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20 novembre 2016 23:27
Une maman pleure, entourée de ses deux filles, elles aussi en larmes. Elles font peine à voir dans cette ruelle sombre d’une cité de Moka, où nous les rencontrons, et qui mène à leur modeste maison. Une salle verte y est dressée et des chaises en plastique éparpillées ici et là. Si l’atmosphère est lourde et triste en ces lieux, à l’extérieur règne une certaine indifférence. Les voisins semblent impassibles face aux malheurs de cette famille après le décès tragique de l’homme de la maison.
Ses funérailles ont eu lieu dans la matinée du vendredi 18 novembre mais il n’y avait pas grand monde.«Ti kapav kont dimoun lor ledwa. Fami pa frekant zot», souligne un proche pour expliquer l’insouciance des habitants de l’endroit. La veille, Rehman Diloo, un maçon de 43 ans, a succombé à un arrêt cardiaque à la Burns Unit de l’hôpital Victoria à Candos, quelques jours après avoir subi de graves brûlures, le 6 novembre.
Ce jour-là, sa fille de 15 ans l’avait ébouillanté avec de l’eau chaude. La Criminal Investigation Division de Moka, menée par l’inspecteur Cowlessur, a ouvert une enquête et l’adolescente a été interpellée avant d’être relâchée en attendant la suite de l’enquête. Quoi qu’il en soit, l’évocation de ce terrible drame familial plonge la veuve et ses filles de 15 et 13 ans dans la tourmente.
«Les gens disent des choses pas très réjouissantes sur mes filles.Mais ma fille aînée n’avait pas l’intention de tuer mon époux», lâche la femme de Rehman Diloo d’une voix sourde. Mais pourquoi l’adolescente a-t-elle essayé de tuer son père ? Certains évoquent une histoire de moeurs pour laquelle les filles auraient porté plainte contre leur père... La veuve, elle, ne veut pas se prononcer là-dessus et ne veut pas non plus que ses filles le fassent. Elle nous dira juste que son mari était brutal et collectionnait les frasques. «Il devenait incontrôlable quand il buvait. J’ai des protection orders.Nou lavi pa ti fasil. Nou ti viv dan freyer sak fwa li bwar me kan li pa bwar pli bon dimoun ki li pena. Akoz samem fami pa ti frekant nou.Il a aussi fait de la prison. Il venait de retrouver la liberté après une peine d’emprisonnement pour une affaire de vol.»
Il collectionnait aussi les petits boulots, selon son épouse, qui nous montre dans la foulée l’état de décrépitude de sa maison pour appuyer ses dires : «Get nou lakaz kouma ete.»Le couple était marié religieusement (nikkah) depuis 13 ans après la naissance de leur fille cadette.
Après le drame du 6 novembre, Rehman Diloo a attendu 24 heures avant de se rendre à la police pour signaler que sa fille de 15 ans l’avait ébouillanté et ensuite à l’hôpital. Il n’avait toutefois pas consigné de déposition formelle, arguant qu’il allait le faire à sa sortie. À son décès, sa fille a été interpellée et interrogée en présence de sa mère.
Dans sa déposition, elle raconte que le jour du drame, son père est rentré à la maison complètement ivre. Une vive altercation entre sa femme et lui aurait alors éclaté. L’adolescente précise que sa sœur et elle étaient aussi régulièrement violentées. Son père, dit-elle, avait également l’habitude de se livrer à des gestes indécents devant elles. À un moment de la dispute ce jour-là, elle a voulu s’interposer entre ses parents et aurait pris un violent coup au dos avec un morceau de bois que tenait son père.
Peu après, sa mère l’aurait invitée à aller prendre un bain. Folle de rage, elle aurait jeté l’eau du bain, chauffée sur une plaque à gaz, par la fenêtre sans savoir, dit-elle, que son père se trouvait dehors à ce moment-là. Ce n’est que quelques minutes plus tard, lorsqu’elle est allée à l’extérieur, qu’elle se serait rendu compte que son père avait été ébouillanté. Mais c’était un «accident», affirme-t-elle.
Si mère et filles crient à l’accident, d’autres dans l’entourage de la famille n’hésitent pas à dire que la victime était un homme «maltraité». Quand il était saoul, allèguent-ils, ses proches en profitaient pour le frapper parce qu’il désapprouvait les relations de ses filles avec des hommes peu fréquentables. La mère, selon une source proche de l’enquête, tolérerait, voire encouragerait ces mauvaises fréquentations, alors même que ses filles avaient été mises à la porte de leur collège en raison de cela. Une histoire d’argent pourrait aussi être à la base de la tragédie. Rehman Diloo se serait plaint à quelqu’un, peu avant le drame, que sa famille avait pris son argent.
Après avoir reçu les premiers soins à l’hôpital le 7 novembre, l’homme a signé le Discharge Against Medical Advice Formpour pouvoir rentrer chez lui. Il est revenu sur sa décision le 11 novembre car ses brûlures sur l’estomac et d’autres parties du corps lui faisaient terriblement mal. Six jours plus tard, il est emporté par une crise cardiaque. Il avait d’autres problèmes de santé, dont le diabète et une forte tension artérielle. Ses artères étaient également bouchées par l’alcool et la cigarette.
En attendant que la police fasse toute la lumière sur les circonstances de ce drame familial, la veuve de Rehman Diloo et ses filles ne savent plus trop à quel saint se vouer. L’aînée sera convoquée à nouveau cette semaine pour les besoins de l’enquête. Ce n’est qu’après avoir recueilli sa déposition que les enquêteurs vont décider de la marche à suivre. L’adolescente risque d’être poursuivie pour agression. Entre les soupçons de la police et le dédain des voisins et de leur propre famille, la veuve Diloo et ses enfants se serrent les coudes et se préparent à affronter les épreuves à venir.
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