, décidé de ne pas rester les bras croisés.
La ministre a demandé des consultations avec des ONG et autres partenaires. «Nous n’avons pas les compétences, dans mon ministère, pour traiter de cette question, qui relève du mandat du ministère de la Santé, donc nous avons consulté les ONG et les autres ministères concernés afin de faire un état des lieux. Après ces deux niveaux de consultation, nous avons demandé un groupe de travail qui pourrait dégager une stratégie à adopter face à ce phénomène mais, bien entendu, nous restons dans le secteur de l’enfance, puisque c’est ma responsabilité vis-à-vis du gouvernement et vis-à-vis du peuple», nous explique-t-elle.
Et les autres élus dans tout ça ? Pour le député mauve Reza Uteem, le MMM est conscient et inquiet face à la montée des drogues de synthèse. C’est d’ailleurs pour cela, dit-il, qu’une commission a été mise sur pied pour analyser la situation et faire des propositions au gouvernement. «Nous déplorons la politique de l’autruche du ministre Gayan qui veut faire croire que tout va bien et quand le PM vient rejeter toute la responsabilité sur les parents, nous voyons clairement qu’il y a un déni de la part de l’État qui a aussi une part de responsabilité.»
S’il réfute les dires selon lesquelles il y a un silence de la part de l’opposition, il estime que la guerre lancée par l’État aux ONG envoie un mauvais signal et contribue à accentuer le problème. «Dire qu’il y a un silence de notre part est faux. Les ONG ne sont pas au Parlement sinon ils auraient vu qu’il y a des questions toutes les semaines. Aujourd’hui, nous devons être solidaires, trouver des traitements, intensifier les campagnes de sensibilisation et éviter la prolifération de ce fléau.»
Le député Sudesh Rughoobur a soulevé la question lors d’une séance parlementaire récemment. Même s’il se dit convaincu de la détermination du PM à combattre la drogue synthétique, il reconnaît qu’il y a un manque au niveau des mesures de prévention. «Au niveau de ma circonscription, nous avons mis un District Community Policing qui comprend des membres de la police, de l’ADSU, des ONG et des représentants des ministères concernés. Nous devons tous travailler ensemble. Se bagarrer est inutile et profitera à ceux qui propagent cette drogue»,dit-il. Pour lui, cette responsabilité incombe à tout le monde.
Osman Mahomed, député travailliste, tire lui aussi la sonnette d’alarme sur ce sujet qu’il a longuement évoqué lors du dernier congrès du PTr à Vallée-Pitot : «Il y a une vraie frustration dans ma circonscription par rapport à la drogue. Vous imaginez l’effet que ça a sur la police ou les marchands de drogues lorsqu’ils entendent un ministre de la Santé dire que la situation n’est pas alarmante. À quoi ça sert qu’on ait un gouvernement s’il n’est pas capable de résoudre nos problèmes de société et qu’il vous dit que c’est de votre responsabilité.»
Pour le député orange, Maneesh Gobin, on ne peut pas se voiler la face quant à l’ampleur que prend la drogue synthétique à Maurice. Pour lui, il est temps que les autorités et les travailleurs sociaux joignent leurs forces et travaillent ensemble. Dire que la société civile est ignorée n’amènera rien, dit-il : «Ce n’est pas le moment de se lancer dans des débats inutiles. Face à une situation pareille, nous ne devons pas entrer dans des polémiques. Nous avons besoin de la coopération de chacun.»Un travail en équipe qui se fait cependant toujours attendre.
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